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EAN : 9782072954153
240 pages
Gallimard (14/10/2021)
4.5/5   1 notes
Résumé :
" Témoigner d'une expérience surnaturelle, dans une époque si meurtrie par l'esprit de calcul et d'analyse, comporte forcément un revers d'ombre et de folie. "

C'est sur le terrain des grandes prophéties qu'on s'achemine avec ce conte halluciné, où résonnent des échos de Milton et de Dante.
Nous sommes en 2015, juste avant les attentats du Bataclan et du Stade de France. À l'issue d'un après-midi étrangement lumineux, le narrateur va tout à cou... >Voir plus
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Citations et extraits (4) Ajouter une citation
Qu’on n’aille pas croire que je n’ai pas cherché à relativiser ce qui m’arrivait ce jour-là. Car je suis fait de telle façon qu’au tribunal de ma conscience j’écoute volontiers l’esprit railleur, toujours critique, avec lequel je désamorce le plus souvent situations et événements inextricables. Simplement, j’ai eu beau essayer de battre en brèche le sentiment d’avoir glissé dans une lumière qui se serait réfléchie du conte au rêve, puis du rêve à la veille, pour m’orienter vers le réel le plus profond, je n’ai pas réussi à entamer ce sentiment une seule seconde. Au contraire, cette évidence des êtres, cette vérité des êtres, cette beauté des personnes que j’avais découvertes sous la verrière de la piscine, tout m’est resté au creux de l’âme sans aucune déperdition, comme si j’avais assimilé quelque sagesse inaliénable.
Ainsi, le soir venu, longtemps après que mon neveu eut regagné son domicile, j’ai perçu France, ma jeune épouse, comme jamais auparavant. En regardant ses cheveux blonds ensoleiller le vestibule de notre appartement, j’ai ressenti sa beauté forte, sa présence vraie, son évidence. Mieux, je l’ai vue dans sa grandeur infuse – dans son rap- port avec la joie, avec la vie, avec l’amour. Et tout d’un coup, la puissance qui nous liait m’est apparue plus intime que ma propre substance ; même si cette attraction, depuis sept ans que nous étions mari et femme, nous attendait comme un possible jamais vraiment actualisé. Aussi, ce qu’il fallait vivre à présent, nos yeux l’ont su en un éclair. Je veux dire : il n’y a pas eu de mots, il n’y a pas eu de signes, nous nous sommes simplement déshabillés. Puis nous avons fait l’amour avec une grande intensité, nous laissant traverser par un désir inexplicable, qui s’élevait depuis nos gestes, depuis nos souffles, depuis nos âmes. Et diable ! c’était une volupté étrange, un ravissement presque angoissant, tant le plaisir s’accroissait sans jamais s’arrêter. Encore, et encore, et encore. À telle enseigne que j’ai voulu repousser France, effrayé par l’orgasme qui montait de la sorte. Mais rien à faire : mon intention s’est délitée. Et si mes doigts n’ont réussi qu’à se crisper sur ses hanches, elle, dans le même temps, m’a attiré avec passion. Double mouvement qui nous a fait passer un seuil, puisque soudain nous avons joui dans un même cri, qui m’a percé de part en part. Or, bizarrement, au milieu de ce cri, il y avait une béance ; et tout autour de cette béance, il y avait de la lumière.
Combien de temps sommes-nous ainsi demeurés dans cette lumière qui nous tenait l’un dans l’autre ? Je ne le sais pas. Toujours est-il qu’après un laps qui pourrait bien renvoyer à un moment d’éternité, j’ai pris conscience que je pleurais à grand renfort de gémissements très plaintifs, très obsédants, que je n’avais jusqu’ici rencontrés que chez France, qui d’ailleurs sanglotait elle aussi, comme chaque fois qu’un orgasme la soulevait un peu trop haut. Pour couper court à cette lente retombée de corps et d’âme qui me faisait par trop languir, je me suis donc remis debout ; puis j’ai marché jusqu’au salon pour me servir un verre d’alcool. Cependant, avant d’atteindre le meuble-bar, je me suis figé net. Car, dans le miroir de style Renaissance situé à l’autre bout de la pièce, juste au-dessus de la cheminée, entre la bibliothèque murale et la série de trois fenêtres ouvrant sur les toits de la ville, j’ai vu un homme si étonnant qu’il m’a fallu quelques secondes pour comprendre que c’était moi.
Irradiant le salon par la fenêtre la plus à l’est, la lune saturait le grand miroir octogonal, et mon image s’y reflétait dans un halo surréaliste. De plus, par je ne sais quelle loi optique, mon cœur brillait au milieu de ce lustre. J’avais même l’impression de le voir palpiter dans ma cage thoracique. Et d’ailleurs, sans que je sache si c’était une vision véridique ou un songe enfanté par mon esprit inquiet, son cycle de systole et de diastole m’est tout d’un coup apparu en transparence. Oui, par un moyen inexplicable, j’ai contemplé le sang qui circulait dans l’artère aorte et l’artère pulmonaire, comme si mes yeux étaient à même de traverser la chair. Or, dans les ventricules gauche et droit que je voyais se remplir, puis se vider au cours de la révolution cardiaque, il m’a semblé que deux tendances s’affrontaient – l’une pour le bien, l’autre pour le mal. Chacune tentant de m’investir tout entier.
Certes, comme je l’ai annoncé au début de ce roman, je ne donnerai pas une théorie générale du combat de la lumière et des ténèbres. Néanmoins, l’évidence m’oblige à dire qu’en règle générale les ténèbres nous enchaînent à nos esprits animaux, excitant nos instincts et flattant notre orgueil. Il s’agit chaque fois de nous dénaturer, en sorte que nous rampions sur la terre, quand nous sommes faits pour converser avec les anges. La lumière, pour sa part, ne s’oppose pas aux ténèbres comme un principe antagoniste. Au contraire, elle les raffine et les sublime en dominant la liberté que nous avons de faire le mal. Vices et transgressions sont ainsi transmutés à la racine, et les plus fortes passions génèrent alors des splendeurs ineffables. Bien sûr, le plus souvent, les œuvres pernicieuses maintiennent le cœur en esclavage. Pourtant, il arrive quelquefois qu’un grand désir de vérité assèche les eaux du mal ; et quand cela se produit, toute la personne s’illumine, gloire et justice l’enveloppant comme un vêtement paradisiaque.
Était-ce un vêtement de ce genre qui habillait ma nudité dans le miroir du salon ? Ou bien cette apparence n’était- elle qu’un symbole de la victoire à laquelle on parvient quand on lutte vaillamment pour éclairer son cœur ? Je n’en sais rien. Sans doute un peu des deux. En tout cas, le désir d’accentuer cette lumière si spéciale est monté peu à peu, jusqu’à devenir irrésistible ; au point que j’ai résolu d’affronter les obstacles qui pourraient m’en empêcher, l’enfer dût-il se dresser contre moi. Seulement, j’étais loin d’imaginer la violence de l’épreuve – sa haine, son délire, sa cruauté. D’autant qu’un surcroît de lumière a soudain attiré mon attention du côté de la table basse, lorsque j’ai remarqué, dans le miroir doré, que l’ouvrage illustré de mon neveu Alexandre, le fameux Conte du Graal, réverbérait, lui aussi, les rayons de la lune.
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Je ne donnerai pas une théorie générale du combat de la lumière et des ténèbres.
Seulement, à force d’écrire dans une revue littéraire aux titres étranges, tels que Vie-Mort-Vie, ou La Sagesse qui vient, ou encore Nous ne sommes pas seuls au monde, il faut croire que mon travail m’aura permis de circonscrire de mieux en mieux les ténèbres morbides qui m’égaraient depuis l’enfance. Le plus étonnant, du reste, aura été de découvrir que ces ténèbres n’étaient pas tant les miennes que celles de mon époque ; même si, bien sûr, il serait trop facile d’affirmer que je n’entrais pour rien dans les désordres qui m’accablaient. Que mon dernier roman s’intitule Noir parfait indique d’ailleurs la tendance que j’ai suivie tout au long de cette période ; jusqu’à ce qu’enfin s’enclenchent les aventures qui devaient me conduire à la libération, contre des forces terrifiantes, littéralement démoniaques.
Je ne m’étonne donc pas aujourd’hui que la lumière ait été l’élément presque palpable au sein duquel je progressais comme dans de l’eau, lors de ce RÊVE si réel où mon destin s’est mis en branle. Je m’en souviens précisément, c’était après déjeuner, par une journée chaude et pesante, le mercredi 4 novembre 2015, alors que la rumeur du trafic parisien berçait la ville. Mon neveu Alexandre, un garçon de neuf ans que je gardais de temps à autre, lisait une bande dessinée dans la chambre d’ami où il avait ses habitudes, attendant mon réveil pour que l’on aille à la piscine. L’appartement était paisible, et je venais de m’assoupir dans le canapé d’angle du salon. Dos incliné, jambes étendues, mains sur le ventre, mon corps flottait dans ma conscience, laquelle errait, ou plutôt s’enfonçait dans une lumière sans limites.
J’imagine que j’aurais dû m’abandonner à la situation, à sa douceur, à sa tranquillité. Hélas, je me sentais dérouté. Je recherchais un sol, de l’eau, des plantes, des animaux, n’importe quoi. Et j’aurais certainement cédé à la panique si la lumière ne s’était pas contractée pour laisser apparaître une clairière enneigée, que mille arbres chenus entouraient de mystère, les branches levées au ciel, tels les bras dénudés d’autant d’ermites suppliants. Oui, j’aurais perdu pied si je n’avais pas repéré une assez large construction au beau milieu de la clairière, qui miroitait sous un soleil que je savais être à l’orient. Mais, par bonheur, j’ai coupé court à la hantise et au vertige. J’ai même trouvé des marques de pas dans la neige fraîche, que j’ai suivies, très étonné, de plus en plus intéressé. Car manifestement ces empreintes concordaient avec l’écart de mes foulées, pour ne pas dire avec la forme de mes bottes.
Ainsi, pendant quelques minutes, j’ai vraiment eu le sentiment de marcher sur mes traces, comme si j’étais en quelque sorte à la remorque de moi-même. Puis je suis arrivé devant les eaux d’un ruisseau clair, que j’ai franchi à gué, avant de reprendre ma route jusqu’à la construction de schiste rouge où je brûlais de m’engouffrer. Violemment, inexplicablement, j’avais en effet l’impression qu’un événement m’y attendait. Et je n’ai guère été déçu une fois entré à l’intérieur. Puisqu’en trouvant sur une pierre brute un corps flétri, parcheminé, qui embaumait une agréable odeur de myrrhe et de cannelle, j’ai su d’emblée qu’il s’agissait du vieillard que je serais dans cinquante ans. Information qui m’a porté à calculer que j’aurais là quatre- vingt-huit hivers : un huit pour lui, un huit pour moi, si je puis dire. Mais je n’ai pas eu l’occasion d’interpréter ce parallèle. Car, de nouveau, sans transition, je me suis retrouvé dans la lumière : le vieillard, la construction, le ruisseau, les traces, la neige, la clairière, tout s’est dissous dans un éclat prodigieux. Et c’est alors que je me suis réveillé, ouvrant les yeux sur Alexandre, qui m’a demandé sur-le-champ si nous pouvions nous rendre à la piscine.
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Tout le long du trajet qui conduisait vers les jeux d’eau que mon neveu appréciait tant, je n’avais cessé de remâcher mon rêve étrange. J’avais bien essayé de l’oublier en préparant maillots, serviettes et bonnets de bain. Mais son souvenir m’avait hanté à cause d’une ressemblance notée à mon réveil, quand mon regard était tombé sur le roman de chevalerie que j’avais emprunté à la bibliothèque municipale, il y a déjà quelques semaines ; alors qu’Alexandre s’enthousiasmait pour les romans arthuriens, me demandant d’approfondir les destinées de Perceval et de Gauvain, de Lancelot et d’Yvain, de Galaad et de Mordred. Cette édition jeunesse du livre phare, initial, qui avait influencé tous les continuateurs du genre – je veux parler du Conte du Graal de Chrétien de Troyes – était ornée d’une magnifique illustration de couverture représentant la fameuse scène du Graal, qui avait fasciné tant d’esprits à travers tant d’époques ; probablement parce qu’elle était aux confluences d’effets variés, voire opposés, comme la merveille et la sainteté, la magie et l’amour.
Soit dit en passant, Alexandre s’était d’emblée entiché de cette scène, qu’il m’avait fait lire et relire, cherchant toujours à mieux comprendre ce que pouvaient signifier la lance qui saigne, les candélabres d’or, le Graal éblouissant et le plateau d’argent que de jeunes gens apportaient en procession vers la chambre attenante à la grande salle du château, où un festin était servi en l’honneur de Perceval, le héros du récit. Par ailleurs, mon neveu affectionnait le caractère fantastique du château, qui était apparu au fond d’un val, surgissant de nulle part ; il aimait sa fantasmagorie, son raffinement, ses richesses, ainsi que la noblesse de ceux qui l’habitaient. En revanche, il s’indignait de la niaiserie de Perceval, puisque chaque fois que le Graal était venu en sa présence, illuminant le grand espace autour de lui d’une clarté fabuleuse, ce chevalier avait gardé le silence au mépris des convenances et en dehors de tout esprit d’à-propos. Ses questions sur ce spectacle auraient pourtant guéri son hôte paralysé, et surtout son royaume. Malheureusement, il s’était tu. Et ce faisant, il avait décliné son nom, tranchant d’un coup son ambiguïté même, dans la mesure où Perceval avait été le chevalier qui perd ce val, et non pas le chevalier qui le perce.
On l’aura pressenti, dans cette scène tirée du conte, la ressemblance avec mon rêve se rapportait à la lumière qui les baignait respectivement, comme s’il y avait, au-delà des mots et des images, je ne sais quelle réalité indivisible que la lumière traduisait par sa simplicité. Bien sûr, ce jour-là, après mon somme, après le trajet en métro, après les cabines des vestiaires, les toilettes, les douches, et jusqu’à ce que je marche sous la verrière ensoleillée de la piscine, j’avais voulu me persuader que cette ressemblance était bénigne, qu’elle ne dénotait rien ; d’autant que mon rêve s’inspirait à l’évidence du livre lu, le matin même, en compagnie d’Alexandre. Cependant, quel qu’ait été mon besoin de tout ramener au sens commun, la certitude qu’un événement remarquable était passé du conte au rêve, via la lumière, pour rallier finalement mon quotidien le plus tangible, cette certitude n’a pas tardé à m’envahir avec la force d’une pensée claire. Car, en marchant dans le petit bassin de la piscine, je me suis vu au beau milieu des rayons clairs d’un soleil clair, que la moindre goutte d’eau, le moindre jet, la moindre ondulation réverbéraient en un milliard d’étincelles chatoyantes. Oui, j’ai baigné dans une lumière presque palpable ! Et du même coup, j’ai vraiment eu le sentiment que les frontières entre les mondes de la lecture, du rêve et de la veille se dissolvaient pour laisser place à une unique expérience ; un peu comme si le fameux Graal apparaissait une troisième fois en ma présence, après avoir déjà paru et reparu sans que j’en aie pleinement conscience.
Ainsi, au beau milieu des miroitements, des cris d’enfants, des éclats de rire et des échos amplifiés par le volume du bâtiment, il m’a semblé emprunter quelque voie parallèle. D’ailleurs, je n’ai pas tardé à rejoindre une dimension étrange, à la fois plus subtile et plus concrète que n’importe quelle autre – une dimension d’évidence. Car tous les corps autour de moi sont subitement devenus limpides. En quelque sorte, je les ai vus dans leur beauté fondamentale. Et ce qui m’a frappé en les considérant – eux qui nageaient, riaient, jouaient à demi nus –, c’est qu’ils étaient absolument réels. Je veux dire : tous ces corps éphémères, ils étaient pris dans une histoire, ils avaient une histoire. Et cette histoire les façonnait depuis toujours, elle exprimait la vérité qui advenait à travers eux. Or, cette vérité-là, c’était le réel nu, lequel coïncidait avec la beauté même.
Par exemple, je regardais ce très vieil homme, qui venait de sortir du grand bain avec force précautions, qui avançait le dos courbé, presque cassé par le poids de sa vie apparemment interminable ; et sa fragilité de phasme-feuille, sa lenteur de paresseux, ses cicatrices rouge-violet au niveau du thorax, toutes ses douleurs, toutes ses fatigues, en un mot, sa faiblesse, loin d’attester une fin de partie, m’évoquait la poursuite d’un formidable apprentissage, qui aujourd’hui autant qu’hier faisait son œuvre sobrement. De cette façon, je comprenais combien la fin est encore enseignante, voire le sommet d’une vie passée à essayer de se connaître. Et par suite, le vieillard m’apparaissait auréolé d’une beauté nécessaire – en vérité, constitutive. Une beauté qui annulait tous les marqueurs de la puissance, tous les canons esthétiques, toutes les caricatures du désir. Une beauté qui épousait la vie, qui disait oui, qui était là, tout simplement.
De même, sous ce soleil d’évidence, au beau milieu de cette clarté déconcertante, j’observais Alexandre, qui s’amusait en compagnie d’autres garçons dans les remous artificiels du petit bain. Et là aussi, la beauté m’émouvait – me prenait aux entrailles. Car sa façon de barboter était si gaie, si pétillante, qu’on aurait dit le rayonnement d’une joie divine.
Dans tous les cas, je ne voyais plus seulement des hommes, des femmes, des enfants. Mais je voyais des vies croissantes, des histoires en mouvement, des destinées en acte. Bref, des présences qui s’efforçaient, bon an, mal an, d’équilibrer le corps et l’âme, de les articuler, voire de les unifier. Or, cet effort, dont je prenais maintenant conscience, m’éblouissait littéralement : j’en étais bouleversé. Car la beauté qui y transparaissait – que cela soit dans les yeux du jeune homme trisomique venu nager avec son groupe de camarades, ou bien encore dans la démarche de l’aveugle qu’on menait avec prudence le long du grand bassin –, cette beauté, dis-je, coïncidait avec l’effort que j’effectuais moi-même, jour après jour, pour continuer à exister, pour vivre mieux, pour respirer plus haut. Ce qui me renvoyait au sentiment de ma fragilité. Puisque tous ces efforts, toute cette beauté se fracasseraient tôt ou tard sur le miroir inexorable de la mort. Et c’était là, bien entendu, dans cette pensée de ma faiblesse, que je touchais la certitude de profiter d’une vie unique, d’un corps unique, d’une âme unique. Oui, c’était là que j’apprenais qu’il n’y a pas, qu’il n’y aura jamais la vie sans la mort ni la mort sans la vie, mais seulement cet UNIQUE qui les enroule dans son sein.
La vie – la mort – l’unique – justement, je les ai retrouvés une heure plus tard, en la personne d’une ogresse, que mon neveu et moi avons considérée comme une apparition tout droit sortie d’un conte de fées, dès le moment où nous l’avons aperçue dans le local réservé aux douches. En effet, dans ce lieu très banal, une femme aux proportions démesurées se savonnait d’une manière vigoureuse, se démenant avec ses seins volumineux qui lui tombaient en haut des cuisses : les soulevant l’un après l’autre pour laver son gros ventre, les contraignant de son bras gauche pour accéder aux parties basses de son corps. En tous ses gestes, elle agissait sans pudeur, glissant ses mains pleines de savon presque ostensiblement dans sa culotte, sur son sexe, entre ses fesses protubérantes, dans ses cheveux noir de jais, sur son visage aux traits grossiers, sur ses bras lourds, sur ses jambes fortes, entre chacun de ses doigts de pied. Et là aussi, quoique la lumière naturelle ait dis- paru pour laisser place aux éclairages artificiels, j’ai tout à coup été frappé par la beauté considérable de l’ogresse face à moi. J’en ai même tressailli, la comparant instinctivement à ces statuettes réchappées de l’âge des cavernes, telle la Vénus de Willendorf ou de Lespugue. Car j’avais l’impression qu’elle incarnait une énigme ancestrale, illustrant très crûment, avec ses airs de dévoreuse, de quelle manière la mort féconde ce qui prétend venir et vivre.
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« Toute la suite des hommes pendant le cours
de tous les siècles doit être considérée comme
un même homme qui subsiste toujours et qui
apprend continuellement. »
Blaise Pascal, Fragment de préface pour le traité du vide
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Rencontre avec Yannick Haenel et Valentin Retz .Le magazine TRANSFUGE et la librairie Delamain proposent une rencontre avec Yannick Haenel et Valentin Retz à l'occasion de la sortie de leur dernier livre. Rencontre animée par Damien Aubel du magazine TRANSFUGE. 12 février 2015
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