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EAN : 9791027802463
Le Castor Astral (06/02/2020)
3.94/5   16 notes
Résumé :
Dédiée aux regrettés Michel Baglin, Marie-Claire Bancquart et Antoine Emaz disparus en 2019, cette anthologie rassemble plus de soixante-dix poètes francophones contemporains autour du thème du Courage.

"Nous, avec le poème comme seul courage", se veut un témoin de l’éclectisme de la création poétique actuelle. Ici, aucun courant poétique ni aucune doctrine littéraire ne font la l... >Voir plus
Critiques, Analyses et Avis (1) Ajouter une critique
Cette anthologie, réunie et présentée par Jean-Yve Reuzeau, est d'une grande richesse. Pas moins de 84 poètes contemporains l'habitent de leurs mots, leurs émois et leur courage. Cette anthologie, dont les textes sont pour la grande majorité inédits ( Il est important de le préciser) est dédiée aux cinq poètes disparus en 2019, dont mon ami Michel Baglin.
Le thème choisi, c'est le courage, thème du « printemps des poètes2020 » mais aussi, comme le proclame la préface de Jean-Yves Rouzeau, c'est « le courage de s'avouer poète », car ils ne manquent pas de témérités, nos poètes d'aujourd'hui, témoins de notre époque.
Tous francophones, ces 84 poètes viennent de tous les horizons. Certains sont nos voisins quand d'autres vivent au-delà de la méditerranée comme Rim Battal ou Adonis ou encore du Québec comme Nicole Brossard ou José Acquelin.

Point n'est besoin de s'armer de courage pour lire, que dis-je, dévorer, ces 393 pages de poésie vibrante
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Citations et extraits (29) Voir plus Ajouter une citation
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Olivier Barbarant | La seguirán oyendo (élégie pour Allende)

« Seguramente Radio Magallanes será acallada y el metal tranquilo de mi voz ya no llegará a ustedes. No importa. La seguirán oyendo » ― Salvador Allende, 11 septembre 1973, Santiago, 9h10 (heure locale).

Sous le casque mal fixé
les lunettes de travers

Cet homme fait pour la pensée
pour les livres et le velours
vient de guingois dans la violence
les yeux fixés sur les avions

Sur l'image il forme un contraste
avec ceux qui l'entourent
et qui tentent de le protéger
leurs armes brandies prêtes pour le tir
quand la sienne est cachée le long de son veston
c'est à peine si on la devine à la bandoulière
qui d'ailleurs glisse à l'extrémité de l'épaule
comme si tous les objets de mort
ne pouvaient pleinement faire corps avec lui
qu'on verrait n'était le casque plutôt sortir
d'une conférence
d'une salle de cours
vieux professeur sans cravate
au gros pull pâle à chevrons
venant de raconter l'histoire des tribus amérindiennes
ou celle de la poésie après le siècle d'or
ou encore un exposé
sur le meurtre du monde en régime marchand

La déchirante maladresse les yeux ronds
tout ce qui lézarde la gloire en ses ordinaires atours
ce qui dément la raideur et ferait rire l'adversaire
est justement ce qui retient : tous
avec lui étaient des hommes
des femmes
vivant dans notre monde
lisant des journaux
buvant des cafés parlant de cinéma
sans l'amidon de l'uniforme
sans l'horrible barre des lunettes noires
la casquette à galon
capables de parler d'art
tous du camp du sourire
du grand soleil naïf aux vitres des écoles
si bien qu'au-delà des affaires d'usines
d'actions américaines
ce fut surtout en septembre comme avril bombardé
tout un printemps qu'on assassine
dans l'affreux parfum des branches brûlées

Sur l'image pourtant pas plus de crainte que de colère
mais une attention
toute entière tournée vers l'action
indifférente
aux lourdes portes d'opéra qui l'encadrent
dont déjà les mâchoires semblent se refermer

A quelques minutes de sa fin
il sort il sait
les monstres prêts à tout puisqu'ils ont lâché les avions
lancé leurs bombes
mais il lui semble avoir tout dit
sur les ondes de Radio Magallanes
d'une voix dont le calme et la chaleur
à tout jamais
sidèrent

il a tracé de grandes lignes de soleil
et sur les avenues tandis qu'y roulent d'affreux tanks
il a posé des passants un couple qui s'étreint d'autres plus loin qui dansent
comme sous l'azur lacéré de lueurs
repeint des feuillages et même glissé dans le paysage
le peu de vent qui les fait palpiter

C'est ici que s'inquiète mon poème
Ici qu'hésite l'émotion
saisie entre la splendeur d'un tel lyrisme
et comme toujours la crainte du trop-plein

J'avoue les larmes irrépressibles à chaque fois
que remontent ces mots limpides
si peu de temps avant les balles
mais peindre un tel bonheur quand on a tout perdu
parier toujours sur l'avenir
bondir ainsi d'au moins trente ans
comme si les stades pleins les ongles arrachés les doigts brisés des guitaristes
les amis martyrisés
les femmes nues sous les coups les viols et l'électricité
constituaient un mur qu'il s'agirait de dépasser

Tout ce printemps naissant brodé quand le sang va couler
ce pari de résurrection
la foi si sûre d'elle-même
tordent le cœur qu'ils ont ouvert
même à savoir qu'ils ont raison

je ne sais pas voir au-delà j'ai peur
toujours de la promesse
du signe pris trop vite pour la chose vendue
du venin des songes
puis je me méprise et mon temps avec moi
de n'en être plus mêmes capables
avec nos souffles courts
nos vers brefs
nos yeux vidés comme nos crânes
et par peur panique d'être dupes
tous nos refrains coincés

Sur l'image cependant nul excès
rien de la démesure latine
juste un homme
calme au seuil de ses bourreaux
l'évidence de la justice
l'air de bonté
et ce qu'il faut de maladresse
pour émouvoir vraiment

C'est sans doute pourquoi je la préfère
aux derniers mots prononcés
malgré leur splendeur
la photographie ne promet rien
que la justice assiégée
avec au fond la nuit entre les grandes portes
et hors-cadre la mort dont il cherche les yeux

Depuis le temps que ce titre me ronge
Élégie pour Allende
Il fallait bien finir par y plonger
tenter
de mettre en mots la mise en croix
malgré le vers qui s'étrangle
et chaque fois à la mémoire de l'énorme marée

Nous étions en cercle dans la cuisine
mes parents pleuraient
je n'aurai compris que plus tard l'étendue de la tragédie
dans les concerts de soutien les soirées
les chanteurs les récoltes d'argent les réunions dans les fumées
des cigarettes voilant la scène
avec des contorsions de grands cordages
dans la lumière des projecteurs
et depuis lors la honte d'être comme à côté de l'histoire
Télémaque naissant aux temps de la défaite
porteur du deuil dès ses premiers pas

Ici j'ai décrit mon Christ
rira qui voudra
sans bien savoir jusqu'où je crois
je suis de ceux qui continuent
d'entendre sa voix.
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Peut-être que le poème n’est pas une réponse




Peut-être que le poème n’est pas une réponse
et qu’il n’est pas non plus une question
ou bien il est une question
à l’absence de réponse
et une réponse à l’absence de question
peut-être que le pourquoi
le poème le pose comme une certitude
et le parce que, le poème le pose
comme un désarroi


// Laurent Albarracin
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J'emmène mon cheval avec moi
quand arrivent les nuits noires
on s'en va regarder
tourner les éoliennes
les manèges, les planètes
avec une provision de pépins
sous les sabots
(à planter si possible
juste derrière l'horizon)
alors si on réussit
à avoir tous les deux
le courage du coquelicot
on aura encore des forces
pour les jours à venir
(Albane Gellé)
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Ils n’ont jamais été vainqueurs



Ils n’ont jamais été
vainqueurs pourtant
ils n’ont jamais été vaincus
C’est tout au fond
de leurs yeux
qu’on peut trouver
en prenant la peine
de regarder
– et c’est bien
la moindre des peines —
cette minuscule fleur
qui s’appelle le courage


// Thomas Vinau
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Maison d'enfance

Sur la pointe des pieds, je rentre dans ma maison d'enfance.
Tout est à sa place : les chaussures rangées par taille, le meuble
en bois avec son petit napperon brodé, les photos de communion
sur les étagères... Je pénètre dans mon ancienne chambre et
découvre, assis à mon pupitre, l'enfant que j'étais à huit ans.
Doucement je m'approche, regarde par-dessus son épaule :
il griffonne des mots blancs. A gauche sur son cahier, il a dessiné
son avenir : un homme-oiseau s'échappant d'une cage aux
barreaux invisibles.

Lydia Padellec, p.283
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Video de Jean-Yves Reuzeau (1) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Jean-Yves Reuzeau
Avec Arthur H, Rim Battal, Zéno Bianu, Kent, Abdellatif Laâbi, Mélanie Leblanc, Hervé le Tellier, Marie Modiano, Jean Rouaud, Mylène Tournier, Hélène Arntzen (saxophone) & Sébastien Volco (claviers)
Cette anthologie du Printemps des Poètes rassemble plus de cent poètes francophones contemporains autour du thème de l'éphémère. Là où dansent les éphémères se veut un témoin du foisonnement de la création poétique actuelle. Ici, aucun courant poétique ni aucune doctrine littéraire ne font la loi. L'anthologie est constituée essentiellement d'inédits.
Le livre est dédié aux poètes disparus en 2021 : Philippe Jaccottet, Bernard Noël, Werner Lambersy, Joseph Ponthus et Matthieu Messagier.
À lire – Là où dansent les éphémères – 108 poètes d'aujourd'hui, Anthologie réunie par Jean-Yves Reuzeau, le Castor Astral, 2021.
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