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EAN : 9782757895085
112 pages
Points (04/03/2022)
4.09/5   11 notes
Résumé :
Emmanuel Macron avait invité les chômeurs à " traverser la rue " pour trouver un travail. Comme si l'individu était un acteur rationnel, calculateur, seul responsable de ses actes et de leurs conséquences. Or, cet individu n'existe pas, personne n'est le coach de soi-même, et la nation n'est pas une " start up ", sinon dans un certain discours managérial et comptable qui est au coeur de la rationalité politique d'Emmanuel Macron et qui induit au mirage d'un " nouvea... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (6) Voir plus Ajouter une critique
Je viens de lire le petit mais dense ouvrage de Myriam Revault d'Allonnes, L'Esprit du macronisme ou l'art de dévoyer les concepts*. Vivifiant, c'est petit mais c'est du lourd ! Enfin quelqu'une qui regarde ce qui fonctionne conceptuellement sous le capot Macron, ce qui le soutient le "macronisme" question idéologie, question agencement de concepts de philosophie politique voire d'anthropologie politique ! Je me permets d'en proposer en fin d'article l'index nominum, au cas où, cher lecteur, tu souhaiterais voyager en biais dans l'ouvrage...

Mais tout d'abord, voici ce que dit la quatrième de couverture, très éclairante.

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J'ai aimé lire ce livre pour sa structure précise et clarifiante : l'auteure, pour chacune des trois notions-clés qu'elle travaille (Autonomie, Responsabilité, Capacité), propose d'abord une sorte de doxographie faisant le point sur la problématique notionnelle, histoire de partager avec le lecteur de quoi elle parle exactement (sans quoi aucun dialogue ne serait possible, comme aimait à dire Paul Ricoeur). Après quoi seulement, elle analyse la situation macronienne de la problématique en question.
Les trois notions-clés font chacune l'objet d'un chapitre et ces trois chapitres sont précédés d'une grande mise au point intitulée "La coexistence des hommes : les moeurs et les lois". Cette mise au point part de ce que peut vouloir dire "faire société", sollicitant les témoignages de Montesquieu, Rousseau, Mauss, Jonas, Arendt, Ricoeur... C'est dans ce "faire société" qu'Autonomie, Responsabilité et Capacité prennent tout leur sens et se fortifient de tous leurs enjeux.

J'ai dévoré ce livre pour ce qu'il risquait d'apporter comme réponse à ma question d'il y a quatre-cinq ans : Mais pourquoi cet homme revendique-t-il le parrainage de Paul Ricoeur ?

Quand j'ai vu arriver Emmanuel Macron sur la scène politique et se porter candidat à la Présidence de la République, je n'y ai pas vraiment porté attention, me disant qu'un clone mis à jour de Giscard d'Estaing faisait irruption au milieu d'un monde passablement enlisé et pour tout dire ennuyeux à force d'exhiber des impasses sociales et politiques. C'est quand il a parlé de Paul Ricoeur qu'il a commencé de m'intéresser. J'avais lu jadis ce philosophe pour ses travaux passionnants sur la métaphore et sur l'herméneutique, notamment, et je ne voyais pas comment l'énarque banquier postulant à la Présidence pouvait ainsi se réclamer du philosophe. Il l'avait aidé pour l'édition (et non l'écriture !) d'un ouvrage. Bon, OK. Mais encore ?
Emmanuel Macron affirme que Paul Ricoeur l'a "rééduqué sur le plan philosophique"**. Car il avait déjà été éduqué question philosophie. Lectures de Marcel Conche (dont l'accent corrézien rocailleux sonne encore à mon oreille tant il tranchait avec les façons professorales de parler en Sorbonne au début des années 70 !), Kant, Aristore, Descartes, Hegel. C'est Machiavel qui lui fit "abondonn[er] la métaphysique pour la philosophie politique"**. Puis c'est la rencontre avec Ricoeur avec qui il a "lu et relu de la philosophie antique"** et surtout avec lequel il a, dit-il, bien dialogué... tellement dialogué que le philosophe l'aurait "poussé à faire de la politique, parce que lui-même n'en avait pas fait"**(?). de fait, certains trouveront dans sa démarche "le dialogue, la bienveillance, autant de notions ricoeuriennes qu'il a fait siennes pendant son ascension vers l'Élysée"***, d'autre verront dans "sa proximité avec le philosophe Paul Ricoeur, avec la revue Esprit, son intérêt pour la chose intellectuelle" une authentique "disruption"**** par rapport à l'air ambiant... On dirait bien que, faisant le récit de son compagnonnage avec Paul Ricoeur, Emmanuel Macron s'octroie son titre de créance philosophique", comme disait Marc Lambron*****.
Donc, qu'une personnalité philosophique, qui plus est membre du conseil scientifique du Fonds Ricoeur et fine connaisseuse du philosophe (elle a par exemple dirigé avec François Azouvi le Cahier de l'Herne Paul Ricoeur de 2004, réédité au Seuil trois ans plus tard dans la coll. Points Essais), qu'une telle personnalité philosophique donc travaille l'idéologie macronienne, cela ne pouvait me laisser indifférent !
Ceci dit, le parrainage Ricoeur qu'exhibe Emmanuel Macron a été largement contesté par les intellectuels proches de Paul Ricoeur. Plusieurs articles publiés par le Monde et un communiqué de presse du Fonds Ricoeur atteste d'une polémique à ce sujet... En tous cas, tout cela "marque la distance prise par les intellectuels ricoeuriens avec celui qui fut, entre 1999 et 2000, assistant éditorial de Paul Ricoeur" (Le Monde le 3 décembre 2019). C'est dit ! Mais Myriam Revault d'Allonnes permet de comprendre comment le discours néolibéral du Président tord les concepts sur lesquels il prétend fonder son action politique, finissant par ne plus duper personne.

Dans cet ouvrage, largement salué dans les médias, je sens comme une rigueur philosophique imparable, produisant un discours sans ambiguïté, à la Ricoeur ! Et cela ne grandit pas l'image philosophique du Président. C'est qu'il y a quand même une différence entre faire de la philosophie et faire le philosophe, comme disait Kant.
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Cet essai de philosophie politique court et intense a été rédigé en octobre 2020, dans l'actualité de l'urgence sanitaire de la Covid 19. Il a pour objet l'analyse de trois concepts-clés de la pensée et du discours politiques d'Emmanuel Macron : l'autonomie, la responsabilité et la capacité. La thèse défendue brièvement mais rigoureusement est que ces concepts ont été pervertis par un certain discours « managérial et comptable » bien rodé du néolibéralisme, notamment par rapport à leur sens établi par les Lumières allemandes (Kant) et françaises (surtout Rousseau). de surcroît, les allocutions présidentielles durant la crise sanitaire les ont rendus d'autant plus équivoques que l'action politique s'est avérée contradictoire avec les principes énoncés. À l'origine de ce double détournement ou « dévoiement » des concepts, on trouve la confiscation de « l'endettement réciproque entre l'individu et la société » au profit d'une vision utilitariste du lien social. L' « in-dépendance » des individus et même leur liberté sont dissociées de leur intégration dans la communauté.
Il est intéressant de noter que parmi les auteurs les plus souvent convoqués dans cette démonstration, on trouve Michel Foucault et Paul Ricoeur, que le président-candidat ne se prive pas de citer à ses heures... Pourtant les analyses des propos de celui-ci, tirés de son opus intitulé : Révolution, ainsi que d'extraits de ses interventions publiques en tant que ministre et ensuite président, parmi les plus polémiques et commentés dans toute leur outrance scandaleuse (« nation start-up », « traverser la rue pour trouver du travail », « premiers de cordée », « pognon de dingue », etc. ), révèlent des détournements de sens qui sont loin d'être anodins.
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"Les mirages du Président philosophe". D'où vient ce titre qu'on lui attribue? Il suffit donc de citer Paul Ricoeur et d'avoir un peu étudié la philosophie pour y prétendre? Ne serait-ce pas plutôt une propagande médiatique qui veut donner à l'homme une profondeur et une contenance qu'il n'a pas? Je ne suis donc pas d'accord avec le bandeau qui établit, même pour des raisons commerciales, une égalité entre l'auteure et le Président de la République, tous deux présentés comme philosophes. le but est, bien sûre, de confronter le travail de l'une au vide abyssal de l'autre mais tout de même; présenter Macron comme philosophe est un manquement intellectuel qui ne se pardonne pas. Y'a-t-il une ironie que je n'ai pas su percevoir?

Ici, l'auteure remonte gentillement les bretelles de notre Président dont toute la politique néolibérale consiste à vider de leurs sens des concepts philosophiques et politiques pour les appauvrir, les malmener et les tordre dans l'objectif de servir une idéologie qui ne donne à l'être humain qu'une vision bien terne de la vie sur terre: chacun doit être le plus efficace et le plus performant pour nourrir la productivité donc la croissance, gagner sa vie pour la dépenser à consommer.

Dans la "pensée" néolibérale, l'Etat, gestionnaire, se désengage pour se mettre uniquement au service d'une économie. Il se déploie simplement pour faire du citoyen un outils, une main d'oeuvre corvéable, au service d'une croissance que l'on espère à deux chiffres. L'Homme y est un être rationnel, calculateur et individualiste qui doit construire son parcours en pensant toujours en coûts et risques. Il est premier de cordée quand il réussit, "rien" quand il "échoue" et l'échec est bien sûre de sa faute. Il n'a qu'à traverser le trottoir pour trouver un travail afin de se payer un costard et une rollex avant ses 50 ans.

Dans la pensée néolibérale, l'utilité donne LE sens. Ce qui n'est guère utile au productivisme est tout simplement dénuée d'intérêt. Voilà ce que rappelle cet essai qui franchement n'apporte rien de nouveau au débat. La critique est abordée philosophiquement mais peu importe le bout par lequel on prend le néolibéralisme la conclusion est la même.
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Lecture un peu ardue car l'auteure, professeure de philosophie use, abuse, de termes propres à son enseignement et dont le sens est parfois obscure pour les profanes dont je suis. Néanmoins, avec un peu d'effort, ce petit livre, sans apporter grand chose de très nouveau dans le débat actuel sur la conception qu'a Monsieur Macron de sa fonction, de son rôle, de ses missions et de son pouvoir, a le mérite de poser de façon synthétique comment le président de la république inscrit son mandat dans le prolongement d'une mouvance néo-libérale d'inspiration thachérienne initiée il y a une trentaine d'année, période durant laquelle le quinquennat de Français Hollande n'a été qu'une brève parenthèse. le chapitre sur les dérives de la responsabilité m'a paru des plus intéressants! Toutefois, par rapport aux interviews données par l'auteure entre autre sur France Inter et France culture, ce livre est davantage une analyse des fondements du néo-libéralisme émaillée de quelques exemples puisés dans les déclarations d' Emmanuel Macron qu'une vraie étude des propos de ce dernier.
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— Les invariants du discours macroniste sous-tendent une conception néolibérale et managériale de la société, celle où prime l'injonction à devenir "entrepreneur de soi-même". La "start-up nation" serait le "level playing field" idoine pour ces "premiers de cordée", mais oublie les "métamorphoses de la question sociale" (Castel). Pour autant, inclure le souci des vulnérables et l'appréhension de risques "incalculables" dans un monde incertain peut rétablir notre puissance d'agir en déconstruisant l'instrumentalisation des aspirations humaines par le capitalisme. Nul doute que l'"homme capable" de Ricoeur ne saurait se réduire à sa performance dans un système de généralisation de la "forme entreprise" (Foucault).
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critiques presse (1)
LeMonde
23 février 2021
Dans son essai, la philosophe se livre à la déconstruction des concepts, appauvris, selon elle par le macronisme, grattant le vernis théorique qui recouvre ses formules-clés.
Lire la critique sur le site : LeMonde
Citations et extraits (13) Voir plus Ajouter une citation
Renoncer à sa liberté, écrit Rousseau, c'est renoncer à sa qualité d'homme mais pour donner à la liberté son sens plein (celui d'un exercice et pas seulement d'une garantie formelle), il faut l'instituer. D'où - et c'est l'une des significations que l'on peut donner à la conversion existentielle requise par la conquête de la liberté civile - la critique et la démystification d'une indépendance d'autant plus factice qu'elle passe pour "naturelle" alors qu'en réalité elle est l'effet d'une imprégnation sociale et de l'intériorisation de normes extérieures. Il faut donc se défaire d'une conception faussée, illusoire, de la liberté comme satisfaction liée aux désirs et aux intérêts individuels pour accéder à sa représentation adéquate comme autonomie, soustraite à l'arbitraire des subjectivités parce qu'elle ne peut être que pensée dans son rapport à la loi.
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Or c'est une pensée politique bien pauvre que celle qui, s'appuyant sur cette représentation unidirectionnelle (ascensionnelle), ignore que la dynamique démocratique est habitée par le conflit, qu'elle est vouée à l'accueillir et à l'institutionnaliser de manière interminable. Ce qui fait la vie des sociétés démocratiques, ce qui nourrit leur dynamique et leur inventivité, c'est la pluralité sans cesse renouvelée, réinventée, des débats et des oppositions, c'est l'expérience de la division par laquelle la communauté se rend sensible à elle-même. L'objectif d'une véritable démocratie n'est pas de viser la disparition des antagonismes mais de les mettre en forme et en sens, afin que puisse véritablement s'exercer la souveraineté du peuple. La démocratie est le régime où les conflits sont institutionnalisés. Faute de cette dynamique structurante, la démocratie est vidée de son sens et de sa substance. A ce titre, l'imaginaire social de la cordée qui vide la démocratie de sa substance est plus conforme à la représentation de l'entreprise qu'à celle de la société politique.
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4. « En contrepoint de ce dévouement [des « premiers de cordée » pour les autres], se dessine la figure de ceux qui, jaloux d'une telle réussite et habités par les passions tristes, leur "jettent des cailloux". On ne verra pas dans ce comportement contre-productif l'expression d'une protestation sociale ou même d'une révolte éthique contre l'inégalité ou l'injustice : il n'est que l'expression d'une frustration psychologique. On voit comment l'abolition des conflits, c'est-à-dire de la dimension proprement politique de l'existence collective (elle se traduit aussi par le célèbre "en même temps" ou par le "ni droite ni gauche"), conduit à une interprétation du social et de la vie démocratique dans les termes d'une psychologie collective pour le moins sommaire. » (p. 80)
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6. [ex Épilogue :] « Retrouver les réserves de sens que recèlent certaines idées et certains mots, initier un rapport nouveau au passé, réanimer sa profondeur vivante, n'est pas étranger à cette exigence [de faire émerger des manières inédites de penser et d'agir, selon les vœux de Hannah Arendt]. Car les dévoiements analysés dans ce petit livre témoignent, bien au-delà (ou en deçà) de la rhétorique de l'actuel président, de l'insidieuse mutation de notre univers mental et de la promotion d'un monde futur annoncé comme le seul possible. La matrice intellectuelle de ces dérives, dans la pensée comme dans la langue, réside tout d'abord dans un ensemble d'ambiguïtés difficiles si ce n'est impossibles à réduire. » (p. 100)
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1. « Ce qu'il est convenu d'appeler le "néolibéralisme" met en avant la figure d'un individu qui ne devrait rien à personne, d'un sujet dit "autonome" en ce qu'il ne tire la loi de son action que de lui-même, de son mérite propre, de ses efforts, tels le self-made man ou encore les "premiers de cordée" si souvent évoqués dans le discours macroniste.
Cette logique engage évidemment une certaine représentation du lien social, du rôle des institutions et de ce qui nous "oblige" à leur égard. Réciproquement, elle oriente la façon dont la société envisage ce qu'elle doit à ses membres. Enfin, elle infléchit le regard que les individus portent sur eux-mêmes, se perçoivent et s'évaluent. La rationalité néolibérale ne se limite pas simplement à des choix économiques mais elle imprègne la physionomie de notre époque, les mentalités, la nature des échanges, les affects, les manières de vivre, intimes et communes, etc. Elle tente de produire des comportements, de façonner normativement les individus, d'évaluer leur activité d'une manière avant tout quantifiable. L'autonomie consiste à prendre soin de soi de façon rationnelle, à "calculer" sa vie en se soumettant à une logique unitaire, celle de l'homme "entrepreneur de soi", performant et inséré dans une compétition généralisée. » (p. 11)
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Vidéo de Myriam Revault d`Allonnes
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