Les résidents de l'Isère rural montagnard, comme tous les habitants des campagnes et des villes de l'ensemble des départements, sont sûrement un peu plus surpris par la déclaration de guerre que le laisse croire le récit. Toutefois l'essentiel des préoccupations, en juillet 1914, est le fait que l'été est particulièrement chaud.
« C'est le temps des vaches maigres. Maigres parce que nourries de vieille, d'herbe sèche et d'un peu de verdure glanée le long des chemins ou délaissés après les fenaisons à l'ombre d'un frêne ou d'un buisson. En été si sec, il ne faut pas entamer le foin de l'hiver, ce foin qu'on vient juste d'engranger. Elles donnent chacune de quatre à cinq litres de lait par jour, les deux tarines aux yeux comme ourlés de khôl ». (page 11)
Joseph Trilloux a quatre fils, en cet été 1914. Tous partiront au combat, deux ne reviendront pas et deux rentreront mais une invalidité particulière. À travers ces quatre destins, sont posés l'évolution du type de combat entre 1914 et 1917 (le livre ne couvre pas l'année 1918), les conditions de vie et de mort du poilu (porté disparu, fusillé pour l'exemple en particulier) , les blessures particulières (psychiques et gueules cassées), la façon dont l'arrière vit et imagine la guerre. Durant trois ans le héros, un des quatre frères, va vivre une intense solidarité avec un soldat qui lui ressemble.
« Comme c'est étonnant ces rencontres de hasard. Ils habitent dans des villages à peine éloignés de dix kilomètres ! Il se présente : François
Jouvenel. Pour l'instant, j'aide le père parce que je suis le seul homme de la famille mais… Tous deux fils de paysans, tous deux brillants à l'école, tous deux ont passé le certificat et auraient pu aller plus loin. Tous deux dans désir de prendre la succession, tous deux assoiffés de savoir… Comme c'est drôle, la vie ! ». (page 48)
De nombreux extraits de carnets fictionnels ou de lettres de poilus alternent avec des pages de récit.
On retrouve le héros et François
Jouvenel dans l'après-guerre, tous deux blessés font le choix de se recycler dans l'enseignement ; toutefois ils vont évoluer idéologiquement de façon diamétralement opposé tout en gardant une solidarité certaine entre eux. C'est "Le maître à la gueule cassée", dont l'action se déroule pour l'essentiel à Lyon, qui constitue donc la suite de l'ouvrage "
Les frères Joseph". Pour son roman, "
Les frères Joseph",
Serge Revel s'est vu décerner le Prix
Claude Farrère de l'Association des écrivains combattants 2014.