Un petit tour à New York deux ans après les attentats du 11 septembre.
Été 2003. Sous une chaleur suffocante, Ground Zero n'est qu'un vaste chantier. La Freedom Tower n'existe que sur plan, et la fragilité des habitants de Manhattan est palpable. La plaie est loin d'être refermée et tout peut basculer en une fraction de seconde. C'est d'ailleurs ce qu'il se passe lorsque le corps d'un ouvrier clandestin et arabe est retrouvé sur le site.
Le commandant O'Malley est chargé de l'enquête. L'occasion pour le lecteur de faire la connaissance de plusieurs personnages ayant vécu et ressenti différemment le 11 septembre. Il y a Candice, serveuse de bar, dont le petit ami travaillait au World Trade Center et n'est jamais revenu. Pete, ancien flic, de service ce jour-là, et Simon, le frenchie fraichement débarqué qui observe tout cela d'un oeil extérieur.
« La victime ? Écoutez, commandant, ce type était un musulman, et sûrement un clandestin, pas une victime. Victime, c'est un mot qu'on réserve ici à tous ceux qui sont morts dans les tours. »
«
L'envers du monde » est un roman à part. Sur fond d'enquête policière, il nous parle de deuil, de perte, de traumatisme. A travers les personnages proposés par Thomas, le lecteur fait, lui aussi, son deuil. Pete n'est plus flic, aujourd'hui, il est guide touristique sur Ground Zero. Chaque jour, il se retrouve devant ce trou béant, chaque jour il revit ce jour terrifiant, où il était là, couvert de poussière lorsque la tour une s'est effondrée, ne sachant quoi faire ni où aller pour aider. Aider qui ? Aider quoi ? Pete est devenu raciste, que fait donc cet ouvrier musulman en train de prier sur Ground Zero ? Il ne peut qu'être un terroriste.
Candice s'accroche à la vie tant bien que mal. Son coeur s'est arrêté de battre le 11 septembre. le chapitre où elle nous raconte ce jour terrible restera gravé dans ma mémoire. L'homme de sa vie ne reviendra jamais des Twin. L'émotion se dégageant de ce chapitre est violente, intime.
Simon, quant à lui, a assisté au drame depuis Paris. Passionné par le sujet, il est venu donner des cours à New York, afin d'être au plus près de Ground Zero. Pourtant, il n'est encore jamais venu sur les lieux. Pourquoi ?
Tous sont des survivants. de quel droit ont-ils survécus, eux, et pas les autres ? Pourquoi la vie continue-t-elle pour eux, et pas pour les autres ? Comment se reconstruire ? Comment continuer sa vie ? Ce sont les questions auxquelles Thomas tente de répondre. Tout en nous promenant entre Manhattan, Brooklyn et Coney Island. Histoire de nous apporter un peu d'air, de nous éloigner de la touffeur de Ground Zero.
Car «
L'envers du monde » joue beaucoup sur l'ambiance. A Ground Zero, l'atmosphère est déjà lourde de sens, mais Thomas y rajoute la chaleur écrasante du mois d'août. Tout dégouline. de sueur, de regrets, de peur. A Ground Zero, le soleil est accablant. Il n'y a plus l'ombre protectrice et bienfaisante des Twin Towers. Tout se liquéfie et se délite. Les gens, le temps, la pensée, la mémoire.
La plume de Thomas est délicate, posée, efficace. Les chapitres sont courts, le roman est découpé en trois parties donnant la parole à chaque personnage. Comme lors d'une rencontre. Un peu comme dans un groupe de parole, chacun nous raconte son parcours, son rapport avec le 11 septembre, pourquoi il est là, ce qu'il envisage.
Ce roman est à découvrir absolument si le sujet du 11 septembre vous intéresse. J'ai beaucoup aimé me plonger dans cette atmosphère particulière de Ground Zero. J'ai vu, comme tout le monde, moult reportages télévisés sur la catastrophe. Ici, j'avais l'impression d'être aux côtés des personnages, de vivre tout cela avec eux, il y avait un côté intimiste qui m'a prise aux tripes.
Un roman poignant, un hommage fort aux victimes, mais aussi à ceux qui sont restés en vie.
« A bien des égards, Ground Zero n'existe pas. C'est une fiction. (…). C'est un envers. L'envers de l'attentat,
l'envers du monde, de nos vies. C'est la douleur et le mal, la mort, l'absence, l'endroit où les choses que nous connaissons disparaissent en laissant une place vide qui est de la place pour les mots, pour du sens. Une fiction. »
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