J'ai vécu en hiver
depuis les premiers temps
l'enfance aux yeux d'acier
l'enfance aux yeux de neige
j'ai vécu en hiver
entre de faux printemps
Y a t-il un visage qui me reste de l'enfance
celui de mon grand-père
lorsqu'il m'était enfant.
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Il a entre les doigts tout l'or de nos silences.
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alors on marche
on marche encore
on se creuse corps
comme un navire
un grand navire de silence.
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Un après-midi
I
si tu chopes la queue du cochon,
la manège s’arrête
garde-la précieusement,
tu sauras,
pas longtemps
comment faire cette queue tourner toutes les têtes
conseil à un petit garçon
ou une petite fille
c’est selon
jupon, ou tire-bouchons
II
les couleurs
disparues
les yeux le monde,
nus
s’agenouillent où l’enfance
se couvre
quelques enfants
bonnets et gants de laine
boules de neige et frissons
le ciel
entre les mains
III
lorsque
lorsque lorsque
la tendresse
se recourbe
quelques traits sur la page
quelques traits
le visage
peut-être
peut-être peut-être
peut-être
entre ces traits
quelque chose
de l’aimer
le corps de
mille détours s’y accorder
et un jour
désarticulé
ne reste corps
que le corps de
on aura beau mille tenter
détours ne sont que dépassés
le corps de
celui qui nous garde de la mort
disloqué n’est plus que le corps
assis au bord de ce qui est
on est là ce qui est sans fin
nos corps un à un disparaissent
ne reste plus
que le corps de
ce corps on n’en sait pas le nom
le nôtre n’était lui qu’un habit
l’entendre le dire ne sert plus
se redresser
même pour rien
et on le sait, un proche matin
ne sera là que le corps de
dans le corps de
marcher car de marcher ne reste que l’essentiel
le corps
évidemment
et autour le corps ce qu’on peut un dedans
(p. 88.)
marcher pour cet éclair à l’extrême des fatigues
(p. 87.)
marcher
à perte de chair
au flanc de ce vertige qui nous invente chair
(p. 85.)
marcher
et marcher pour se perdre
à la juste vitesse où on ne connaît plus rien
des choses
du quotidien
(p. 85.)