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EAN : 9782377290772
296 pages
Libertalia (21/02/2019)
4.6/5   73 notes
Résumé :
"La culture du viol touche toutes les cultures, tous les pays. Elle présente cependant des particularités bien spécifiques selon le milieu dans lequel elle s'exprime et se développe. En France, chaque fois que la question des violences sexuelles est posée dans le débat public, les mêmes réticences s'expriment. Certains s'élèvent pour dénoncer l'horrible moralisme réactionnaire qui voudrait condamner la liberté sexuelle si chèrement acquise, nuire à l'identité amoure... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (11) Voir plus Ajouter une critique
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Si vous ne connaissez pas encore le blog de Crêpe Georgette (qui a écrit ce livre), je vous invite à le découvrir mais, aujourd'hui, je vais surtout vous parler de son essai sur la culture du viol, qui est absolument indispensable.

Peut-être que vous êtes en train de vous dire qu'il est impossible qu'il existe une "culture" autour d'un crime puisque tout le monde condamne le viol, qui est le fait de quelques déséquilibrés. Mais la réalité est tout autre.

Ce terme de "culture du viol" sert à expliquer "qu'il existe, dans la plupart des sociétés, des idées reçues, des préjugés au sujet du viol, des violeurs et des violées" nous dit Valérie Rey-Robert dans l'introduction. Et, tout au long de cet essai, elle va développer les raisons pour lesquelles il y a quelques spécificités en France.

Elle va parler de la réalité des violences sexuelles dans ce qu'on nomme "le pays de l'amour" et les croyances qui les entourent ("le violeur est un inconnu, un fou, un monstre", par exemple, alors que la plupart des viols et agressions sexuelles sont commis·e·s par un proche), la non-reconnaissance du crime pour les victimes, et comment la culture du viol prend part dans notre société (à travers les médias, les films, les séries, etc.).

Mais ce que j'ai trouvé particulièrement bien, c'est que l'autrice met également le doigt sur un autre problème : l'instrumentalisation qui est faite sur le viol, par l'extrême droite ou les "féministes" racistes. C'était important d'en parler, notamment après les réactions islamophobes de certaines personnes face à l'affaire Tariq Ramadan, qui jugent les musulman·e·s mais pas l'acte en lui-même.

Grâce à cet ouvrage extrêmement bien documenté, j'ai pu en apprendre plus sur la culture du viol, alors même que je suis féministe et que je lis beaucoup sur le sujet. Même si vous pensez ne pas avoir d'idées conçues, il est très compliqué de se défaire vraiment de ce que la société nous a inculquée.

J'ai eu la chance de rencontre l'autrice à la librairie La Nuit des Temps à Rennes et c'était un moment intéressant, qui donnait envie de se battre contre ces injustices. Les questions et réponses étaient pertinentes, tout comme le contenu d'Une culture du viol à la française.

Bien que ce soit parfois dense (principalement en raison des chiffres), ce livre se lit plutôt aisément, que vous soyez déjà sensibilisé·e sur le sujet ou non. C'est un essai qui me semble être indispensable, parce qu'il est temps de faire bouger les lignes.

Il est temps qu'on éradique les violences sexuelles, et pour y parvenir, il faut qu'on fasse en sorte que la culture du viol n'existe plus.
Lien : http://anais-lemillefeuilles..
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Ne nous dites pas comment nous comporter, dites-leur de ne pas violer

L'introduction est précédée de quelques lignes écrites par Andrea Dworkin dont je souligne : « Cela se passe pour une raison simple. Rien de complexe ou de difficile à comprendre : les hommes le font, en raison du type de pouvoir que les hommes ont sur les femmes. Ce pouvoir est réel, concret, exercé à partir d'un corps sur un autre corps, exercé par quelqu'un qui considère avoir le droit de l'exercer, de l'exercer en public et de l'exercer en privé. Car le résumé et l'essentiel de l'oppression des femmes ».

Valérie Rey-Robert poursuit sur la construction d'une image fausse du violeur, non pas « un psychopathe, laid et contrefait, forcément malade ou monstre de conte de fées » mais un des « MessieursTout-le-Monde », « nos pères, nos cousins, nos frères, nos collègues ou nos maris »…

Des violences sexuelles subies et des interrogatoires sur « leur tenue, leur attitude, leur sourire, leur comportement » ; les victimes « en viennent quasi inévitablement à se sentir coupable d'un crime dont une seule personne est pourtant responsable : celle qui l'a commis ».

L'autrice insiste sur la réalité des violeurs, les représentations erronées imprégnants nos mentalités, les images mentales construites pour se rassurer. Elle rappelle que « le viol a davantage lieu dans un espace privé et est commis par une connaissance ». Et derrière les discours d'apparence si ferme et les condamnations, des excuses pour des personnalités connues ou non, des excuses pour des crimes, les mises en responsabilité des victimes, dit autrement : « combien collectivement nous sommes au fond très tolérants face aux violences sexuelles ». La vérité et ses accommodements, les violences sexuelles comme un non-problème, « La vérité est que nous nous en accommodons toujours, quitte à déformer la vérité »… Et certain·es le font plus publiquement que d'autres, assument la décriminalisation et la banalisation, au nom de l'oeuvre, de la galanterie ou de l'amour à la française, du libertinage ou du fantasmatique droit d'importuner…

Un viol toute les huit minutes, moins de 10% des victimes qui portent plainte, « Nous n'avons plus le temps. Plus le temps de soigner les ego de ceux qui se sentent davantage blessés parce que nous disons que par la réalité des violences sexuelles. Plus le temps pour que la honte change de camp ».

L'autrice explique pourquoi il faut parler de « culture du viol » dans cette société où il y a énormément de violences sexuelles dont les auteurs sont, dans leur immense majorité, impunis, « Culture du viol pour expliquer qu'il existe, dans la plupart des sociétés, des idées reçues, des préjugés au sujet du viol, des violeurs et des violées ». Elle explique aussi pourquoi elle parle de « culture du viol à la française », des formes spécifiques de négation des violences sexuelles, du « troussage de domestique » et de « la liberté d'importuner », des idées reçues – mais pas seulement – qui entravent la lutte contre les violences sexuelles et les viols.

Sommaire

Partie I : Histoire d'un concept – Définitions : Les mots pour en parler ; La culture du viol ; Comment se maintient la culture du viol ?

Partie II : La réalité des violences sexuelles en France : Banalité du mal, banaLité du viol ; Quels recours ? ; Pourquoi si peu de plaintes ?

Partie III : « Cela ne me concerne pas » : le violeur, c'est l'autre ; La victime était « presque » parfaite ; le viol, un crime fantasmé

Partie IV : Une culture du viol à la française : La séduction comme pan de l'identité nationale française ; Les violences sexuelles, une tradition française ? ; Qui dit mot ment

Partie V : Comment lutter contre la culture du viol : Déconstruire les stéréotypes de genre ; Déconstruire la domination masculine

Valérie Rey-Robert aborde, entre autres, la structuration des sociétés et la division sociale des sexes, les systèmes de représentation, les clichés et les préjugés, la construction sociale de l'oppression, l'histoire de la reconnaissance du viol puis du viol conjugal, le viol comme instrument de pouvoir et de contrôle, « La culture du viol est la manière dont une société se représente le viol, les victimes de viol et les violeurs à une époque donnée », la naturalisation du viol, la déculpabilisation des violeurs, le transfert de responsabilité du coupable à la victime, « L'ensemble des violences sexuelles reste la seule infraction où l'on va avant tout chercher la responsabilité du coté de la victime », l'impunité, la loi et ses lectures falsifiées, les idées reçues sur le viol, la construction de la dissymétrie entre les sexes dès l'enfance, le masculin comme allant de soi, les effets du sexisme sur l'estime de soi, la coexistence entre sexisme bienveillant et sexisme hostile, la violence et sa persistance…

L'autrice discute de la notion de consentement, « le consentement implique que les deux sujets qui consentent soient égaux », cite les travaux de Carole Pateman, Nicole-Claude Mathieu ou Geneviève Fraisse, pose une question simple « Comment envisager un consentement dans un rapport hiérarchique » ? et nous invite à réfléchir : « le viol est un rapport de force sexué où l'un ne tient pas compte de la volonté de l'autre ; c'est donc bien le violeur dont il faut questionner les actes et pas la victime »…

La seconde partie est consacrée aux réalités des violences sexuelles en France, leur banalité, l'enquête Enveff de 2000, le domicile conjugal et le couple « deux piliers des violences subies par les femmes », les rapports sexuels forcés, l'enquête Virage de 2015, les viols avant l'âge de 11 ans, l'enquête Cadre de vie et sécurité, les violences sexuelles subies par les personnes homosexuelles et les personnes se considérant comme transgenre, « ces violences proviennent quasi exclusivement d'hommes », les classements judiciaires sans suite, la correctionnalisation d'un crime, « la dénaturation de l'essence criminelle du viol », l'histoire des recours, le tournant du procès d'Aix de 1978, les réflexions féministes, le viol comme crime spécifique, la Loi de 1980, la présomption de consentement des épouses/époux « à l'acte sexuel ne vaut que jusqu'à preuve de contraire », l'après-viol…

Valérie Rey-Robert explique le peu de plaintes, les comportements des agent·es des institutions (police et justice), le poids des préjugés. Elle analyse des productions culturelles, la reproduction de mythes, leur rôle dans le renforcement des clichés, les biais des traitements médiatiques, le doute des entourages, le mépris pour les victimes, la quasi totale impunité des criminels, les excuses et les justifications communément répandues…

La troisième partie est intitulé « Cela ne me concerne pas ». L'autrice aborde le violeur comme nécessairement autre « et pour s'en assurer il convient de repousser cette entité barbare au ban de la norme », le refus du nous, le crime sans coupable, l'acte confondu avec la sexualité et le déni de sa substance criminelle, le vocabulaire et les clichés, l'image du rôdeur pour nier celle du proche, l'instrumentalisation raciste alors que les violeurs sont « de toute origine et de toute condition sociale », la stratégie d'altérisation qui permet de mettre les actes criminels à distance de soi, la misogynie profonde et l'évacuation des violeurs. L'autrice insiste à juste titre, les violences sexuelles sont le problème des agresseurs et non des victimes…

Les clichés et les préjugés, « les vrais hommes ne violent pas », la virilité et la soi-disant masculinité acceptable, la construction de la victime « presque » parfaite, le viol d'un homme comme « crime impossible », les prostituées vues comme éternellement consentantes, le viol conjugal peu reconnu (non reconnu dans plus de cinquante pays), le rôle du physique dans la perception, « trop belle pour ne pas être violée, trop laide pour l'être », les réactions attendues et inattendues des victimes, « On va donc reprocher à certaines victimes de n'avoir pas dit non, à d'autres de ne pas l'avoir dit assez clairement et à celles qui l'ont fait que ce n'est pas un « non » qui convient non plus. Finalement, aucun refus ne convient, il n'est jamais assez fort, assez audible, assez clair », la dissociation, la notion de contrainte, « Selon la loi, la violence physique n'est absolument pas une condition pour que l'on considère qu'il y a viol ou agression sexuelle », celles qui l'auraient « bien cherché », l'érotisation du viol, la sexualisation des enfants, la combinaison des mythes sexistes et des mythes racistes.

L'autrice souligne particulièrement trois idées reçues, la première est de toujours « mettre à distance les violeurs, de nous ou des hommes qui nous sont proches », la seconde est de rendre « les victimes responsables totalement ou partiellement », la dernière d'avoir « une vision stéréotypée des violences sexuelles »…

J'ai particulièrement apprécié les développements sur la culture du viol à la française. « Qu'il s'agisse de lutte contre les violences sexuelles, d'évolution législative ou de médiatisation d'affaires de crimes et délits à caractère sexuel, certains médias, personnalités publiques ou simples individus s'élèvent pour dénoncer l'horrible moralisme réactionnaire qui voudrait condamner la liberté sexuelle si chèrement acquise, nuire à l'identité amoureuse nationale en important le puritanisme au pays des libertés. Mais de quelles libertés parle-t-on ? ». L'autrice discute de la galanterie, de la courtoisie, du libertinage, de l'amour « courtois » qui n'a rien de « très courtois pour les femmes », de « troussage de domestique », de la langue qui en dit long sur les représentations masculinistes des relations sexuelles, « Céder n'est pas consentir, mais il est des cas où consentir peut être céder », de séduction, des « zones grises », des lieux où « la violence existe justement parce que la sexualité se fonde sur la domination masculine », de « baiser volé », du mythe de la galante France face à la puritaine Amérique, de diffusion d'inventions sur les réalités aux Usa, de #metoo, de #balancetonporc, des consentements dissymétriques des hommes et des femmes, de pénétration mais « jamais d'enserrement d'un pénis par le vagin », de baiser et d'être baisée, de l'initiative masculine et de passivité féminine, de fille facile en absence d'homme facile, de la sexualité masculine vue comme irrépressible, des réactions à chaque prise de parole collective de femmes contre les agissements sexistes des hommes, d'une histoire – écrite par et pour les hommes – profonde et persistance, de la dénégation des témoignages, des victimes qui seraient des menteuses, des soi-disant affaires de moeurs qui couvrent en fait des crimes…

Les victimes accusées et moquées, « Au traumatisme du viol, s'en ajoute un second ». Valérie Rey-Robert développe des arguments pour lutter contre la culture du viol. Elle souligne, entre autres, la minimisation des actes, les principes plus « élevés » que les droits des femmes, le déplacement et la dilution des responsabilité, la déshumanisation des victimes, les enquêtes sur leurs faits et gestes, la violence masculine jamais vue comme telle, les stéréotypes genrés, la construction du masculin et du féminin en opposition et en hiérarchie, l'auto- restriction des déplacements des femmes, de temps libre et de son manque pour beaucoup de femmes, de l'espace public et commun pensé avant tout pour les hommes (je souligne les alternatives proposées), de la nécessité de campagnes publiques plaçant les responsabilité des violences du coté des hommes, du refus des hommes de comprendre le refus des femmes, de prise en compte du genre dans les analyses de la ville et de l'éducation, d'assignation sexuée et de liberté d'agir, d'estime ou du peu d'estime de soi, de médias, de la nécessité de nommer et non d'édulcorer, de violences comme un problème de société et non comme un fait divers, « le viol n'est pas un fait divers mais un fait social qui doit être étudié comme tel », de domination masculine à déconstruire, d'éducation des hommes à respecter et à non violer…

En conclusion, Valérie Rey-Robert revient sur la prise de parole collective à la suite des affaires Weinstein et les résistances à ces prises de parole, les fautes attribuées aux victimes ou aux féministes, l'imposition d'un désir à l'autre dans la sexualité, « Serions-nous si peu imaginatifs, si conservateurs, si timorés que la perspective d'imaginer une autre sexualité où chacun et chacune puisse exprimer ses désirs et ses non-désirs nous terrifie ? ». Elle insiste à très juste titre sur l'indécence « du droit inaliénable que les hommes auraient d'avoir des relations sexuelles » et donc à les imposer aux femmes ou à d'autres hommes. Il semblerait que pour certain·es, le sexe pour les hommes soit plus important que la lutte contre le viol des femmes.

« La lutte pour mettre fin aux violences sexuelles n'a pas à avoir d'autre but en soi, cela en est un suffisant. Et si elle doit passer par le fait de repenser nos rapports amoureux, c'est plutôt une chance, une promesse, qu'une crainte ».

Des analyses jamais réductrices, des exposés très pédagogiques, une claire présentation des préjugés et des idées fausses sur les violences sexuelles et les viols. Un livre pour toustes pour que la honte change de camp…

« Les violences sexuelles sont toujours de la faute de l'agresseur, jamais de la victime »
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La culture du viol est internationalement partagée, mais elle a tout de même ses petites déclinaisons. La France a les siennes qui la rendent bien particulière. Il faut dire : grivoiserie, gauloiseries et séduction, c'est notre spécialité. Et ça a son charme. Puis faut pas déconner, en France, on a la classe et on est éduqué, alors ça ne peut pas faire de mal. Enfin, pas vraiment quoi… le viol, c'est un truc de violeurs. Les violeurs sont des malades, des monstres. Ouf. Tant que nous n'avons qu'à jongler avec des artistes – de la drague notamment – et des séducteurs, y a pas de quoi s'en faire. le troussage de domestique, c'est typique. On ne va pas renoncer comme ça à nos traditions non plus !

Pour celleux qui s'insurgeraient du terme « culture », Valérie Rey-Robert explique très clairement la pertinence de son utilisation. Car il s'agit bien d'une mythologie partagée autour du viol, des croyances et des idées pré-conçues qui se transmettent de génération en génération et évoluent avec l'époque, et dont la perpétuation est une responsabilité collective. Car chacun·e participe, plus ou moins activement et consciemment, de cette culture. Il ne s'agit pas de dire que tous les hommes sont des violeurs. En revanche, tous les hommes profitent – même sans le vouloir – de ce contexte. À celleux qui voudraient brandir l'étendard du #notallmen, allez à la case lecture.

La victimisation des agresseurs, la culpabilisation des victimes – pour ne citer que ces deux phénomènes – sont légion courante. Valérie Rey-Robert, en s'appuyant sur un grand nombre d'études, tente d'expliquer et de débanaliser les processus en cours ; le tout dans une langue très simple, sans affectation, avec beaucoup de calme. Et si certaines problématiques sont mondiales, elle décortique les spécificités françaises, vernis de notre grande culture. Amour courtois, libertinage, romantisme : l'analyse est la meilleure arme ici et, si elle se généralise, peut-être permettra-t-elle de démonter certains mécanismes… Un livre qu'on voudrait mettre entre toutes les mains, histoire d'accélérer une conscientisation plus que nécessaire. Pour que cesse, aussi, la peur de parler, de devoir persuader lorsqu'on aurait seulement besoin d'être accompagné·e.
Lien : https://auxlivresdemesruches..
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Valérie Rey-Robert anime depuis plusieurs années le blog Crêpe Georgette où elle analyse et combat les violences sexuelles ainsi que la domination masculine. Elle poursuit son travail dans un essai, Une culture du viol à la française: du « troussage de domestique » à « la liberté d'importuner », où elle mobilise les sciences humaines et sociales, ainsi que des analyses juridiques, pour décrypter la culture du viol.

Elle commence par revenir sur l'histoire et la définition de ce concept né dans les années 1970 dans la sphère militante et universitaire américaine, qui se popularisera au milieu des années 2010 dans les sociétés occidentales. Ainsi, la culture du viol est définie comme étant «la manière dont une société se représente le viol, les victimes de viol et les violeurs à une époque donnée. Elle se définit par un ensemble de croyances, de mythes, d'idées reçues autour de ces trois items » (p.37). L'autrice recense également tous les phénomènes qui maintiennent cette culture du viol, que ce soit l'éducation genrée, le sexisme, la misogynie, la violence sociétale ou encore la problématique du consentement sexuel dans une société régie par le patriarcat.

Elle expose ensuite la réalité des violences sexuelles en France, en reprenant les grandes enquêtes qui ont été réalisées depuis quinze années, et rappelle que toutes les générations et tous les milieux sociaux sont touchés par le phénomène, soit à peu près 580.000 femmes chaque année. Après avoir fait un rappel historique sur les évolutions juridiques concernant le viol du Moyen-Âge jusqu'à nos jours et abordé la problématique de la correctionnalisation du viol, Valérie Rey-Robert démontre que les préjugés sur les violences sexuelles dans les systèmes judiciaire et policier actuels ont un impact négatif pour la reconnaissance des victimes.

L'autrice poursuit dans une troisième partie sa réflexion sur les préjugés sur les violences sexuelles, et explique, avec des exemples médiatiques récents, qu'un imaginaire s'est développé autour des agresseurs sexuels: ils seraient principalement des rôdeurs agissant dans les espaces publics, des étrangers (affaire du Nouvel An de Cologne, Tariq Ramadan) ou des hommes de pouvoir (Dominique Strauss-Khan, Harvey Weinstein). Cela a pour effet de rendre l'agresseur, comme un autre hypothétique, une menace distante, alors que les violences sexuelles ont lieu avant tout dans la sphère privée, et les agresseurs sexuels sont majoritairement connus de leurs victimes.
Un deuxième phénomène qui entretient les préjugés sur le viol, c'est de rendre les victimes responsables, totalement ou partiellement, des violences qu'elles ont subies. « Mariées, travailleuses du sexe, belles, laides, jeunes, vieilles, vierges, actives sexuellement, le moindre élément de leur vie devient un élément à charge » analyse V. Rey-Robert (p.198).
De la même manière, les réactions possibles des victimes pendant ou après une agression (sidération, troubles dissociatifs, mémoire traumatique, etc) étant mal connues par notre société et soumises à des mauvaises interprétations, vont souvent servir à remettre en cause leur parole.

Si la culture du viol est un phénomène qui apparaît dans toutes les cultures, l'autrice se demande ensuite s'il existe une spécificité pour la France ? Pour elle, le constat est sans appel : « lorsque dans beaucoup de pays, il est possible de simplement remettre en cause les violences sexuelles, en France, cela implique de convoquer cinq cent ans de littérature, 400 auteurs classiques et mille ans de civilisation » (p.223). A titre d'exemple, les nombreuses réactions de personnalités médiatiques comme Catherine Deneuve après les mouvements #metoo et #balancetonporc, montrent la volonté d'opposer une « liberté d'importuner », une « séduction à la française » face à libération de la parole des femmes victimes de violences sexuelles.

V. Rey Robert termine son essai en donnant des pistes pour lutter contre la culture du viol, qui concernent principalement l'éducation. Selon elle, il faut s'attaquer aux stéréotypes de genre, et ce dès le plus jeune âge, en réinstaurant par exemple les ABCD de l'égalité, programme d'enseignement sur la théorie du genre abandonné en 2014 suite à des attaques de l'extrême droite. Il faut également s'atteler à déconstruire la domination masculine, en arrêtant de valoriser la virilité, d'éduquer les hommes à la frustration sexuelle, et à l'apprentissage et la reconnaissance de la sexualité féminine.

Alors que la libération de la parole des femmes est attaquée aujourd'hui après la parenthèse #metoo et #balancetonporc, l'essai de V. Rey Robert résonne comme une exhortation à continuer le combat contre la domination masculine et la culture du viol, qui empreignent plus que jamais nos rapport sociaux.
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Une Culture du Viol à la FrançaiseValérie Rey-Robert – Française, Âge ( ??) – 2019 – Aux éditions Libertalia
Plein de - fausses - »excuses » pour les violeurs, « Regard comme tu es habillée aussi ! » « On ne dit pas cela de son père ». C'est débile parce que on plaint la mauvaise personne… Une victime doit être considérée comme telle et non la cause de son agression… Bien sûr cela nous vient des Chrétiens (et peut-être même avant !) et de l'instauration du Christianisme, qui cherchait à asservir les Femmes pour qu'elles se Transforment en mère Pondeuse à Cathos… Bon ça je sais pas si c'est dans le Livre mais j'ai ma Culture aussi ; -) ..
« le mot sexisme serait apparu le 18 novembre 1965 aux États-Unis lorsqu'une enseignante, Pauline Leet (…) »
On parle de « Classe de sexe » cela me penser au Japon médiéval, tout aussi absurde où le Rang social et plus important que la Vie elle-même…
« Ce bref rappel historique de la pensée profondément misogyne qui a imprégné la France pendant des siècles est nécessaire pour comprendre la persistance du sexisme et de la culture du viol de nos jours. »
On suit la chronologie du féminicide et du sexisme à travers les âges jusqu'à aujourd'hui : -)…
Un exposé très détaillé sur le Féminisme et le danger perpétuel dans lequel vivent les Femmes….
Un Viol toutes les 8 minutes en France.
Et pour citer une anecdote qui m'est arrivé, j'ai parlé sur mon lieu de travail des violences faites aux Femmes, et les deux personnes (une femme et un homme) m'ont répondu cash « Les Femmes aussi sont Violentes » quelle honte ! Ma soeur m'a dit que quand tout une catégorie de personne était agressé, voir tuée, il fallait se poser des questions…
Lien : https://linktr.ee/phoenixtcg
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critiques presse (1)
NonFiction
15 janvier 2020
Dans un livre essentiel et adressé à tous, la militante Valérie Rey-Robert déconstruit nos préjugés sur les violeurs et nous donne des outils pour agir contre la culture du viol.
Lire la critique sur le site : NonFiction
Citations et extraits (21) Voir plus Ajouter une citation
Même lorsque l’agresseur sexuel reconnaît qu’il a commis les actes qui lui sont reprochés, il met encore une forme de distanciation face aux gestes qu’il a pu faire. Certes, il les a bien commis, certes, dans d’autres contextes cela serait un viol ou une agression sexuelle, mais dans son cas précis, cela n’a strictement rien à voir. On les verra alors parler de « dérapage », « d’humour un peu lourd », de « culture tactile », de « problèmes personnels » ou de « choses qui tournent mal ».
Une des idées les plus courantes en la matière est d’évoquer une « pulsion irrépressible » qui aurait ôté tout libre-arbitre à celui qui en aurait été victime. En effet, on finit par considérer l’auteur de violences sexuelles comme sa principale victime.
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Nous n'avons plus le temps. Plus le temps de soigner les ego de ceux qui se sentent davantage blessés par ce que nous disons que la réalité des violences sexuelles. Plus le temps que la honte change de camp. Plus le temps que les victimes continuent à se reconstruire seules dans leur coin. Plus le temps qu'elles épongent une culpabilité qu'elles ne devraient jamais ressentir. Plus le temps que les violences sexuelles passent de la rubrique "faits divers" à "politique". Plus le temps d'attendre. Plus le temps de rassurer les hommes. Plus le temps de leur caresser la misère sexuelle. Plus le temps d'être importunées.
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C'était très difficile pour elle ; avec une finesse d'analyse remarquable, elle trouvait beaucoup plus facile de voir son père en victime qu'en coupable parce qu'au moins ainsi elle pouvait arriver à l'aimer. Elle avait longtemps cru qu'il serait plus facile de se haïr que de le haïr.
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La comparaison entre les victimes des violences sexuelles qui parlent et la dénonciation des Juifs pendant la guerre nous renvoie encore une fois à l'idée que lutter contre les violences sexuelles, c'est au fond trahir sa patrie, attenter à l'identité nationale française. Si celles et ceux qui ont dénoncé les Juifs n'ont pas - loin de là - tous été jugés, ils sont vus néanmoins comme traîtres à la France et à ses valeurs. En osant cette comparaison, on fait donc de celles et ceux qui parlent des violences sexuelles subies des traîtres et des traîtresses. Quel meilleur moyen de montrer que dans l'ADN de la France il y a aussi la défense des violences sexuelles ?
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Le harcèlement sexuel ne doit jamais être une option ; on ne siffle pas les femmes dans la rue, on ne leur donne pas notre opinion sur leur tenue, leur sourire ou son absence ou leur physique. Le harcèlement fait que les femmes se sentent objectivées, c'est-à-dire qu'elles apprennent à penser à leur propre corps en tant qu'objets du désir des hommes, au lieu de l'apprécier pour ses capacités ou sa force. Il a été montré que cela conduit à la dépression, à l'anxiété, aux troubles du comportement alimentaire et à de mauvais résultats scolaires. Il est important de dire à ses amis, ses camarades, ses collègues, bref aux autres hommes, qu'on n'est pas à l'aise avec le fait d'importuner des femmes. Une étude a montré que 80% des hommes se sentent mal à l'aise lorsque d'autres hommes font des remarques sexistes sur les femmes mais qu'ils n'osent rien dire car ils pensent être les seuls à le penser.
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Videos de Valérie Rey-Robert (4) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Valérie Rey-Robert
Valérie Rey-Robert vous présente son ouvrage "Téléréalité : la fabrique du sexisme" aux éditions Les Insolent.e.s.
Retrouvez le livre : https://www.mollat.com/livres/2604648/valerie-rey-robert-telerealite-la-fabrique-du-sexisme
Note de musique : © mollat Sous-titres générés automatiquement en français par YouTube.
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