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Charles Reznikoff (Autre)André Markowicz (Traducteur)
EAN : 9782877042260
160 pages
Editions Unes (19/03/2021)
4.17/5   3 notes
Résumé :
Plus qu’une autobiographie, ce livre central dans l’œuvre de Charles Reznikoff est un art poétique. Il y a là une forme de résurgence, ou de permanence de la vie naturelle, une capacité d’émerveillement intacte quoique jamais naïve, presque une innocence dans le regard posé sur la ville. Reznikoff arpente les rues de New York avec le passé en écho, en observateur de cette civilisation nouvelle, effervescente, bâtie sur le souvenir ou le mythe lointain des légendes d... >Voir plus
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critiques presse (1)
Liberation
10 septembre 2021
Ce recueil est comme un prolongement en vers libres des récits d’Ellis Island, il évoque les premiers temps d’une émigration juive à New York, en quête d’une nouvelle appartenance, parcourue d’écueils.
Lire la critique sur le site : Liberation
Citations et extraits (8) Voir plus Ajouter une citation
Je suis allé chez mon grand-père pour lui dire au revoir :
je m'étais inscrit dans une école dans l'Ouest.
Quand je suis entré,
mon grand-père, assis devant la fenêtre, s'est retourné vers moi
(malade, la peau jaunie, les yeux chassieux -
mais les cheveux toujours aussi noirs,
parce que mon grand-père n'avait pas un cheveu, pas un poil
de barbe gris -
il était assis devant la fenêtre, il lisait un livre en hébreu).
Il s'est levé avec difficulté -
il avait dû m'attendre, je pense -
il a tendu les bras et, à haute voix, il m'a béni :
en hébreu, évidemment,
et je ne savais pas ce qu'il disait.
Quand il a fini sa bénédiction,
mon grand-père a tourné la tête et a éclaté en sanglots.
"Je ne serai pas parti longtemps, Grand-père, ai-je dit
en mauvais yiddish, je reviens en juin."
(En juin, mon grand-père était mort.)
Il n'a rien répondu.
Peut-être n'était-ce pas pour cela que mon grand-père était
en larmes :
peut-être est-ce que malgré toutes les connaissances que j'avais
acquises au lycée,
je ne savais pas un mot du texte sacré de la Torah
et je partais dans le monde
sans la moindre parcelle de sagesse accumulée par mon peuple
pour me guider,
sans la moindre prière pour parler au Dieu de mon peuple,
une âme -
car ce n'est pas facile d'être un Juif, ou d'être un homme, peut-être -
que son ignorance condamne à trébucher et à échouer.
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Je l'avais vu déambuler lentement en pleine nuit
portant un plateau de bonbons et de chewing-gums :
un gamin juif de quinze ou seize ans,
avec de grands yeux noir et un visage doux.
Il s'est glissé dans un saloon
et a dû avoir été chassé
parce qu'il est ressorti très vite
par les portes battantes.

Je me demandais ce qu'il faisait
si loin d'un quartier juif.
(Je connaissais les ruelles
et les voyous qui se tenaient dans les angles et sur les marches.)
Quelle proie ferait ce gamin, traînant des pieds avec son plateau !
Je me suis avancé pour le prévenir
de ne pas quitter les lumières de l'avenue.
Il m'a écouté, a posé sur moi un regard attentif et s'est éloigné,
tranquille.
Je l'ai regardé, stupéfait
et me suis dit : il n'y a donc rien qui t'ait fait peur ?
Ni la prise de Jérusalem par les Babyloniens, par les romains,
par les croisés ?
Ni les pogroms en Russie ;
ni les camps de la mort nazis en Allemagne ?
Comment peux-tu encore marcher aussi tranquille ?
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II



30

Quand j’ai atteint le parc, le brouillard
était devenu si épais
que je ne voyais plus les maisons de l’autre côté.
Je n’avais rencontré personne
depuis que j’avais quitté les rues.

Je ne voyais qu’à quelques pas devant moi dans le brouillard :
le chemin de cendres sous mes pas,
la clôture de gros fil de fer,
les pierres grises dessous qui traçaient la limite du réservoir.
Soudain, une sirène a retenti,
plus puissante et plus aiguë à mesure qu’elle s’approchait,
mais je ne pouvais pas dire si c’était une voiture de police
ou une ambulance ;
là, elle était de ce côté-ci
et là de l’autre,
toujours plus forte dans le brouillard –
et puis aussi brusquement qu’elle avait retenti,
elle s’est tue

Ensuite une petite cloche s’est mise à sonner,
tout près.
Je me suis dit que c’était une borne de police.
Elle a sonné sans arrêt pendant un moment
et puis, là encore, elle s’est tue.
J’ai continué ma route sans entendre personne, sans rencontrer personne
tendu comme un animal sauvage en cage.
(...)


/ traduit de l’anglais (États-Unis) par André Markowicz,
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Un bosquet d'arbustes, les branches lourdes de baies,
avec, dedans, le pépiement constant des oiseaux.
Les arbres dans le parc en ce jour de vent froid
par manque de feuilles
sont ornés de papier - des bouts de papiers sales.
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II



29

Dans la rue, neuf étages plus bas, le klaxon d’une automobile en panne
s’est mis à sonner à pleine puissance,
en continu – sans avoir à s’arrêter pour reprendre son souffle.
Nous avons essayé de poursuivre notre conversation
malgré ce hurlement incessant ;
nous avons élevé un peu la voix, qui n’était plus ni calme ni sereine.
Notre civilisation était un peu en panne, semblait-il.

Mais juste comme nous commencions à froncer les sourcils,
serrer la mâchoire et nous pincer les lèvres,
le bruit s’est arrêté ;
et nous avons plongé la tête dans le courant, dans la fraîcheur du silence,
et avons repris notre conversation tranquille, échangeant des sourires.


/ traduit de l’anglais (États-Unis) par André Markowicz,
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Videos de Charles Reznikoff (5) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Charles Reznikoff
Liliane Giraudon La Jument de Troie éditions P.O.L - où Liliane Giraudon lit la préface de son nouveau livre "La jument de Troie" où il est question notamment de poésie et de prose, de Charles Reznikoff et de Danielle Collobert, d'Anni Albers et de Maurice Roche, d'un troisième cancer et d'art brut, de singes et d'une guenon, de dessins poèmes et de poèmes dessins, d'Antonie Delebecque et de Penthésilée, à l'occasion de sa parution aux éditions P.O.L à Paris le 24 octobre 2023
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