Citations sur Le chemin des sortilèges (14)
"Comment réduire ma présence dans l'espace, ne pas grandir, ne pas lever la tête, effacer ces formes qui devenaient trop lourdes, comment garder intact ce qu'il me restait d'enfance? Ne pas nourrir ce corps, le figer dans la douleur qui l'avait vu grandir. [...] Désormais mon corps était là, devant moi. Je le reconnaissais. Il était remonté à la surface et, avec lui, je respirais. Je restai ainsi à me regarder sans bouger. Le froid me glaçait les os. Je m'enveloppai dans ma chemise les bras croisés, telle la survivante d'un naufrage. C'était l'amour qui avait sombré sous mes yeux." pp 158-159
Chaque histoire déposée dans ma chambre était une étape de ce voyage intérieur, chaque livre un caillou blanc semé dans la forêt de l’oubli. Il ne fallait pas chercher à remonter le temps, c’était inutile, mais il fallait avancer, jour après jour, conte après conte.
Année après année, croyant l'oublier, j'avais réussi à créer à partir de son souvenir une image dans laquelle je me contemplais. Mais la petite sirène nageait en moi. Comme elle, j'avais longtemps conservé mes écailles, puis l'armure se fendit, brisée par la passion, et mon corps se transfigura. Je découvrais une douleur bien plus violente, bien plus intense que les autres.
Tout, dans la pièce, se déformait, se tordait, agité par une force invisible. Je crus entendre un murmure, une voix étouffée qui chuchotait des mots dont je ne comprenais pas le sens. Ce qui était inerte prenait corps, mais un corps inconnu..
J'avais la certitude que quelqu'un était là, et qu'il me cherchait. Cette présence fantomatique aurait pu être terrifiante. Pourtant, je n'avais pas peur. Ce n'était pas un fantôme qui venait me hanter. Il n'avait pas l'épaisseur d'une vie. C'était autre chose, une absence plutôt qu'une présence, une réalité irréelle, comme un être qui n'aurait pas été.
p 107
Chaque histoire déposée dans ma chambre était une étape de ce voyage intérieur, chaque livre un caillou blanc semé dans la forêt de l'oubli. Il ne fallait pas chercher à remonter le temps, c'était inutile, mais il fallait avancer, jour après jour, conte après conte.
L’inconnu chantait à travers moi.
Il était une fois celui qui n’est pas.
Dans l’air bleuté,
Éloigné d’un baiser, fracturé du temps,
Flottant entre deux mondes,
Je suis la ritournelle qui retourne au néant.
Celui qui n’est pas. Je suis l’enfant.
Je regardai par la fenêtre, le ciel était clair, et je vis briller autant d'étoiles qu'il y avait d'âmes défuntes. Elles étaient les traces de tous ceux que j'avais aimés, elles scintillaient comme des éclats de rire dans l'infini du temps, comme des échos de vies éphémères, des fragments d'étreintes, de larmes et de sourires.
A quoi sert la mémoire ? A partir de quoi et pour aller où ? Glisser sur cette pente sans fin, vers la disparition de chacun; Dès l'instant où l'on voit le jour, on commence à mourir. Pourquoi se raconter une vie qui avance à reculons ?
Ecrire pour me protéger, pour que les lettres tels des sortilèges, me construisent une armure. Mettre le monde à distance, le regarder, cachée derrière mes lignes.
On entendit un miaulement dans la pièce. Un chat l'avait suivi. C'était son unique compagnon ; il l'avait appelé Cheshire, en hommage à Lewis Carroll. (p.21)