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EAN : 9782373090864
352 pages
L'Echappée (05/03/2021)
3.75/5   6 notes
Résumé :
Funeste chimère promue au rang de technique thérapeutique face aux désastres en cours et à venir, la résilience érige leurs victimes en cogestionnaires de la dévastation. Ses prescripteurs en appellent même à une catastrophe dont les dégâts nourrissent notre aptitude à les dépasser. C’est pourquoi, désormais, dernier obstacle à l’accommodation intégrale, l’« élément humain » encombre. Tout concourt à le transformer en une matière malléable, capable de «&... >Voir plus
Que lire après Contre la résilience à Fukushima et ailleursVoir plus
Critiques, Analyses et Avis (3) Ajouter une critique
Eh, Cyru, va donc voir à Fuku ! On aimerait tant parfois lancer ce cri du coeur au très médiatique Boris Cyrulnik, notre champion national de la résilience, et à toute la clique de consolateurs et pseudo-philosophes qui envahissent de leurs discours lénifiants les étagères de « développement personnel », cette tumeur de la librairie d'aujourd'hui. Et voici que quelqu'un le fait à notre place, avec un incomparable talent ! Thierry Ribault est chercheur en sciences sociales au CNRS, coauteur avec sa compagne Nadine Ribault (disparue en ce début d'année 2021… une touchante dédicace lui rend bel hommage au début du livre) d'un précédent essai à l'analyse critique déjà fort pertinente autour des conséquences de l'accident nucléaire, Sanctuaires de l'abîme, Chronique du désastre de Fukushima, publié en 2012 par l'Encyclopédie des Nuisances. le présent ouvrage revient, dix ans après, sur la catastrophe et ses suites, montrant comment tout un discours soi-disant réparateur s'est construit, appelant à considérer qu'à quelque chose malheur était bon, prônant au service d'une idéologie néo-libérale de la reconstruction un optimisme béat, quitte à nier totalement la réelle et durable toxicité du nouvel environnement de la région. Dans un texte qui décrit le marasme quotidien dans lequel vit la population locale et donne voix à de nombreux témoins, les titres des différents chapitres révèlent les étapes de l'enquête critique autour du développement de cette langue de bois de l'acceptation - « le despotisme de la résilience », « la production de l'ignorance », « la falsification du monde », « la perte, c'est la porte ? », « gouverner par la peur de la peur » - , nous engageant à rester lucides pour mieux combattre la dégradation de nos conditions de vie, à refuser le déni de la réalité, à arracher tous les pansements mensongers, censés nous guérir de nos blessures. A retrouver ainsi l'autonomie de notre conscience et le vrai courage d'affronter les périls. Oui, c'est urgent, à Fukushima et ailleurs, résistons à la résilience… Merci à Thierry Ribault de nous y inciter de si puissante manière !
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Thierry Ribault est en colère. Une colère froide, mais juste. Son livre n'est pas un simple pamphlet, ce n'est pas non plus un coup de gueule. Il s'agit d'une analyse basée sur un profond travail de recherche.

La résilience fait partie de ces mots récemment émergés dans les discours (certains discours), comme la bienveillance, qui avancent masqués. Dans la ligne directe de ces phrases que l'on répète comme des mantras en se persuadant que cela va fonctionner, l'exemple type étant la célèbre phrase de Nietzsche : ce qui ne te tue pas te rend plus fort. Dans ce livre, on apprend que Nietzsche lui-même n'y croyait pas vraiment... Conclusion: si tu n'arrives pas à t'adapter, c'est de ta faute.

Et on apprend aussi - surtout - la duplicité de la résilience et de ses prosélytes. Il s'agit d'exhorter les gens à s'adapter à une situation critique, à laquelle les gouvernants n'ont pas de remède. Exemple: à Fukushima, comme il était impossible d'évacuer toute la population concernée par l'accident, on dépense beaucoup pour leur expliquer que c'est à eux de s'adapter. (Toute ressemblance avec les discours sur les masques au début de la pandémie de Covid-19 n'est bien sûr que pur hasard).

En parallèle, les autorités et autres experts décident que la dose maximum de radioactivité admissible peut passer de 1 à 20 milliseverts par an. Sur quelle base? On ne sait pas. On est sidéré de voir en 2012, un an après la catastrophe, le ministère japonais de l'environnement déclarer que la nourriture japonaise n'avait pas été contaminée. Durant les 4 mois qui ont suivi l'explosion, seulement 39 oeufs ont été testés, ainsi que quelques douzaines de fruits! Des rapports indiquant que les mesures ont été très insuffisantes, ont bizarrement été passés sous silence. Une loi prévoit de poursuivre au motif de terrorisme, tous ceux qui publieraient des infos concernant l'effet d'un accident nucléaire sur la population. On n'est pas loin du totalitarisme, qui avance masqué...

Le petit tour de passe-passe des apôtres de la résilience, Cyrulnik en tête, est de nous faire croire que le mental est plus fort que le biologique. Eh bien non, il n'en est rien. Vous pouvez avoir un moral d'acier, cela ne rend pas votre jambe plus solide.

Bref, nous sommes prévenus: en cas de catastrophe nucléaire, il faudra se débrouiller seuls.
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C'est dommage, l'auteur tient un vrai sujet et il a, par moments, un très bon sens de la formule. Mais il noie complètement son propos (la résilience) dans l'événement surabondamment détaillé de la catastrophe de Fukushima. Il use également tellement de l'ironie qu'on en perd le fil, on ne sait plus où il veut en venir, on ne comprend pas ce qu'il essaye de nous dire, et on finit par se perdre totalement.
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critiques presse (1)
Liberation
09 septembre 2021
L’injonction à la résilience est déjà l’inscription dans un futur, qui permet d’enjamber le présent et surtout de s’épargner un inconfortable examen du passé, c’est-à-dire des conditions qui ont conduit à la catastrophe en analysant notamment le cas de Fukushima.
Lire la critique sur le site : Liberation
Citations et extraits (6) Voir plus Ajouter une citation
Face à cet emballement aménagiste tous azimuts qui va du soi à la planète en passant par la société, comme si la planète en question était une vaste société et la société elle-même, une grande famille composée d’individus chargés d’optimiser leur destinée atomique, l’un des principes de l’idéologie nucléariste déjà énoncé en son temps nous apporte un éclairage : tous les risques sont acceptables quand on fait en sorte de ne pas laisser à ceux qui les prennent la possibilité de les refuser.
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Le directeur général de l’Agence Internationale de l’Énergie Atomique (AIEA) considère, pour sa part, que le rejet dans l’océan de l’eau contaminée de la centrale est conforme aux normes internationales en pratique, et qu’il s’agit « d’une manière courante de relâcher l’eau des centrales nucléaires à travers le monde, même lorsqu’elles ne sont pas en état de situation d’urgence ».

Une manière de reconnaître qu’elles le sont toujours.

Entre la rage et le choléra, le Ministère de l’Économie, du Commerce et de l’Industrie (METI japonais) penche vers le rejet dans l’océan, au principal motif que le procédé d’évaporation dans l’atmosphère pourrait entraîner une expansion des zones géographiques et un accroissement du nombre d’activités économiques « touchées par la publicité négative ».

On notera l’indigente ironie qui veut que l’on diligente aujourd’hui des enquêtes épidémiologiques sur des problèmes sanitaires dont les causes passées sont tellement éloignées dans le temps que l’on doute de la possibilité de les identifier avec certitude, tandis qu’au même moment, en envisageant de rejeter les eaux polluées à Fukushima, on prend sans rougir le parti de générer les causes de problèmes sanitaires et environnementaux à venir.

Car c’est aussi sous l’angle du décalage chronique que les désiderata autour des cuves de Fukushima sont significatifs de notre époque.

Mortel décalage auquel prend part cette ferveur désormais tellement courante à se frapper la poitrine à retardement , à coup de commissions d’enquête, de conseils scientifiques et de conventions citoyennes.

(p. 16 et 17)
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 Car c’est bien là le principe de la résilience : préparer les récepteurs au pire sans jamais en élucider les raisons.

Le désastre de la centrale nucléaire de Fukushima Daiichi, et d’autres avant lui, pas plus, d’ailleurs que la pandémie de covid-19, bien que se déroulant dans un contexte « objectif » de profonde remise en cause des sociétés industrielles, identifié par un certain nombre d’observateurs depuis déjà plus d’un demi-siècle, ne donne lieu à aucune émergence, et n’est en rien un moment décisif. (…)

Mais ce n’est pas nier l’histoire, bien au contraire, que d’affirmer qu’il ne s’agit là que d’une étape supplémentaire du processus de régression de la raison dans l’idéologie, celle de la résilience notamment, si bien mobilisée pour résister au changement ou pour en faire une ressource au service de la perpétuation de l’existant.

(p. 24)
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L'ignorance organisée relève de l'idéologie et non du mensonge, car c'est l'idéologie qui participe de la définition des conditions de production et d'usage de la connaissance, et qui structure, normalise et formate les conditions de transformation de la connaissance en action ou en inaction.
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Lors d'un colloque, une responsable d'association d'aide aux mères de Fukushima rapportait, photos à l'appui, sous le regard bienveillant d'experts, comment, à une mère qui s'inquiétait du sort de son bébé dont le berceau était placé sous la fenêtre de sa chambre, elle avait généreusement et pragmatiquement conseillé un éloignement du berceau, ainsi que la mise en place de rideaux de plomb, agrémentés avec goût d'une doublure de tissu fleuri.
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Video de Thierry Ribault (1) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Thierry Ribault
Thierry Ribault a analysé théoriquement et avec une enquête approfondie de 10 ans l’exemple de la gestion de l’accident nucléaire de Fukushima. A travers ce texte, l’universitaire fait une démonstration implacable du caractère autoritaire de la gestion par les dirigeants de l’acceptabilité des catastrophes par les populations, et de la violence terrorisante du management solutionniste : le risque technologique 0 n’existant pas, il faudrait que les individus apprennent à vivre avec telle ou telle conséquence désastreuse du capitalisme. Plutôt que de chercher à résoudre les problèmes environnementaux de façon radicale, en éradiquant donc les origines du désastre, il faudrait que la population s’accommode de survivre dans un monde rendu pourtant invivable.
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