Dans le rayon se trouvent, une fois de plus, bien des produits qui ne devraient pas y être.
J'ai reçu l'ordre de commercialiser exclusivement ce qui se trouve à l'étal. Pas question d'aller à l'arrière chercher des denrées plus saines dans le frigo.
Pendant plusieurs heures, je fourgue entre autres :
- de lac rouelle de porc qui poisse ;
- de la bavette qui colle ;
- et du steak haché marron (couleur indiquant sa non-fraîcheur).
Le chef surveille et a l'air de se marrer. Il reste constamment devant, car de l'avance a été prise en découpe et en préparation. Je subis comme un bizutage. (p. 65)
Pendant un peu plus de trois heures, je vais servir un peu plus de cent personnes, une toutes les deux minutes environ. Des hommes, des femmes surtout, des couples, des solitaires beaucoup, des jeunes, des plus âgés avant tout, des belles, des moins belles, des sobres, des en bonne santé, des malades, des de gauche, des de droite, des extrêmes aussi, des professions libérales, des salariés, des ouvriers, des chômeurs, des RMIstes, des retraités...
Je m'attache à faire preuve d'égard pour tous. (p. 63)
Sept jours plus tard, il me remercie. Il ajoute, ému à propos du texte:
" Franck, ne recommence pas. tu as fait pleurer ma femme."
ainsi ces quelques mots, anodins pour moi, trouvés de façon spontanée, ont bouleversé.
Chaque mercredi, Jacky me dit désormais:
" Bonjour, l'écrivain."