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Maboula Soumahoro (Autre)Paula Anacaona (Traducteur)
EAN : 9782490297160
172 pages
Editions Anacaona (09/11/2021)
4.5/5   3 notes
Résumé :
Un Dialogue qui avait été commencé avant l’épidémie de covid, lors du dernier voyage en France de Djamila Ribeiro… Puis les conversations ont continué à distance, tissant un véritable pont diasporique entre la France et le Brésil.
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Critiques, Analyses et Avis (3) Ajouter une critique
Connaitre, c'est aussi apprendre à nommer

Dans sa préface, Maboula Soumahoro parle, entre autres, de femmes noires des trois continents bordant l'océan atlantique, du Black Feminism, du concept d'intersectionnalité, de décentrage, « Ainsi, « d'autres géographies de la raison, d'autres savoirs » doivent également être envisagés et pris en compte », du Brésil et des populations africaines esclavisées, des processus de racialisation au sein de la République française, « Une fois encore, la race et les processus de racialisation qui se déploient au sein de la République aujourd'hui encore ne sauraient être dissociés des questions de classe et de genre », des Amériques noires, de récit afrodiasporique, des deux autrices du livre et de leurs expériences personnelles « partie intégrante de l'élaboration de leur pensée », de cet ouvrage ouvrant les portes d'un « Nouveau monde »…
« Penser et panser à partir de l'expérience et du corps, puisque ce dernier – construit historiquement et politiquement – fait partie de l'équation et ne saurait être laissé de coté. C'est aussi cela le féminisme noir : un ancrage radical dans la réalité »

Djamila & Yala ; Activisme ; Empowerment ; Etre Noire ; Histoire et présents ; Espaces intellectuels noirs ; Mouvement noir et féminisme noir, Religion ; Solidarités et sororités transnationales.
Je choisi subjectivement de mettre l'accent sur certains points analysés et discutés par les autrices.

Les autrices. Les mondes pensées par des femmes noires, les peuples kongo massivement déportés, des livres et des histoires, « Toutes ces histoires nourrissent la façon que j'ai de me définir ou plutôt de m'inventer », la question des identités, « La question des identités n'a de sens que si elle est reconfigurée à l'intérieur d'un désir, d'un projet, intime et collectif », des nominations exprimant « de multiples désirs politiques », des rapports au monde, les ancrages entre deux espaces, des questionnements témoins de « manque », les corps exclus de la philosophie, « Dans les brèches et les fissures que ce problème dessine, un espace s'ouvre pour de nombreux territoires, sujets, et objets longtemps méprisés et déconsidérés »…

L'activisme, le mot blanchité, l'exploitation économique du racisme et du machisme, la violence numérique, la campagne Stop the hate for profit, la construction de la pensée et la construction de la pratique, l'usage péjoratif et disqualifiant du terme militant, ne pas en rester au plus petit ennemi possible, « Nous ne voulons pas cacher le fait que des femmes noires sont assassinées par leurs conjoints, et cela doit faire l'objet d'un débat fondamental au sein du mouvement noir ». Les autrices soulignent qu'il n'y a pas de hiérarchie d'oppressions, que l'« unité construite sur le silence de la femme noire est une farce », la place de l'amour, « l'amour comme dimension fondamentale dans nos vies, dans la façon dont nous interagissons avec les autres femmes noires », la force des femmes, « nous sommes des personnes humaines, et nous ne sommes pas là pour répondre à toutes les demandes. Nous n'avons pas à porter le poids du monde sur nos épaules »…

Empowerment, « la mise en capacité pour un sujet évoluant dans une situation sociale qui l'empêche et le limite, parfois violemment, d'augmenter sa puissance d'agir », le droit d'emprunter des chemins de traverse, les milieux militants non exempts de hiérarchies et de violences, l'amour comme affect politique, « une politique qui libère n'est pas une politique qui brutalise », les lieux refuges, réfléchir et apprendre, « Connaître, c'est aussi apprendre à nommer et même avoir le courage de révéler ce qui, en soi, demeurait caché », les livres et les bibliothèques, la puissance transformatrice du savoir, les rêves éveillés, les quotas universitaire au Brésil. Loin des mythes néolibéraux de l'entrepreneur de soi, contre les dessèchements militants, soi et les autres, l'être et le collectif, la chaleur de l'amour…

Etre noire, france/brésil et brésil/france, les figures de la déloyauté en France pour celles et ceux qui ne veulent pas être invisibilisé·es, « atone – de soi », le faux universalisme des dominants, la fonction utopique de la nomination de soi, le Brésil deuxième grande nation noire hors d'Afrique, le mythe de la démocratie raciale, « A l'école, personne ne nous racontait les révolutions noires, les quilombos, et l'existence de toute la résistance noire », la négation de l'histoire et l'effacement des traces, le déni des violences et l'absence de réparations, les « injustices épistémiques », la religion prise comme un tout homogène et la haine de l'islam, le corps métis et ses évaluations suivant les lieux, la question du colorisme, le terme noir, « Il excède la question des identités, comprises ici comme ce qui dresse une barrière infranchissable entre soi et les autres, mais aussi celle d'indicateurs archaïques comme la peau, le phénotype, l'épiderme », une réinvention « poétique, esthétique de soi », la question de la parenté à l'intérieur du « calcul racial », les livres encore, « des écrits qui vous arment contre l'humeur du temps et la haine ». Je souligne les passage sur le « métissage », le Noir comme invention coloniale, les mots de la discrimination, le brésil et les phénotypes, se dire Noire, « c'est aussi s'inventer, se créer contre les gestes de capture et de chosification », les réseaux de correspondances « qui unifient un univers sensible », le corps minoritaire à l'université, les débats autour de la façon de nommer et de se nommer, la violence spécifique contre le « groupe des femmes foncées », les nuances de peau et la marginalisation, le devoir éthique « de refuser ces appellations et de s'assumer Noir·es, ou Noir es à la peau claire », la criminalisation des espaces périphériques. Les autrices insistent sur la nécessité de repenser la question sociale dans toute sa complexité.
« Penser politiquement le genre et la race, les sexismes, les racismes, ce n'est pas seulement penser des questions de représentations, qualifiées à tort de narcissiques, c'est surtout penser à une économie politique, au travail, aux problèmes de distribution inégalitaire des droits et de redistribution et de justice sociale ».

Les autrices abordent aussi l'histoire et le présent, les entreprises soi-disant relevant de la sphère privée, la relation « directe entre négritude et subalternité au sein de la vision coloniale », l'acte de marcation, la question des réparations, la réalisation de l'égalité effective pour toutes et tous, les interprétations françaises des dénonciations de l'inégalité des droits comme une soi-disant promotion de particularismes, les nationalismes jaloux, les quotas et la multiplicité des voix, la création, « Construire des lieux qui n'entravent pas les chemins de la création apparaît vital dans un contexte mondial où les gestes de création sont transformés en produits prosaïques, immédiatement consommables, devant satisfaire les normes et les standards de l'économie mondiale. Comment résister à cet ordre du monde qui broie, pour qu'il ne ruine ni nos désirs ni nos imaginaires ?»

Djamila Ribeirio & Nadia Yala Kisukid discutent des espaces intellectuels noirs, de faux-universalisme, de fraternité et de sororité, d'historicité, « le capital n'est pas une unité totalisante structurellement indifférente aux situations historiques qui l'actualisent », d'expériences politiques partagées, de la place des femmes, « Leurs contributions sont rarement mises en lumière », des bibliothèques coloniales, de pensée décoloniale ou noire, « Nous sortons de la place de celui ou celle qui est pensé·e, la place de l'Autre, pour prendre la place du sujet qui pense elle·lui aussi le monde », de l'intellectuelle productrice de savoir…

Elles poursuivent avec le Mouvement noir et le féminisme noir, « L'histoire politique noire française s'enracine dans le temps long », la Coordination des femmes noires des années 70, les mobilisations africaines diasporiques, les expériences irréductibles « qui ne témoignent pas du même rapport au marquage noir et à l'Afrique », la violence de la Traite et le bris des continuités, du souvenir et de la disparition, de l'invisibilisation, de nouveaux savoirs et de nouvelles routes, de la « race » et du stigmate retourné, « Ce qui l'enfante, ce sont des traditions, cachées, mineures, c'est-à-dire des traditions de résistance à l'oppression raciale », de valorisation des femmes et d'élargissement du concept d'humanité, de Marielle Franco et de Jeanne Lee par exemple.

Les autrices abordent la religion, des religions minorisées, les discours évangéliste néo-pentecôtiste, la communauté sororale et fraternelle unie…

Solidarité et sororité transnationales sont le sujet du dernier chapitre. Djamila Ribeirio & Nadia Yala Kisukid parlent d'itinérances mémorielles noires, « Les itinérances mémorielles ne creusent ni les mêmes imaginaires, ni les mêmes routes », des inventions de la folie raciste coloniale, du signifiant « noir », « un signifiant de la métamorphose qui se déploie et se reconfigure contre le vertige du racisme », d'auto-libération, « prendre en charge les rênes de leur propre libération », d'améfricanité, de panafricanisme, des rêves diurnes, « Je parle des rêves diurnes, actifs, qui saisissent l'esprit en éveil – ceux qui permettent d'entrevoir un autre monde contre celui qui est »…

Un riche dialogue et pas seulement transatlantique, une lecture pour être plus riche de questions et d'humanité.
« Il nous faut réfléchir à ce rapprochement, travailler davantage ensemble car même si des murs nous séparent, nous pouvons construire des ponts capables de créer des puissances et des productions, et peut-être même des lieux d'appartenance – mais des lieux d'appartenance pour toutes ».


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Vivifiant !
En ces temps de propagation de la peste brune, une lecture rafraîchissante et inspirante, issue de la formidable collection Epoca, des éditions Anacaona.

Les deux philosophes nous livrent un échange de haute tenue, chassé-croisé entre France et Brésil, avec le continent africain toujours dans un coin de la tête.
Se renforçant des points communs, s'enrichissant des différences entre les deux situations qu'elles vivent, Djamila Ribeiro et Nadia Yala Kisukidi, sous l'oeil de Paula Anacaona, donnent à réfléchir sur des sujets comme le féminisme, l'antiracisme, les racines, la spiritualité, le militantisme, l'héritage des luttes, des symboles et des histoires.
À travers leur parcours, c'est aussi une photographie de l'état de la présence de femmes noires dans les milieux universitaires. Ici, comme au Brésil.

Au passage, vous y gagnerez de nombreuses suggestions de lectures. Ce qui n'est jamais une mauvaise chose !

Deux femmes brillantes, dans un échange de grande qualité, sur des thématiques brûlantes. Mêlant petite et grande histoire, témoignages et recherches.
Hautement recommandable.
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Cet ouvrage prend la forme d'une conversation entre ces deux femmes noires philosophes, l'une brésilienne, l'autre franco-congolaise.
Les différents thèmes abordés (leur histoire personnelle, le féminisme, le poids du commerce triangulaire et de l'institution de l'esclavage dans les rapports sociaux actuels, l'aveuglement de l'enseignement de la philosophie dite "classique", etc.) permettent de mesurer les points communs et les écarts entre France et Brésil.

C'est le type d'ouvrage dont on ressort avec une nouvelle listes d'auteurices et de titres d'ouvrage longue comme le bras et avec beaucoup de "food for thought". J'ai beaucoup apprécié la réflexion de Nadia Yala Kisukidi sur les conditions et les limites de la solidarité entre personnes noires ainsi que l'énergie déployée par Djamila Ribeiro pour rendre son travail et celui d'autres chercheurs/chercheuses afrobrésiliens accessibles.
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Citations et extraits (12) Voir plus Ajouter une citation
Penser et panser à partir de l’expérience et du corps, puisque ce dernier – construit historiquement et politiquement – fait partie de l’équation et ne saurait être laissé de coté. C’est aussi cela le féminisme noir : un ancrage radical dans la réalité
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Construire des lieux qui n’entravent pas les chemins de la création apparaît vital dans un contexte mondial où les gestes de création sont transformés en produits prosaïques, immédiatement consommables, devant satisfaire les normes et les standards de l’économie mondiale. Comment résister à cet ordre du monde qui broie, pour qu’il ne ruine ni nos désirs ni nos imaginaires ?
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Je me vois comme une intellectuelle activiste, et je ne pense pas que ce soit dichotomique. Ma pratique contribue à la construction de ma pensée, et ma pensée contribue à la construction de ma pratique. C'est une relation bien plus dialectique que dichotomique, et je ne vois pas de séparation entre ces deux facettes. [Djamila Ribeiro] (36)
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Penser politiquement le genre et la race, les sexismes, les racismes, ce n’est pas seulement penser des questions de représentations, qualifiées à tort de narcissiques, c’est surtout penser à une économie politique, au travail, aux problèmes de distribution inégalitaire des droits et de redistribution et de justice sociale
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Il nous faut réfléchir à ce rapprochement, travailler davantage ensemble car même si des murs nous séparent, nous pouvons construire des ponts capables de créer des puissances et des productions, et peut-être même des lieux d’appartenance – mais des lieux d’appartenance pour toutes
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