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Alice Raillard (Traducteur)
EAN : 9782070740536
182 pages
Gallimard (08/01/2004)
4.33/5   9 notes
Résumé :
Sergent de la police militaire, fanfaron et roublard, Getulio est aussi, comme la plupart de ces fonctionnaires en ces terres misérables et arriérées du sertão brésilien, à la solde d'un grand propriétaire terrien. Le voici chargé de conduire un " prisonnier ", indésirable aux yeux du propriétaire, d'un village à l'autre pour le livrer à la justice. C'est ce voyage en compagnie du chauffeur qui conduit la vieille Hudson, que le sergent Getulio nous raconte ici, comm... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (4) Ajouter une critique
Avec Amaro au volant de la Hudson, Getulio est un convoyeur. L'objet qu'il transporte, la peste comme il dit, ou le chose, est pourtant un homme. A travers les chemins à charrette du Sergipe, petit Etat du nord-est brésilien, Etat où le sertao, cette région semi-aride que les pluies tiennent en sursis, cette région déjà célébrée de sombre façon par le roman Diadorim de Joao Guimaraes Rosa, Amaro et Getulio convoient donc un homme dont on sait peu de choses. Un politique, peut-être, réclamé par le chef de Getulio, dont on sait peu de choses également. Mais l'on devine que le titre de sergent dont se réclame Getulio n'est pas tout à fait lié à la police ou à l'armée, et qu'il appartient à une sorte d'armée privée, dont l'existence flirte avec la légalité.

La force du récit tient dans sa forme et dans son étrange poésie. Par sa forme : monologue halluciné, décousu, véritable bloc de prose que ne vient troubler presque aucun dialogue et très peu de ponctuation, le récit oblige le lecteur à une grande attention. A travers les lignes, on devine tout à la fois le parcours des trois hommes, les prouesses passées d'Amaro et de Getulio mais aussi les rêves fantasques et mégalomanes de ce dernier, qui s'imagine à la tête d'une armée d'invincibles guerriers ou père d'une fratrie redoutable.

La poésie, elle, réside tant dans la mélancolie et les souvenirs de Getulio que dans la violence qui imprègne le livre. Il y a les souvenirs de Getulio : l'assassinat de sa femme, la cruauté de Lampiao, le plus célèbre des cangaceiros (bandits pauvres du sertao), celle de Getulio envers son prisonnier auquel il arrache deux dents à la tenaille ou envers un lieutenant auquel il coupe la tête. La violence de Getulio, celle des hommes, est inhérente à la nature du sertao. Plein de cette violence, Getulio s'imagine invincible, fort comme personne, et ce jusqu'à ses derniers instants : seule la mort arrête son monologue.

La personnalité de Gétulio s'affirme hors norme lorsqu'il apprend que l'ordre qu'il a reçu est annulé. Homme de parole, "de vertu" comme l'indique Ribeiro, Getulio persiste : il emmènera le chose jusqu'à Aracajou, la capitale du Sergipe. A partir de là, lui le gardien de prisonnier, l'homme que les violences physiques n'impressionnent guère, l'homme qui ne connaît pas la peur, devient recherché et même persécuté. On dépêche après lui des troupes importantes, signe que l'homme est redouté. Pourtant, Getulio ne fait qu'obéir.

A travers ces lignes, on voit aussi en filigrane se dessiner un portrait du sertao, région dure pour les hommes qui deviennent, à leur tour, des braves ou des morts. Cela commence par la terre qu'enfant on mange, littéralement, pour survivre. Et cela continue par les saisons sèches, par le passage des cangaceiros, bandits aussi cruels que respectés, par les luttes politiques réglées à coup d'enlèvement, de coups de mains et d'assassinats. le Brésil perd ici de son exotisme pour s'imposer brutalement à l'imaginaire du lecteur : le sergent Getulio, dans son envolée aussi lyrique que folle, aura réussi, littéralement, à nous impressionner.
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Le Sergent Getúlio est un policier militaire acquis au parti politique majoritaire et stipendié par un propriétaire terrien. Avec son comparse Amaro, conducteur, ils sont chargés de livrer un colis - comprenez un opposant politique, à leur commanditaire.

Le roman prend l'aspect d'un soliloque à la frontière du monologue intérieur du Sergent Getúlio au cours du voyage en voiture. Il n'y a pas de dialogue. Véhément, halluciné, ce personnage est habité par un énorme complexe de supériorité. Il ne craint ni la mort, tient peu de cas de la vie, défie les éléments et tout homme qui lui manquerait de respect ou lui tiendrai tête. Il prend à témoin Amaro de ses hauts faits, de la noblesse de sa mission, et du sens de l'honneur qui l'habite mais ne s'adresse pas à la victime si ce n'est pour la menacer et nie sont humanité : c'est tout au plus un déchet, une vermine à éradiquer. S'il ne tenait qu'a lui l'homme aurais été expédié depuis longtemps et enterré quelque part dans l'immensité du sertão. Mais le sergent est en mission commandée, il doit le livrer vivant, cependant il ne s'interdit pas de le malmener.

Ce récit ramassé est un condensé des ressorts et des motifs de la littérature sud-Américaine. La corruption règne, un rien déclenche la violence, la vie ne vaut qu'au prix qu'on la défend, la politique est un jeu de massacre où prime la loi du plus fort, les pauvres n'ont de recours qu'à la religion et la superstition, et partout s'impose la nature tantôt hostile, tantôt exubérante. Cependant pas de réalisme magique. Un personnage fascinant, de multiples péripéties, de la sueur, du sang, des larmes, tout est réunit pour fasciner le lecteur.
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À quel point peuvent-être tordus 2 soldats seuls, avec un prisonnier politique! du moins, ils sont stables dans leurs distorsions.

C'est une Oeuvre de 1971, au plus noir de la dictature militaire au brésil (1964-1985). Malheureusement une période qui est glorifiée par l'actuel président du pays, Bolsonaro, et son entourage (8 ministres militaires sur 22, etc).

Un roman qui a l'air d'un autre siècle, qu'en apparence seulement, car ce pays a débuté une nouvelle dictature militaire en 2018 (Journal le Devoir, 6 janvier 2020, reportage financé grâce au soutien du Fonds de journalisme international Transat).

Écriture de type grand verbiage et peu de paragraphes, comme on savait si bien le faire dans les années 80.
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Sergent Getùlio se passe dans le Sertao brésilien évoqué par des auteurs comme Rosa avec Diadorim ou Ruolfo avec son LLANO en flammes. C'est un long monologue qui nous aspire, un chemin de sang et de larmes, de morts et de violences. Difficile à suivre tant les sujets et la temporalité varient en permanence, il faut se laisser porté par une sorte de musicalité qui nous ensorcelle si l'on peut s'y accrocher. Un roman pas des plus connus mais une pure merveille
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