J'ai longtemps hésité à ouvrir un livre de Matthieu Ricard, toujours méfiant devant les succès de librairie et célébrités subites. Néanmoins, je me suis enhardi, encouragé par les engagements personnels de l'auteur. Cette première lecture ne m'a pas déçu. Les enseignements bouddhistes, simples à comprendre dans leurs bases, sont souvent à plusieurs niveaux de lecture, et s'en imprégner assez profondément pour progresser dans la pratique et soulever les voiles successifs de l'esprit demande un effort soutenu... que je n'ai pas toujours la force de maintenir sur une trop longue durée. Matthieu Ricard a eu l'intelligence et la modestie de sous-titrer son "Chemins spirituels" par un "Petite anthologie des plus beaux textes tibétains" ; et c'est là pour moi l'essentiel. Il nous livre là une collection de morceaux choisis des plus grands maîtres, qu'il s'est contenté -mais c'est déjà beaucoup- de sélectionner et d'organiser de manière logique et lisible. Ainsi, de manière synthétique, chacun y trouve des repères, suivant son propre niveau de progression. Une bonne petite anthologie, donc, abordable pour des débutants tels que moi, sans tomber dans une abusive vulgarisation.
Un livre pour ceux qui s'intéressent au bouddhisme.
Un recueil pour ceux qui aiment la poésie.
Un ouvrage pour ceux qui se passionnent de culture asiatique.
Typiquement le genre de livre que l'on garde avec soi et que l'on peut consulter de manière thématique ou aléatoire sans jamais être déçu.
Un livre très enrichissant, que l'on s'intéresse au bouddhisme ou non je vous conseil de le découvrir. Plein de bon sens, de percutantes paraboles, même si des fois les textes ne prennent pas de gants.
« Une pincée de sel suffit à imprégner de son goût un verre d’eau, mais ne saurait changer le goût d’un grand fleuve comme le Gange. De même, une action négative, même infime, affectera celui dont les mérites sont faibles mais aura peu d’effet sur celui qui fait souvent le bien. Efforce-toi donc de faire beaucoup de bien. »
Kangyour Rinpotché (1897-1975)
« Obtenir du beurre à partir du lait n’est possible que parce que le lait contient déjà de la crème, mais personne n’a jamais fait du beurre en barattant de l’eau. L’orpailleur cherche l’or parmi les minéraux et non parmi les copeaux de bois. De même, s’efforcer d’atteindre le pur et parfait Éveil n’a de sens que parce que la nature est déjà présente en chaque être. Sans cette nature, tout effort serait futile. »
Jamgön Kongtrul Lodrö Thayé (1813-1899).
L'espace de la grande vacuïté immuable
La nature de l'esprit transcende les notions d'existence
Et de non‑existence, d'éternité et de néant :
À cette nature on donne le simple nom d'« espace absolu ».
Cet espace, de lui-même parfaitement pur,
Ce ciel immaculé, vide et lumineux, sans milieu ni pourtour,
Se trouve depuis toujours au cœur de chaque être,
Son « visage » occulté par le voile éphémère des constructions mentales.
Difficile est de mettre fin par la force
À l'enchaînement continuel des pensées,
Mais si, quand elles surviennent, on reconnaît leur nature,
Les pensées n'ont pas d'autre choix
Que de se libérer dans leur propre sphère.
Sans poursuivre les pensées passées
Ni inviter les pensées futures,
Demeure dans l'instant présent, et reconnais
Simplement la nature de ce qui surgit dans ton esprit.
Détends-toi dans la simplicité libre d'intentions et d'attachements.
Bien qu'il n'y ait là rien à « méditer »,
Demeure dans la pleine conscience sans te laisser distraire
En t'habituant, sans rien altérer, à la manière dont les choses se présentent d'elles-mêmes,
La sagesse primordiale, d'elle-même lumineuse, s'élèvera de l'intérieur.
« Comment cela ? » demanderas-tu :
Si tu laisses reposer de l'eau trouble,
Elle deviendra naturellement limpide.
La plupart des autres « méditations »
Ne sont que d'éphémères accalmies de l'esprit.
L'espace de la grande vacuité immuable
Et la simple luminosité de la présence éveillée ininterrompue
Sont depuis toujours indissociables.
Tu dois faire toi-même l'expérience de cette chose essentielle
Qui se trouve en toi : personne ne peut le faire à ta place.
de Nyendrak Loungrik Nyima (19 eme siècle)
Puissé-je être un protecteur pour les abandonnés, un guide pour ceux qui cheminent,
Un vaisseau, une barque, un pont pour ceux qui veulent se rendre sur l’autre rive.
Puissé-je être une île pour ceux qui ont besoin de faire escale,
Une lampe pour ceux qui ont besoin de lumière,
Un lit pour ceux qui veulent se reposer,
Un serviteur pour ceux qui ont besoin d’être servis,
Puissé-je être la pierre miraculeuse, le vase au grand trésor,
La formule magique, le remède universel,
L’arbre qui comble les souhaits, la vache au pis intarissable !
Comme la terre et les autres éléments qui servent aux mille usages
Des êtres innombrables, dans tout l’espace infini,
Puissé-je de mille façons, être utile aux êtres qui peuplent cet espace,
Aussi longtemps qu’ils ne seront pas tous libérés de la souffrance.
La simplicité spontanément lumineuse : c'est cela même !
Comment pouvez-vous dire que vous ne voyez pas
Votre esprit comme étant le Bouddha ?
Il n'y a là rien à cultiver, à quoi bon gémir :
"Je ne me suis pas entraîné" ?
Cet esprit éveillé, clairement manifesté : c'est cela même !
Comment prétendre que votre esprit, vous ne le trouvez pas ?
Cette clarté limpide, ininterrompue : c'est cela même !
Comment prétendre que l'essence de votre esprit, vous ne la voyez pas ?
Une fois établi en cette nature, il n'y a pas la moindre chose à faire.
Comment prétendre ne pas y parvenir ?
S'il n'y a plus de dualité entre repos et mouvement,
Comment prétendre que vous ne parvenez pas à y demeurer ?
Et cet état éveillé, né de lui-même,
Les trois corps de l'Eveil sont spontanément accomplis sans effort.
Comment prétendre ne pas pouvoir les accomplir par la pratique ?
Il suffit de demeurer dans l'absence, le non-agir.
Comment prétendre ne pas en être capable ?
Les pensées s'élèvent et se libèrent simultanément.
Comment prétendre que ce remède vous échappe ?
Cette conscience du moment présent : c'est cela même !
Comment prétendre ne pouvoir la reconnaître ?
Combien d'animaux terrestres sont tué tous les ans pour notre consommation?