AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
Citations sur Perdre la Terre : Une histoire de notre temps (10)

L'industrie pétrolière [...] l'industrie automobile [...] les dirigeants du secteur de l'électricité [...] le gouvernement des Etats-Unis [...] les écologistes [...] Tout le monde savait. En 1953, quatre ans avant la parution de l'article fondateur de Revelle et Suess sur "l'expérience géophysique à grande échelle" menée par l'humanité, le Time, le New York Times et la revue Popular Mechanics publiaient déjà des papiers sur le physicien canadien Gilbert Plass, qui avait découvert que les combustibles fossiles avaient sans doute déjà contribué à réchauffer la planète d'1°C. Le pire restait à venir, prédisait Plass... p.257
Commenter  J’apprécie          120
J'ai posé à Sununu la même question que j'avais posé à Reilly. Sans votre intervention, ai-je demandé, aurions-nous obtenu la signature d'un véritable traité mondial contre le réchauffement climatique ? [...] "Cela n'aurait pas pu avoir lieu, m'a répondu Sununu. Car les dirigeants mondiaux de l'époque voulaient tous donner l'impression qu'ils soutenaient ces mesures, mais sans être obligés de prendre des engagements fermes qui auraient représenté un coût sérieux pour leurs pays respectifs. C'était le vilain petit secret de cette période." p.241
Commenter  J’apprécie          110
Certes, nous nous soucions de l'avenir de nos enfants et de nos petits-enfants. Mais à quel point, au juste ? Et dans quelle mesure nous soucions-nous de nos arrière-petits-enfants, voire de leurs arrière-petits-enfants ? Suffisamment pour renoncer tant soit peu à nos conditions de vie actuelles ? Une transition brutale vers des formes d'énergie renouvelables exigerait des sacrifices. La perspective, disons, d'une pénurie de nouriture à l'échelle mondiale dans un siècle, avait-elle le pouvoir de convaincre une personne de se rendre à son travail en bus de ville ? Suffisait-elle à persuader une famille de quatre de troquer son sèche-linge contre un étendoir ? Et quel degré de certitude fallait-il, dans ce cas ? 30 % ? 98 % ? Cette question, il faudrait la poser non seulement aux individus, mais aussi aux nations et aux grandes entreprises. Quelle valeur accordions-nous vraiment au futur ?
Commenter  J’apprécie          100
Curtis Moore, membre républicain de la commission "Environnement et Travaux publics" du Sénat, était en train d'expliquer à Rafe Pomerance que l'effet de serre n'était pas un problème. Oui, bien sûr, il s'agissait là d'une menace existentielle - le sort de l'humanité était en jeu, les océans allaient se mettre à bouillir, tout ça. Mais ce n'était pas un problème politique. À quoi voyait-on cela ? Les problèmes politiques avaient toujours des solutions. Et la question climatique n'en avait aucune. En l'absence de solution - de solution évidente, réalisable -, toutes les mesures qu'on pourrait prendre étaient vouées à l'échec. Or, aucun élu politique n'avait envie de voir son nom associé de près ou de loin à un échec. Et donc, s'agissant du risque d'endommager notre planète jusqu'à la rendre inhabitable, la plupart des politiciens ne voyaient pas cela comme un problème. Ce qui voulait dire que Pomerance, lui, en avait un sacré.
Commenter  J’apprécie          60
Il est incontestable que des cadres supérieurs de la compagnie Exxon et de son ancêtre Humble Oil, ainsi que ceux de nombreuses autres multinationales du pétrole et du gaz, connaissaient les dangers du changement climatique depuis les années 1950, et qu'ils n'ont rien fait pour réduire les émissions. p.255
Commenter  J’apprécie          60
Si nous avons un jour été tout près, en tant que civilisation, de rompre le pacte suicidaire qui nous lie aux combustibles fossiles, le mérite en revient aux efforts d’une poignée d’hommes et de femmes – des chercheurs représentant plus d’une dizaine de disciplines scientifiques, des responsables politiques, des membres du Congrès des États-Unis, des économistes, des philosophes, des bureaucrates anonymes. Avec à leur tête un lobbyiste hyperactif et un candide chercheur en physique de l’atmosphère qui, au prix d’immenses sacrifices personnels, ont tout fait pour mettre en garde l’humanité contre les menaces qui pesaient sur elle. Ils ont mis en péril leurs carrières respectives pour mener une campagne douloureuse et de plus en plus intense visant à trouver une solution à ce problème, d’abord par le biais de rapports scientifiques, puis en empruntant les chemins traditionnels de la persuasion politique et, enfin, en ayant recours à une stratégie de dénonciation publique des responsables. Leur combat était habile, passionné, solide. Mais ils ont échoué. Ce qui suit est leur histoire, c’est aussi la nôtre.
Il est gratifiant de se dire que, si nous avions l’occasion de tout recommencer, nous agirions différemment – que nous agirions tout court. On pourrait penser que des personnes raisonnables négociant en toute bonne foi, en se fondant sur un examen approfondi des données scientifiques et une estimation sincère des conséquences sociales, économiques, écologiques et morales d’une asphyxie de notre planète, se mettraient forcément d’accord sur un plan d’action. On pourrait croire, en d’autres termes, que si nous pouvions revenir à une ardoise vierge – si nous pouvions comme par enchantement nous débarrasser des effets toxiques de la politique et du lobbying des grandes multinationales -, alors nous serions capables de résoudre cette crise.
Pourtant, au printemps 1979, nous n’étions pas très loin de cette ardoise vierge. (…) L’ouvrage de Barbara Tuchman Un lointain miroir, retraçant l’histoire des calamités qui affectèrent l’Europe du Moyen Âge à la suite d’un bouleversement climatique de grande ampleur, avait figuré toute l’année en bonne place sur les listes des meilleures ventes. Un puis de pétrole avait explosé au large du Mexique, dans le golfe du même nom, provoquant une fuite qui allait durer neuf mois et polluer les plages jusqu’à Galveston, au Texas. À Londonderry Township, en Pennsylvanie, un filtre à eau de la centrale nucléaire de Three Mile Island était sur le point de lâcher. Et au siège de l’ONG Friends of the Earth (Les Amis de la Terre), à Washington, un militant trentenaire, s’autoproclamant « lobbyiste environnemental », était en train de déchiffrer à grand-peine un rapport gouvernemental particulièrement dense qui allait changer sa vie.
Commenter  J’apprécie          30
À peu près tout ce que nous comprenons du réchauffement climatique à l’heure actuelle était déjà compris en 1979. Et peut-être mieux compris. Aujourd’hui, près de neuf Américains sur dix ignorent que les scientifiques s’accordent à reconnaître, bien au-delà du seuil du consensus, que les êtres humains ont modifié le climat de notre planète à force de brûler des combustibles fossiles à tort et à travers. Pourtant, dès 1979, les principaux aspects du problème étaient déjà tranchés sans débat possible, et l’attention des spécialistes ne s’attachait même plus aux principes élémentaires de ce phénomène, mais à un affinage de ses conséquences prévisibles. Contrairement à la théorie des cordes ou au génie génétique, l’effet de serre – métaphore inventée au début du XXe siècle – était déjà de l’histoire ancienne, et on le décrivait dans tous les manuels d’introduction à la biologie. Ce phénomène n’avait rien de bien compliqué d’un point de vue scientifique. Il pouvait se résumer à cet axiome : plus il y a de dioxyde de carbone dans l’atmosphère, plus la planète est chaude. Or, année après année, en brûlant du charbon, du pétrole et du gaz, les êtres humains déversaient des quantités de plus en plus obscènes de dioxyde de carbone dans l’atmosphère.
Le monde a connu un réchauffement de plus d’1 °C depuis la révolution industrielle.. L’accord de Paris sur le climat – ce traité juridiquement non contraignant, inapplicable et d’ores et déjà enterré, signé en 2016, le jour de la Terre – espérait limiter le réchauffement à 2 °C. Une étude récente estime que nous avons une chance sur vingt d’y parvenir. Si par miracle nous atteignons cet objectif, nous n’aurons à gérer que la disparition des récifs coralliens, une élévation de plusieurs mètres du niveau des mers et le dépeuplement forcé des pays du golfe Persique. Le climatologue James Hansen présente ce réchauffement de 2 °C comme la « certitude d’un désastre à long terme ». Lequel fait désormais figure de scénario le plus optimiste. Car un réchauffement de 3 °C constituerait la certitude d’un désastre à court terme : les glaces de l’Arctique cédant la place à des forêts, l’évacuation de la plupart des grandes villes côtières, une famine à grande échelle. Robert Watson, ancien président du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) mis en place par l’ONU, affirme pour sa part que ces 3 °C de réchauffement sont le minimum réaliste à envisager. 4 °C : l’Europe connaît une sécheresse permanente ; d’immenses régions de Chine, d’Inde et du Bangladesh se transforment en désert ; la Polynésie est engloutie par l’océan ; le fleuve Colorado se réduit à un filet d’eau. La perspective d’un réchauffement de 5 °C pousse certains des plus éminents climatologues, pourtant peu enclins à l’affolement, à agiter le spectre d’une possible disparition de la civilisation humaine. La cause immédiate n’en sera pas le réchauffement proprement dit – non, nous ne prendrons pas subitement feu pour tous nous retrouver réduits en cendres – mais ses effets secondaires. La Croix-Rouge estime que les situations de crise liées à l’environnement provoquent d’ores et déjà des flux de réfugiés plus abondants que les conflits armés. Famine, sécheresse, inondation des zones côtières et étreinte funeste des déserts en expansion vont forcer des centaines de millions de personnes à s’enfuir pour se sauver. Ces migrations de grande ampleur viendront chambouler des équilibres régionaux déjà précaires, déclenchant des conflits autour des ressources naturelles, des actes terroristes, des déclarations de guerre. Passé un certain point, les deux plus grandes menaces existentielles qui pèsent sur notre civilisation, le réchauffement climatique et les armes nucléaires, briseront leurs chaînes et s’uniront pour se rebeller contre leurs créateurs. (…)
Impossible de comprendre nos difficultés présentes et futures sans saisir d’abord les raisons pour lesquelles nous n’avons pas résolu ce problème quand nous en avions l’occasion. Car au cours des dix années qui se sont écoulées entre 1979 et 1989, cette opportunité s’est bel et bien offerte à nous. À un certain moment, les principales puissances mondiales n’étaient qu’à quelques signatures d’instaurer un cadre juridiquement contraignant pour imposer une réduction des émissions carbone – elles en étaient bien plus proches, alors, qu’elles l’ont jamais été depuis. À cette époque, les obstacles sur lesquels nous rejetons aujourd’hui la responsabilité de notre inaction n’étaient pas encore apparus. Les conditions d’un succès étaient si parfaitement réunies qu’on dirait presque un conte de fées, surtout à l’heure où tant de vétérans de la petite armée climatique – les chercheurs, les négociateurs politiques et les militants qui luttent depuis des décennies contre l’ignorance, l’apathie et les pratiques de corruption des multinationales – avouent leur peu d’espoir de pouvoir obtenir ne serait-ce qu’une atténuation du phénomène. Pour citer Ken Caldeira, éminent climatologue rattaché au Carnegie Institute de l’université Stanford, en Californie : « Nous sommes en train de basculer progressivement d’un mode où nous cherchions à prévoir ce qui va se passer à celui où noous tentons d’expliquer ce qui s’est déjà passé. »
Commenter  J’apprécie          21
Jusqu'à la fin des années 90, la GCC a dépensé au moins un million de dollars chaque années pour saper le soutien populaire aux mesures climatiques.
Commenter  J’apprécie          21
Mais alors, que s’est-il passé ? L’explication la plus commune aujourd’hui met en cause les déprédations de l’industrie des combustibles fossiles, qui au cours des dernières décennies s’est chargée de jouer le rôle du méchant avec une crânerie de personnage de bandes dessinées. Entre 2000 et 2016, l’industrie a ainsi dépensé plus de 2 milliards de dollars, soit dix fois plus que les frais engagés par l’ensemble des associations écologistes, pour contrecarrer les projets de lois liés au changement climatique. Un pan important de la littérature consacrée au climat a dressé la chronique des machinations ourdies par les lobbyistes au service de cette industrie, des pratiques de corruption ciblant quelques scientifiques accommodants et des campagnes de communication orchestrées par les multinationales qui continuent encore aujourd’hui de fausser le débat politique, alors même que les principaux géants du pétrole et du gaz ont depuis longtemps renoncé à leur stupide numéro de déni de la réalité. Mais cette offensive de grande ampleur de l’industrie des énergies fossiles n’a vraiment commencé qu’à la fin des années 1980. Au cours de la décennie précédente, une partie des grandes entreprises pétrolières, y compris Exxon et Shell, se sont sérieusement attachées à évaluer l’ampleur de la crise, et à envisager de possibles solutions.
Nous nous désespérons aujourd’hui de la politisation des questions climatiques, ce qui est une manière courtoise de décrire l’entêtement insensé du parti républicain à nier l’évidence. En 2018, seuls 42 % des membres de ce parti savaient que « la plupart des scientifiques estiment qu’un réchauffement planétaire est en cours », et cette proportion va s’amenuisant. Le scepticisme à l’encontre du consensus scientifique sur le réchauffement climatique – et avec lui, les doutes affichés sur l’honnêteté des méthodes expérimentales et la réelle poursuite d’une vérité objective – est devenu l’un des credos élémentaires de ce parti. Pourtant, dans les années 1980, bon nombre de membres du Congrès, de membres des cabinets ministériels et de conseillers stratégiques affiliés au parti républicain partageaient avec leurs collègues démocrates la conviction que la crise climatique était l’un des rares sujets gagnants à tous les coups, d’un point de vue politique : un thème non partisan, aux enjeux extrêmement élevés. (…) En 1981, Malcolm Forbes Baldwin, président par intérim du Conseil sur la qualité de l’environnement mis en place par Ronald Reagan, déclarait ainsi à des cadres de l’industrie pétrolière : « Il n’existe pas de sujet plus important ni plus conservateur que la protection de la planète. » Un sujet absolument inattaquable, au même titre que le soutien aux militaires et la liberté de parole. Le sort de l’atmosphère concernait même un corps électoral plus vaste encore que ces thèmes-là, formé de tous les êtres humains vivant sur Terre.
L’idée qu’il fallait agir au plus vite était largement acceptée. Au début des années 1980, les experts scientifiques employés par le gouvernement fédéral américain prévoyaient déjà que des preuves formelles du réchauffement climatique apparaîtraient dans les relevés de température à l’échelle planétaire d’ici la fin de la décennie, et qu’il serait alors trop tard pour éviter le désastre. (…) Si les États-Unis avaient entériné la proposition qui, à la fin des années 1980, bénéficiait d’un large soutien – un gel immédiat des émissions carbone, puis une réduction de 20 % à l’horizon 2005 -, le réchauffement aurait pu être limité à moins de 1,5 °C.
La communauté internationale était en effet parvenue à un large consensus autour d’un dispositif qui devait permettre d’atteindre cet objectif : un traité planétaire juridiquement contraignant. Cette idée avait commencé à faire son chemin dès février 1979, lors de la première conférence mondiale sur le climat de Genève, où les scientifiques de cinquante nations étaient tombés unanimement d’accord sur le fait qu’il était « nécessaire et urgent » d’agir. Quatre mois plus tard, à l’occasion d’une réunion du G7 organisée à Tokyo, les dirigeants des pays les plus riches du monde signèrent une déclaration dans laquelle ils s’engageaient à réduire leurs émissions carbone. Une décennie plus tard, le premier grand sommet diplomatique visant à fixer le cadre d’un futur traité se déroula aux Pays-Bas. Plus de soixante pays y envoyèrent des délégués. Le sentiment des scientifiques et des dirigeants mondiaux était unanime : il fallait passer à l’action, et il appartenait aux États-Unis de prendre la tête de ce mouvement. Mais ils ne l’ont pas fait.
Commenter  J’apprécie          00
Comment une personne consciente vivant aujourd'hui - dans un monde qui s'est déjà réchauffé de plus d'1°C, sans compter le demi-degré supplémentaire auquel il est condamné quoi qu'il advienne, et qui continue de subir des émissions dont la hausse ne se dément pas -, comment peut-on vivre en sachant que l'avenir sera bien moins vivable que le présent ? Devrions-nous ne penser qu'à cela, l'ignorer, ou bien trouver un entre-deux incertain ? Que disent nos erreurs de notre essence en tant que peuple, société, en tant que démocratie ? Les générations futures se satisferont-elles des raisons que nous invoquons pour justifier notre inaction ? Suffit-il de voter correctement, de manger végétarien et d'aller au travail à vélo pour que notre billet d'avion occasionnel, notre ordinateur portable, les ascenseurs que nous prenons, les framboises à longueur d'année, le ramassage de nos déchets, nos réfrigérateurs, notre wifi, nos soins de santé modernes et toutes les autres activités civilisées que nous considérons comme normales nous soient pardonnés ? Quel est le bon calcul ? Comment appréhender notre complicité à tous, aussi involontaire soit-elle, dans ce cauchemar ? Je sais que je suis complice ; mes mains dégoulinent de pétrole brut. L'enfer est trouble.
Commenter  J’apprécie          00




    Lecteurs (193) Voir plus



    Quiz Voir plus

    L'écologiste mystère

    Quel mot concerne à la fois le métro, le papier, les arbres et les galères ?

    voile
    branche
    rame
    bois

    11 questions
    254 lecteurs ont répondu
    Thèmes : écologie , developpement durable , Consommation durable , protection de la nature , protection animale , protection de l'environnement , pédagogie , mers et océansCréer un quiz sur ce livre

    {* *}