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Critiques filtrées sur 4 étoiles  
On croit avoir lu l'essentiel sur le sujet, on croit avoir déjà exploré à peu près tous les points de vue, tous les angles... Et puis, on se prend un grand coup dans l'estomac. On tombe sur quelques phrases qui mériteraient d'être gravées dans la pierre. Ce Journal d'un autre, je l'ai commencé un peu à reculons, je l'ai fini plutôt sonnée.

Les dégâts provoqués par la seconde guerre mondiale se prolongent bien au-delà de la période du conflit et surtout bien au-delà de ceux qui étaient impliqués à l'époque. Certains enfants doivent vivre tout au long de leur existence avec des questions plein la tête. Des questions confiées à des carnets, histoire de tenter d'y voir un peu plus clair. le Carré des Allemands raconte, à travers cinq carnets, le désarroi de celui dont le père, vivant alors en Belgique a fait la guerre du mauvais côté. Engagé volontaire aux côtés des Allemands. Complice volontaire des exactions que l'on connaît. Un père qui a ensuite passé sa vie à fuir l'opprobre sans jamais rien révéler des pensées ou des motivations qui l'habitaient alors. Laissant son fils avec ses questions.

"Toute ma vie est passée. Et elle était entre les parenthèses de ça. Derrière la vitre de ça. de ces récits inavouables. de cette histoire irracontable, même par moi qui n'y étais pas. L'histoire d'un de ces paumés, revenus étrangers, cabossés comme tous les autres, comme ce chat, c'est l'histoire tout court. Peut-être pas tout à fait vraie, mais pas fausse non plus. C'est tuer des gens. Broyer des vies. le crime était collectif, mais chacun l'a commis seul. Chacun s'est retrouvé seul avant, pendant, après. Tout seul avec ce qui s'est passé, tout seul devant l'horreur. On est aussi seul quand on la commet que quand on la subit. Histoire d'un criminel de guerre."

Jusqu'où doit-on assumer l'héritage ? Comment gérer la transmission génétique ? Comment vivre avec ça, tout simplement ? En un peu plus d'une centaine de pages d'une sobriété poignante, l'auteur nous plonge dans les interrogations de ce fils qui tressaille quand on lui parle de ressemblance. Qui tente de comprendre, remonte la piste qui mène à la tombe de ce père toujours fuyant au point de mourir loin de sa famille. Et peine à trouver la bonne distance entre lien filial et volonté de se dissocier de cette figure monstrueuse.

"En quoi suis-je différent ? N'aurais-je pas fait pareil ? Ouvert, moi aussi, la porte sur le noir ? Aurai-je commis le pire ? Pas sûr que non."

Un premier roman percutant, dérangeant et très convaincant. Un texte fort qui interroge sur la faiblesse des hommes pris dans le tourbillon de l'Histoire et la difficulté de vivre avec ses conséquences. Bouleversant.
Lien : http://www.motspourmots.fr/2..
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Décidément, notre aventure des 68 premières fois ne nous aura rien épargné des failles de l'être humain. Après "Notre Château", "Branques" et même, pour ce qui me concerne, "Une famille normale", le premier roman de Jacques Richard se hisse au premier rang de l'horreur.
Désespérant, accablant, écrasant, je ne sais trop quel adjectif correspond le mieux à ce roman présenté sous forme de cinq carnets dans lesquels un fils parle de son père, que d'aucun pourrait sans doute qualifier de "héros" ordinaire – héros ou bourreau ? – tout en se racontant lui-même. Impossible de dire que je l'ai détesté, ce serait totalement faux. Pourtant, sa lecture m'a souvent laissée le coeur au bord des lèvres. Souvent, je me suis surprise à fermer les yeux, comme devant une scène de film particulièrement dérangeante.
La lecture de ce récit me fut douloureuse et c'est la raison pour laquelle, je me vois dans l'obligation de dissocier le fond et la forme. Pour ce qui est du fond, je crois avoir tout dit : l'histoire est violente, terriblement violente.
Mais cette violence est servie par une écriture magistrale. Plus qu'un roman, ce livre m'est apparu à de nombreuses reprises comme un poème en prose tant j'ai eu l'impression d'être entraînée par la mélodie du texte. "Dis, comment sont-ils morts, les enfants qui mouraient lorsque vous arriviez ? Et comment pleuraient-elles, les femmes que vous laissiez couchées près de leur corps, vivant leur mort dessus ? Appelle-t-on ça pleurer ? Appelle-t-on ça souffrir ?" C'est toute l'horreur de la barbarie traduite par une langue belle à se damner. Les mots claquent, les idées dansent et chante le texte.
Aimer, ne pas aimer est-ce possible à dire ? Je ne le sais pas mais en tous les cas ce roman est de ceux que l'on ne peut oublier. Il bouscule au-delà du normal. Extra-ordinaire, voilà ce qu'il est, oui, c'est bien ça : au-delà de l'ordinaire.
Pour un essai, c'est un coup de maître !
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En peu de pages, ce "Journal d'un autre" atteint une densité impressionnante et parvient à nous perforer de questions lancinantes, des questions auxquelles on ne sait ou ne veut répondre mais qui pourtant nous semblent essentielles. du "je" qui porte la voix d'un fils on ne saura finalement que peu de choses, on ne saura rien de ce qui construit habituellement un personnage de fiction. Peu de choses hormis l'essentiel. Car c'est justement dans l'essence de l'être que les phrases dénudées creusent, fouillent, interrogent et s'enfoncent comme des lames dans un corps.
Un fils. Un père depuis longtemps disparu, comme effacé, mais qui s'imprime dans chaque geste, dans chaque regard, dans chaque choix, qui se reflète dans le miroir où le narrateur traque les ressemblances. Un père qui s'est engagé dans la Waffen SS.
En cinq carnets, son fils poursuit les traces de cette empreinte, redoutant de la trouver, persuadé de la trouver, coupable de la trouver. "La faute du père, tu sais, tu sais, ça écrase le fils. le fils reprend la faute et la fuite du père." La douleur fulgure dans cette quête impossible, dans la torture de ces interrogations obsédantes, dans les images qui hantent la mémoire d'un autre.
Il faut alors trier, séparer, diviser ce qui appartient à l'histoire de l'un et ce qui construit l'histoire de l'autre. Mais est-ce possible ? Comment échapper à ce "fardeau partagé" qui opprime chaque moment du présent ? Comment ne pas prendre en charge la culpabilité d'un père dont la seule réponse fut le silence et la fuite ?
Avec son écriture acérée, "Le Carré des Allemands" bouscule tous les conforts et contraint le lecteur à l'attention et au questionnement. Ça serre la gorge, ça bloque la respiration, ça continue de tenailler après la dernière page. Un premier roman saisissant !
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Voici donc ma dixième lecture de cette édition 2016 des « 68 premières fois » avec « le Carré des Allemands » de Jacques Richard paru aux Editions de la Différence.

On pourrait parler de transgénérationnel si le terme n'était pas un peu pompeux dans le cas de ce livre si puissant.
On pourrait évoquer tout ce qui se transmet sans forcément se dire mais qui se ressent.

De fils à père, de père à fils, tout ce qui transporte et bouleverse sans trop savoir pourquoi…jusqu'au jour où on sait.

Des découvertes, l'horreur, la violence, les crimes, cette chape de plomb qui écrase au fur et à mesure puis toutes les questions qui restent sans réponse.

« Journal d'un autre »…mais de qui ?
De celui qui l'a vécu ?
De celui qui cherche à comprendre ?
Du père ?
Du fils ?

Un roman court et profond, intense. Une psychanalyse imposée pour comprendre, pour se comprendre, pour le moins essayer.
Lien : https://emiliaetjean.wordpre..
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Jacques Richard a choisi de sonder, d'interroger le sombre qui sommeille en chacun de nous

142 pages, cinq carnets, c'est peu et pourtant suffisant pour évoquer une vie que l'on s'interdit de vivre. le narrateur est le fils d'un Waffen-SS, le fils de quelqu'un qui a choisi d'infliger la souffrance, de donner la mort et puis après guerre ,de fonder une famille.Insupportable hiatus. Un donneur de mort peut-il donner la vie ? Ne risque-t-il pas de transmettre à son descendant le goût du sang ? Pense-t-il que son fils est un Atlas, capable de porter sur ses épaules les massacres, les indicibles horreurs commises par des hommes qui n'en étaient peut-être plus ?

le fils a choisi la non-vie, il habite dans un sous-sol et sort peu. Son existence de reclus lui permet d'attendre. D'attendre quoi ? de comprendre comment son père a pu devenir un bourreau, de patienter jusqu'à ce que la mort le cueille, l'accueille et fasse taire ce passé qui n'est pas le sien mais qui le hante.

Jacques Richard a choisi de montrer la noirceur que chacun de nous abrite en lui. Nul ne peut y échapper, juste espérer la contenir, ne pas nous laisser déborder.

La lecture de ce texte a été éprouvante. L'écriture est sèche, précise, clinique, aussi redoutable que le pinceau de Francis Bacon. Je ne terminerai pas cet article en précisant si j'ai aimé ou non ce livre. Je n'en sais rien. Simplement, dans notre monde déboussolé, il est comme le nécessaire rappel que la barbarie n'est jamais vraiment assoupie.

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Ce roman fait partie de la sélection des 68 premières fois

C'est un roman relativement court mais qui sait se faire une place dans la cour des grands !

Un homme part sur les traces de son père, sur fond de 2de guerre mondiale mais pas que. Il cherche à comprendre sa fuite, son histoire...

Il est emprisonné par un secret de famille très bien gardé...



Le carré des Allemands de Jacques RICHARD

Nous sommes dans un jeu de miroirs, de fragments où personne ne se voit tout entier. Mais à tenir les autres à distance, c'est moi-même que j'enferme. Les autres sont mes barreaux. P 15


Il joue en permanence avec le « je », le « moi », « l'autre », les « autres », à chaque fois c'est tout un univers qu'il mobilise. Il aborde l'interculturalité dans toutes ses dimensions...


Etre un autre. Tous ceux que j'ai été, que je ne serai pas et tous ceux que je suis. Etre un autre. Etre Noir comme un roi, être Arabe par amour, Juif six millions de fois. Etre une femme qu'on aime ou une qu'on lapide, être un autre et connaître chacun de tous les autres à l'intérieur de moi, chacun de tous les moi à l'intérieur de l'autre. P 30


Dans cette prose, il y a le poids de l'absence, l'incommensurable vide laissé par celui qui n'est plus là !


On ne sait pas ce que font ceux qui ne sont pas là. Moins encore ce qu'ils sont. Ceux qui vivent sous nos yeux, déjà, nous sont si mystérieux, tellement indéchiffrables. C'est sans doute cela qui nous les rend précieux. P 57


Et puis, il y a le pourquoi de la fuite, le fait que l'histoire de chacun contribue à la grande Histoire :


Le crime était collectif, mais chacun l'a commis seul. Chacun s'est trouvé tout seul avant, pendant et après. Tout seul avec ce qui s'est passé, tout seul devant l'horreur. On est aussi seul quand on la commet que quand on la subit. Histoire d'un criminel de guerre. P 89


Enfin, ce sentiment de culpabilité, de responsabilité des ascendants pour les actes commis par les générations passées...


On se tait moins de n'avoir rien à dire que de n'avoir pas les mots. Pas d'issue là non plus. Chaque jour un peu plus les mots nous font défaut. Je cherche les miens. Je n'en trouve pas pour dire que même si je n'ai rien fait je ne suis pas innocent. Un sentiment permanent d'être en tort sans savoir de quoi. Né dans une prison dont je suis le détenu et le gardien. Tous les autres sont les barreaux. Interdit de vie. P 103




Il faut dire que tout avait commencé avec cette citation de Madeleine NATANSON : « La souillure d'une génération atteint les survivants d'une marque de malheur et d'indicible culpabilité. »

La boucle est bouclée et en beauté s'il vous plaît !

L'écriture, je dois bien l'avouer, est au début surprenante. Je pourrais même la qualifier d'exigeante ! Elle nécessite de se laisser lentement apprivoiser mais quand le lâcher-prise fait son oeuvre, ce roman devient un petit bijou de la littérature.

Assurément, le nom de cet auteur est à conserver précieusement dans nos tablettes !
Lien : http://tlivrestarts.over-blo..
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VIOLENT
Roman lourd, dur, dérangeant.
Comment se construire quand on sait son père bourreau nazi ?
Ecriture magistrale. Aucun mot de trop, : des phrases et des mots simples, d'une violence incroyable. Chaque carnet trimballe son lot d'horreurs, et pourtant pas possible d'arrêter, emportée par cette écriture tellement vraie.
Un roman difficile à conseiller mais que je ne pourrai pas oublier.
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