L'évocation de la Guerre de Cent Ans par Richemond, Caneschi et Jarry me plaît de plus en plus.
Fuyant Paris, le dauphin Charles se réfugie à Bourges. Il est plutôt démotivé, battu avant la bataille. Mais Tanneguy du Chatel et le puissant esprit politique Yolande d'
Aragon – celle-là il faut absolument que j'en lise une biographie – se charge de le regonfler. S'essuyant les pieds sur les propositions du Duc de Bourgogne Jean sans Peur, il est proclamé régent et reprend la lutte en commençant par mettre la forteresse d'Azay au pas… dans le sang.
Jean commence à flipper, se rend auprès de son allié le roi d'Angleterre Henri V qui lui demande sans détour de le reconnaître roi de France s'il souhaite son aide. Refus de Jean qui convoite lui-même la couronne (on voit que G.R.R. Martin a de quoi s'inspirer).
Du coup, Jean sans Peur est prêt à discuter à nouveau avec le régent Charles, mais au moment d'atteindre un accord, il perd pied devant l'idée de devoir obéir à ce petit fat. Cela sonnera sa perte : il est assassiné à Montereau.
C'est Henri le grand gagnant. Il a parfaitement manipulé son « allié » Jean, jouant avec son ambition et son arrogance, et agrandi la plaie purulente qui divise le royaume de France.
Les personnages historiques sont magnifiquement ciselés, poussant – peut-être jusqu'à la caricature – leur caractéristiques essentielles : le fol Charles VI, la nympho Isabeau de Bavière, l'intelligence politique de Yolande d'
Aragon et d'Henri V, le tempérament explosif de Jean sans Peur. Encore une fois le camp du dauphin Charles est clairement défini comme « les gentils ». Charles lui-même n'est qu'un ado bousculé par les évènements qui commence à prendre du plomb dans la tête. On ne sent pas encore le côté noir, retors et déloyal de sa personnalité tel qu'il était décrit par
Jean-Christophe Rufin dans
le Grand Coeur.
Les dessins sont à nouveau époustouflants. Les scènes de batailles bien sûr, mais surtout les décors comme l'intérieur de la cathédrale de Bourges ou les intérieurs des châteaux. L'horreur de la guerre éclabousse carrément dans les scènes de Rouen assiégée par Henri V, qui expulse ses bouches inutiles obligées de survivre en hiver dans le no man's land entre la cité et les assiégeants. le pauvre hère décharné qui dépouille les cadavres, habillé seulement d'une peau de bête, est aussi bouleversant.
J'avais mis 4 étoiles mais, en écrivant ceci, je me suis demandé ce que je reprochais à cet album. Je n'ai rien trouvé.