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Citations sur La Mer (14)

EN SEPTEMBRE

Ciel roux. Ciel de septembre.
De la pourpre et de l'ambre
Fondus en ton brouillé.
Draperie ondulante
Où le soleil se plante
Comme un vieux clou rouillé.

Flots teintés d'améthyste.
Ecumes en baptiste
Aux légers falbalas.
Horizon de nuées
Vaguement remué
En vaporeux lilas.

Falaises jaunissantes.
Des mûres dans les sentes,
Du chaume dans les champs.
Aux flaques des ornières,
En lueurs prisonnières
Le cuivre des couchants.

Aucun cri dans l'espace.
Nulle barque qui passe.
Pas d'oiseaux aux buissons
Ni de gens sur l'éteule.
Et la couleur est seule
A chanter ses chansons.

Apaisement. Silence.
La brise ne balance
Que le bruit endormant
De la mer qui chantonne.
Ciel de miel. Ciel d'automne.
Silence. Apaisement.
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EFFET DE NEIGE
Dan la mer au bleu plombé
Le ciel blafard est tombé.
Aucun vent ! Même une plume
Ne se tiendrait pas en l'air.
Et pas un seul rayon clair
Sur tout ce gris ne s'allume.

Soudain plane en voltigeant
Comme un papillon d'argent,
L'envergure grande ouverte.
Cet argent sur ces étains
Réveille les tons éteints
De l'eau qui redevient verte.

Après lui d'autres, lents, lourds,
Au corset de blanc velours,
Aux ailes d'hermine blanche,
Un, cent, mille, millions.
Tourbillon de papillons.
Papillons en avalanche.

C'est la neige doucement
Qui croule du firmament.
Elle y dormait paresseuse
Sur le nid qu'elle couvait,
Et sans bruit son fin duvet
Descend dans l'onde mousseuse.

Les flocons mêlant leurs nœuds
Font le ciel jaune et laineux :
Mais la mer est purpurine
Et scintille par-dessous
Comme de l'éclat dissous
Jailli d'une aube marine.

Ténébreux est le plafond :
Mais en bas l'ombre se fond
Aux feux de celte aube étrange
D'où la lumière à présent
Monte et fuse en s'irisant
Sur ce coton qui s'effrange.

Quel jour bizarre I On dirait
Qu'on est au pays secret
Inconnu même des rennes.
Où l'effluve sans chaleur
Colore seul la pâleur
Des nuits hvperboréennes.

Dans l'air obscur et glacé
Voici qu'un vol a passé.
Oiseaux du nord, lummes, grèbe,
Dont les bras battant les flancs
Sèment tous ces œillets blancs
Cueillis dans les blancs Erèbes.

Oui, c'est le pôle ! On s'y croit.
L'enfer sombre, l'enfer froid.
Aux aurores magnétiques.
L'enfer blême où l'on attend
Les banquises cahotant
Leurs défilés fantastiques ;

Car sous ce voile épaissi
Il semble qu'on voie aussi.
Comme aux horizons polaire?
Voguer sur l'écran des cieux
Les glaçons silencieux
En flottes crépusculaires.
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LA MER XI
LA COLÈRE DU BATEAU (5)

Ah! j'étais beau, cependant !
Je florissais, étendant
Dans l'espace
Mes cent bras tout grands ouverts
Où le vent rythme des vers
Quand il passe.

Ils m'ont tué cependant!
Et je vais, en attendant
D'être épave,
Ainsi qu'un tas de bois mort
Sur qui le flot tantôt mord,
Tantôt bave.

Je vais où cela leur plaît.
Ces nains, je suis leur valet
A la chaîne.
Ces nains, je leur obéis,
Moi, le roi de leur pays,
Moi, le chêne!

Mais je saurai me venger.
Toujours, les nuits de danger,
Je regarde
Pour trouver enfin l'écueil.
J'ai la forme d'un cercueil.
Prenez garde!

Une nuit que vous serez
Affolés, désemparés
Sous la brise,
Vous sentirez brusquement
S'effondrer le bâtiment
Qui se brise.

Alors, pleins d'un vain remord,
Illuminés par la mort
Si prochaine,
Vous comprendrez qu'il fallait
Laisser pousser comme il est
Le vieux chêne.

Ainsi, triste et mécontent,
Le bateau crie en partant.
Mais le mousse
Chante sa chanson. Sa voix
Enfantine est à la fois
Rauque et douce.

Et voyant, lui, l'inhumain,
Que la peine du gamin
Est amère,
Le bateau calmé se dit :
— Bah je rendrai ce bandit
A sa mère.

p.236-237-238
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LA MER XI
LA COLÈRE DU BATEAU (4)

Comme lui je hais la mer,
Et contre son fiel amer
Je réclame,
Poison gluant que je bois
Par tous les trous de mon bois,
Jusqu'à l'âme.

Comme lui je cherche encor
Le lointain et cher décor
De la terre,
Et comme lui je me sens
Sur ces gouffres mugissants
Solitaire.

Je n'étais pas né non plus
Pour souffrir flux et reflux,
Pour connaître
Ces tourmentes, ces effrois,
Cette eau qui de baisers froids
Me pénètre.

Dans le sol j'avais les pieds.
Ils les ont estropiés
Par la hache.
Ils ont fait, ces nains morveux,
De mes branches des cheveux
Qu'on arrache.

Ils ont planté dans mon sein
Un coin de fer assassin
Qui crevasse.
De leur scie au cri moqueur
Ils m'ont scié jusqu'au cœur
Tout vivace.

Ah j'étais bon, cependant.
Avec mon abri pendant
Sur leurs têtes,
J'étais un ami pour eux,
Marcheurs, rêveurs, amoureux,
Gens et bêtes.

Ah j'étais fier, cependant !
Contre l'orage grondant,
Sentinelle,
Je me tenais droit et fort,
Et mes poings cassaient l'effort
De son aile.

p.234-235
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LA MER XI
LA COLÈRE DU BATEAU (2)

Tout à bord est embarqué.
Le bateau, quittant le quai,
Se balance,
Et, tandis qu'il prend le vent,
On entend auparavant
Du silence.

Puis, soudain des bruits se font
Dans ce silence profond.
Le mât plie ;
La toile claque au plus près ;
Un fil tend sur un agrès
Sa poulie ;

Et la coque sourdement
Pousse un rauque grondement.
Voix touchante,
C'est toi, bateau, qui gémis.
Or voici, pour ses amis,
Ce qu'il chante.
***
p.231
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LA MER XI
LA COLÈRE DU BATEAU (3)

Sur les flots bons ou mauvais
Toujours et toujours je vais.
Où donc vais-je?
Ces mathurins casse-cou
Me mènent au Mexique ou
En Norwège.

On part. Moi, je ne sais pas
Quel point marquent leur compas,
Leur boussole.
Ce sont des maîtres méchants.
Seul, le mousse avec ses chants
Me console.

Dans le calme noir des nuits
II me conte ses ennuis.
Mais qu'importe?
Lui non plus, l'enfant martyr,
II ne voudrait pas partir.
Je l'emporte.

Je l'emporte, sanglotant.
Il me maudit. Et pourtant,
Seul je l'aime.
Seul je comprends son chagrin,
Quand moutonne sous un grain
L'onde blême.

Comme lui je hais les flots
Où la main des matelots
Me ballotte,
Où je cours contre non gré,
Virant au geste exécré
Du pilote.

p.232-233
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LE PÉTREL

Sur les landes désolées,
Avant-coureurs d'ouragans
Passent en brusques volées
Des souffles extravagants
Où les feuilles envolées
Dansent des farandolées
En caprices zigzaguants.

D'étain gris la mer se broche.
Au fond rentre le poisson.
L'oiseau retourne à sa roche.
Une lueur de glaçon
Aux crêtes des flots s'accroche.
Et partout de proche en proche
Court un étrange frisson.

Tout à coup, un grand silence !
Plus rien au vert promenoir.
Dans l'azur un fer de lance
Creuse un sinistre entonnoir.
Le pétrel alors s'élance,
Crie, un moment se balance.
Puis cingle droit au trou noir.

Seul dans l'étendue immense
Il aime à humer ce vent.
Il en a l'accoutumance.
Il l'appelle en le bravant.
Et la bataille commence
Entre l'orage en démence
Et lui qui vole au-devant,

L'orage comme une boule
Le roule sans le saisir.
Dans ses doigts il glisse, il coule,
Il passe, il joue à loisir;
Et de la céleste houle,
D'espace, d'air, il se soûle,
Le bec claquant de plaisir.

O pétrel, loin du rivage
Où nous gisons dans la paix,
Loin de ce lâche esclavage,
Loin de ce sommeil épais,
Nous que le repos ravage,
Emporte-nous donc, sauvage
Qui d'ouragans te repais.

À ton âme fraternelle
Vont nos âmes de démons.
Nous nous sentons vivre en elle.
O farouche, nous t'aimons !
Il faut à nos cœurs ton aile,
L'éclair à notre prunelle,
Et l'orage à nos poumons.
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LES GRANDES CHANSONS
LA GLOIRE DE L'EAU

Comment dans cette vase aux clapotements mous
Où les derniers volcans soulevaient des remous,
Comment sous l'action et les forces amies
Du soleil, des foyers souterrains, des chimies,
Du temps, comment a pu s'opérer en un point
Cette genèse, c'est ce que l'on ne sait point.
Des corps simples à la cellule, à la monère,
Par quels chemins passa la substance ternaire,
Puis quaternaire, pour s'albuminoïder
Et s'agréger, vivante, on n'en peut décider.
Le carbone de l'air, alors en abondance
Dans l'atmosphère encore irrespirable et dense,
Avec les gaz de l'eau d'abord combina-t-il
Ou l'âcre ammoniaque ou l'azote subtil ?
Ou bien est-ce plutôt par le cyanogène
Que se noua l'anneau primitif de la chaîne,
Gaz instable, mobile et propice aux hymens ?
La science n'a pas éclairé ces chemins.
Mais un point lumineux dans cette ombre douteuse,
C'est que de ces hymens l'eau fut l'entremetteuse,
Et qu'il fallut son lit ouvert à tous les vents
Pour engendrer enfin les premiers corps vivants.
Aujourd'hui même encor, comme en ce temps antique,
On a pu la surprendre au fond de l'Atlantique
En pleine éclosion du germe originel
Ayant pour dernier fruit l'organisme charnel,
Embryon de ce qui plus tard doit être un homme.
Un être existe là, que la science nomme
Bathybius, un être informe, sans couleur,
Une larve plutôt qu'un être, une pâleur
Encor plus qu'une larve, une ombre clandestine,
Semblable à du blanc d'œuf, à de la gélatine,
Quelque chose de vague et d'indéterminé.
Ce presque rien, pourtant, il existe. Il est né,
Il se nourrit, respire, et marche et se contracte,
Et multiplie, et c'est de la matière en acte.
Sous le plus simple aspect, sans créments superflus,
C'est du protoplasma vivant, et rien de plus.
Qu'un fragment de ce corps s'en détache, et que l'onde
En transporte autre part la bribe vagabonde,
À ce nouveau milieu cet obscur ouvrier
D'une forme nouvelle ira s'approprier.
D'amorphe il deviendra fini. C'est une sphère.
De ce rien qu'il était, déjà comme il diffère !
Il évolue encor, se centre, en même temps
Allonge autour de lui des filaments flottants.
Sont-ce des membres ? Oui. Mieux, même : des organes.
Et la vie à présent avec tous ses arcanes
Peut s'épandre, grandir, se différencier,
Et, partant de cet humble et vague devancier,
Racine d'où jaillit l'arbre de nos ancêtres,
Gravir tous les degrés de l'échelle des êtres.
Ô vie, ô flot montant et grondant, je te vois
Produire l'animal, plante et bête à la fois,
Te transformer sans fin depuis ces anciens types,
Devenir l'infusoire, entrer dans les polypes,
Monter toujours, des corps multiplier l'essaim,
Être, sans t'y fixer, l'astérie et l'oursin,
Pétrifiée un temps au lis de l'encrinite,
Repartir en nautile, évoquer l'ammonite,
Et du céphalopode évoluer devers
L'innombrable tribu d'annélides des vers,
Monter toujours, sans faire un seul pas inutile,
Jusqu'au plésiosaure engendré du reptile,
Lui donner du lézard le sternum cuirassé,
Dans ses pattes déjà rêver le cétacé,
Puis au ptérodactyle ouvrir l'essor d'une aile,
Monter, monter toujours dans l'onde maternelle,
Monter de cette ébauche au narval, au dauphin,
Au phoque, à la baleine, au mammifère enfin,
Et dans ce mammifère achever ton ouvrage
Par ces fils derniers nés qui jusques à notre âge
De rameaux en rameaux auront pour floraison
L'homme droit sur ses pieds et fort de sa raison.

p.326-327-328-329
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Nuageries

Les nuages là-haut vont rêvant,
Pas de vent !
Nul rayon n’y met son coloris.
On dirait une bande d’oiseaux
Dans les eaux
Mirant leur gros ventre en velours gris.

Les nuages là-haut vont planant.
Maintenant
La brise ébouriffe leur poitrail
Où les rais du soleil découvert
Ont ouvert
Des blessures d’or et de corail.

Les nuages là-haut vont mourant;
Car, plus grand,
Sous la dent féroce qui les mord
S’élargit le grand trou peu à peu
Tout en feu
Par où fuit le sang et vient la mort.

Les nuages là-haut vont crevant,
Et le vent
Les jette à la mer qui se ternit.
On dirait une bande d’oiseaux
Dans les eaux
Plongeant pour mourir où fut leur nid.
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LA MER XI
LA COLÈRE DU BATEAU (1)

Béni soit ce joli quart!
Peu de brise. Pas d'écart.
Mer confite.
Je peux, tout en m'étirant,
Rimer quatre heures durant.
J'en profite.

Je vais en des vers très courts
Mettre le très long discours,
La harangue,
Qu'en partant ce bateau-là
Me fit le jour qu'il parla
Dans sa langue.

Écoutez de point en point,
Et si vous ne croyez point
Mon histoire,
C'est que vous êtes terrien.
Un terrien ne croit à rien,
C'est notoire.
***
p.230

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