Citations sur Sillage (17)
Moi, on me parle et j'éponge les peines. Je suis un garçon buvard
— Ça s’appelle la synesthésie.
— Hmm ?
— Associer des couleurs à des sons. Ça s’appelle la synesthésie.
— Tu sais, huit pensées positives sont nécessaires pour neutraliser une pensée négative.
Il neigeait sur Paris; une valse de flocons argentés. En sept semaines, Jade et Victor ne s'étaient presque pas quittés. Quand elle bossait, il rentrait chez lui, se douchait, sélectionnait des habits propres. Puis il attendait devant Alice Caprices. Victor étudiait la philosophie à la Sorbonne, deuxième année. Manifestement, il ne glandait rien. Studette dans le 3ème arrondissement, parents en banlieue. Victor gribouillait au fusain.
— Selon vous, Jade, les parfums ont cette faculté ? Augmenter nos humeurs ?
— Ils ont cette fonction. Exprimer, avertir. Le sillage, c’est l’identité.
Des gens, des gens, des gens. Des lueurs rousses aux fenêtres, ces millions de carrés abritant des récits auxquels Jade n'avait pas encore accès. Voilà ce que lui inspiraient les villes : des mille-feuilles de goudron et d'individus.
On est pessimistes, flippés. Les d’aulnes nous le reprochent. Sauf que depuis des années, les événements nous prouvent qu’on a raison de flipper. Du style pandémies, restrictions, climat, pénuries, guerres, lointaines ou pas, extinction de la biosphère, milliardaire sociopathes, crises, crises, crises. Du style marcher dans du goudron en gelée et des abeilles qui agonisent. Je soupçonnais que le monde était dangereux. On me l’a répété et martelé. J’ai archivé l’info.
Pourquoi t’envisages automatiquement le pire, Tim ?
Qui m’a offert la possibilité d’envisager le meilleur ?
Pourquoi t’envisages automatiquement le pire, Tim ?
Qui m’a offert la possibilité d’envisager le meilleur ?
Ça me chamboule d'être avec : je la connais pas. Est-ce qu'on a des points communs ? Elle est abîmée. Peut-être que c'est mauvais ? Que je devrais fréquenter des meufs équilibrées ? Moi, on me parle et j'éponge les peines. Je suis un garçon buvard. Du coup, agoraphobie pendant six mois. Le lycée par correspondance, on adore. C'est ma génération. On est pessimistes, flippés. Les adultes nous le reprochent. Sauf que depuis des années, les événements nous prouvent qu'on a raison de flipper. Du style pandémies, violences, climat, guerres, lointaines ou pas, extinction de la biosphère, crises, crises, crises. Du style marcher dans du goudron en gelée et des abeilles qui agonisent. Je soupçonnais que le monde était dangereux. On me l'a répété et martelé. J'ai archivé l'info. pg 249
Jade franchit le pont Saint-Michel et c'était creepy, la Seine, cette masse d'eau qui aurait pu l'engloutir. Jade ne désirait pas se noyer ni sauter en mode suicide. Néanmoins, il lui apparut que ce serait paisible, de couler. Chavirer au milieu des traînées de bulles, n'avoir que ça à lorgner : du flou verdâtre et des écailles de poisson. Adieu, les klaxons, les pigeons crevés. Ne pas foirer sa life était important. Et ne pas foirer sa mort ? Pendant cette sieste liquide, on ourdirait ses funérailles. Cercueil en bois, du chêne, rembourrage satin, bouquets dans les tons mauves, un titre de BRMC à la cérémonie. Des poèmes, des anecdotes. Mamie anéantie, Zacharie en pleurs. Est-ce que Victor viendrait ?