Mais pourquoi donc
Andrew Ridker a t-il choisi le pluriel pour le titre de son livre "
les altruistes" ? Pour moi, dans la famille, la seule personne altruiste est la mère, Francine, décédée depuis deux ans - nul spoil, c'est annoncé d'emblée -, elle reste le personnage structurant de la famille, à la fois forte, lumineuse, généreuse et empathique, elle est surtout profondément elle-même. Les passages qui la concernent, que ce soit dans son enfance aux prises avec une mère autoritaire qui ferait geler un incendie, dans sa jeunesse en mode liberté en France, en jeune femme tiraillée entre deux hommes ou en mère de famille, elle est la seule qui a capté mon attention et m'a émue. On lui pardonne d'emblée le fait de garder secrètement quelques économies pour protéger ses enfants, qui héritent d'elle au détriment de son mari, totalement fat (c'est le point de départ du livre).
Les trois autres personnes de la famille m'ont semblé trop caricaturales, à la manière de "personae" :
- le père, Arthur, tellement persuadé qu'il est voué à faire de grandes choses qu'il passe ses journées à se regarder le nombril et en oublie complètement les autres. Lui c'est plutôt l'Égocentrique avec un grand É
- le fils, Éthan, un gay complètement paumé, songeant toujours à son amour de jeunesse, désargenté et qui n'en finit pas de s'apitoyer sur lui même, lui c'est Caliméro, avec un grand C aussi
- la fille, Maggie, est pétrie de bonnes intentions. Elle veut aider les autres et changer le monde mais à condition que les causes et les faibles demeurent loin d'elle. Émue par ce qui se passe à l'autre bout de la planète, elle ne voit même pas la souffrance juste à côté d'elle. Elle c'est la Pénible, avec un grand P aussi.
Le livre est très bien écrit, il commence lentement et nous perd un peu avec un traitement chronologique tortueux - que je trouve presque trop à la mode en ce moment - mais l'auteur est habile, il a son fil bien en tête et tout se met en place, assez vite finalement. Certains passages m'ont beaucoup amusée,
Andrew Ridker maniant fort bien l'ironie et j'ai vraiment beaucoup aimé Francine.
Toutefois, le livre reste longuet je trouve et surtout ne choisit jamais entre un propos satirique - Arthur m'a beaucoup fait penser au Howard de "
De la beauté" de
Zadie Smith mais j'ai largement préféré ce dernier, que je trouve beaucoup plus radical, encore plus pathétique et bien plus drôle - et un propos plus empathique - on sent qu'il a envie de s'attarder avec Francine mais il lui faut traiter du reste de la famille. En fait, il n'a pas choisi entre Arthur et Francine comme personnage principal et cela donne au final un livre agréable à lire, où le talent est indéniable et la culture incontestable mais qui manque de force, de densité, qu'on lit de l'extérieur alors que moi j'aime lire de l'intérieur.
Un auteur que je vais toutefois suivre car il s'agit de son premier roman écrit à l'âge de 28 ans. Ce qui calme quand même !