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George Jeanty (Illustrateur)
EAN : 9781401278359
144 pages
Vertigo (24/04/2018)
5/5   1 notes
Résumé :

In 1962 Jason Fisher was given astonishing powers by the United States government--powers he used to defend the nation as the New American. He and his teammates in the Civil Defense Corps were real-life superheroes.

Except that it was all a fraud. A conspiracy. And now, 10 years after the CDC was torn apart by racism, infighting and murder, the Corps' surviving members find themselves pulled in very different directions. Missy Devereaux--a.k.a... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (1) Ajouter une critique
Ce tome fait suite à The American Way (2006) qu'il faut avoir lu avant. Il comprend les 6 épisodes de la minisérie, initialement parus en 2017/2018, écrits par John Ridley, dessinés par Georges Jeanty, encrés par Danny Miki (épisodes 1, 2), John Livesay (épisodes 2 à 6), Paul Neary (épisode 2), le Beau Underwood (épisode 5). La mise en couleurs a été réalisée par Nick Filardi.

En 1972, à Baltimore dans le Maryland, Jason Fisher (ex New American) intervient pour mettre fin aux agissements criminels de Willie Betts, dans son repaire. Betts est un militant des droits des afro-américains trouvant ses financements en volant les dealers qu'il n'hésite pas à assassiner. Il s'en suit une bataille entre Fisher et les membres du gang, et Betts réussit à prendre la fuite. À Jackson dans le Mississipi, le principal financeur politique rend visite à madame & monsieur Deveraux, et explique son point de vue conservateur à Missy Deveraux (ex Ole Miss), pour finir par lui demander de se présenter aux élections afin de prendre la suite de son mari Hollis, atteint par la limite applicable aux mandats successifs. À Oakland en Californie, Amber Eaton (ex Amber Waves) pénètre ans le bâtiment du ministère de la Défense d'Oakland pour commettre un acte de sabotage. Elle dépose une bombe dans leur local informatique et réussit à s'enfuir.

À Baltimore, Jason Fisher a une vive conversation avec son frère Evan qui est en fauteuil roulant, des suites de son agression par le supercriminel Hellbent. Ils ne sont pas d'accord sur la manière de traiter Willie Betts, sur ce que ça dit du positionnement et l'allégeance de Jason par rapport aux institutions gouvernementales. Dans son squat, Amber Eaton sort de sa chambre pour aller interroger une nouvelle recrue potentielle : Nikki Lau, la fille du comédien qui jouait le rôle de Red Terror. À Jackson, Missy Deveraux s'apprête à monter son cheval. Son mari revient à la charge pour qu'elle se présente aux élections de gouverneur de l'état. Elle lui indique que son engagement pour l'état est derrière elle, et qu'en plus ce n'était qu'un subterfuge élaboré. Il insiste en lui expliquant que, subterfuge ou pas, les superhéros avaient quand même accompli de bonnes choses.

Dix ans après la série initiale, le lecteur est un peu surpris de voir arriver une suite à la première saison, d'autant plus qu'entretemps John Ridley a pris encore plus d'envergure en tant qu'auteur, ayant écrit le scénario du film 12 years a slave (2013) réalisé par Steve McQueen. Il a le plaisir de constater que le scénariste n'a pas perdu la main et qu'il écrit bien en respectant les particularités des comics, et non pas comme pour un film ou pour un roman. En particulier, il ne noie pas le lecteur sous des cartouches de texte trop importants, et il intègre des scènes d'action visuelles. Pour cette deuxième saison, il reprend le récit là où il s'était arrêté. L'environnement social a changé puisque le récit est passé des années 1960 aux années 1970. La parenthèse enchantée de la fin des années 1960 est terminée et les personnages ont pris de l'âge. L'establishment a repris le dessus et le monde de la politique n'a pas beaucoup évolué. La position des afro-américains est toujours aussi peu enviable. Les états du Sud sont toujours aussi conservateurs. le récit s'articule sur 3 superhéros ayant survécu les événements du premier tome. le scénariste a choisi de les montrer sous leur apparence civile, les noms de superhéros appartenant à un passé peu glorieux. Jason Fisher poursuit une carrière de policier aux capacités extraordinaires. Missy Deveraux s'est rangée de la vie publique. Amber Eaton refuse de capituler devant un gouvernement qui l'avait sacrifiée.

Le lecteur a le plaisir de retrouver le même dessinateur que pour la première saison, ce qui participe à la continuité entre les 2 saisons. Les encreurs Karl Story et Ray Snyder ont laissé la place à d'autres. le lecteur observe la légère exagération de l'encrage de Danny Miki, avec des traits plus bruts, et une tendance à tirer les expressions des visages vers une apparence surjouée. John Livesay (qui assure la majeure partie de l'encrage) est plus mesuré et plus fidèle aux crayonnés de Georges Jeanty, pour un effet plus naturaliste. Jeanty réalise des planches dans un registre descriptif, avec une bonne régularité dans la présence des décors. Il en varie le degré de détail en fonction des séquences, parfois un degré élevé (une façade d'immeuble, l'aménagement intérieur du salon des Deveraux, la chambre d'Amber Eaton dans le squat, l'extérieur d'une usine désaffectée), parfois un degré moins élevé (l'appartement où se trouve le gang de Willie Betts, les arrière-plans lors des scènes de dialogue sur une page entière, l'intérieur de l'usine désaffectée, les bois). le lecteur voit à chaque fois où se déroule la scène, avec des dessins plus ou moins focalisés sur l'environnement ou sur les personnages.

Malgré les quelques variations dans le type d'encrage, le lecteur voit que l'artiste met en scène des adultes, plus ou moins âgés, déjà un peu marqués par la vie, et pas des adolescents fougueux. Chaque individu dispose de caractéristiques spécifiques, et Jeanty n'hésite pas à représenter les particularités liées à une origine ethnique, que ce soit pour les afro-américains, ou pour les asiatiques. Il met en oeuvre 2 types de direction d'acteurs : naturaliste pendant les scènes de dialogue ou du quotidien, plus appuyée pour les scènes d'action. Les expressions des visages manquent parfois de nuance, mais les postures relèvent d'un langage corporel plus juste, permettant de se faire une bonne idée de l'état d'esprit du personnage dans la situation considérée. Les scènes d'action mettant en jeu des superpouvoirs ne sont pas si nombreuses, et l'artiste réussit à ne pas reproduire les conventions visuelles des comics de superhéros DC ou Marvel. Il prend soin de montrer les conséquences du déchaînement de superpouvoir sur le corps des êtres humains normaux, pour bien faire ressortir la violence destructrice. de même, il évite de rendre séduisant l'usage des armes à feu pour conserver la dimension physique des blessures.

Comme dans le premier tome, le lecteur voit donc évoluer des individus normaux, à l'exception de 3 d'entre eux : Jason Fisher, Amber Eaton et Samuel. Georges Jeanty essaye de rester dans un rapport encore réaliste dans la manifestation de leurs superpouvoirs, et le scénariste ne s'appesantit pas sur leur origine, soit de type expérience génétique, soit de type mutation génétique. À l'instar de Kurt Busiek dans sa série Astro City, il utilise les superhéros comme un média pour traiter du thème qui l'intéresse. le lecteur retrouve le principe du premier tome : les superhéros évoluent dans une société sur laquelle ils ont un impact, et dont ils sont le fruit. Jason Fisher continue de se battre pour son idée de la justice, mais il ne peut pas échapper au fait que les blancs comme les noirs le considèrent comme représentant les afro-américains. Missy Deveraux s'est retiré des affaires de superhéros, mais le grand public a conservé d'elle l'image d'Ole Missy et elle est également associée aux convictions politiques de son mari. le passé de superhéros d'Amber Eaton l'a marquée de manière indélébile et elle entend bien exposer les agissements du gouvernement.

Le poids du passé pèse sur les 3 personnages principaux, leur imposant leur conduite et leurs convictions. John Ridley fait apparaître les contradictions de ces 3 personnages : Jason Fisher épris de justice mais considéré comme un traître à sa race et appliquant une forme de double pensée (il n'hésite pas à tuer, tout en condamnant ceux qui le font), Missy Deveraux souhaitant se tenir à l'écart de la vie publique mais tout en se voyant offrir une occasion en or d'y retourner de manière honnête (par opposition à ses années de superhéroïne); Amber Eaton utilisant des méthodes terroristes pour condamner les méthodes similaires employées par le gouvernement. le scénariste donne donc de l'épaisseur à ses personnages produits d'un système social découlant de l'Histoire, commentant l'évolution de la société sans tomber dans le prêche. Il se tient également à l'écart des conventions des comics de superhéros, à commencer par celle des équipes. Ici, chaque personnage a à coeur de suivre sa propre voie, en solo. Il n'y a donc pas d'action en équipe.

Au fil des séquences, John Ridley aborde la condition des afro-américains dans la société américaine et le dilemme d''utiliser la violence pour lutter contre un système de société oppressif, ainsi que le poids des traditions en particulier celles des états du Sud. Ce deuxième tome ne se limite pas à pamphlet sur ce thème. L'auteur introduit également un personnage asiatique, ce qui a pour effet d'ouvrir le champ des communautés souffrant de préjudice. L'absence de travail en équipe fait ressortir les limites de l'action individuelle, ainsi que la tentation de la vie dans des communautés ethniques fermées sur elles-mêmes. Les interventions d'individus dotés de superpouvoirs servent de métaphore pour l'engagement de chaque citoyen mettant ses compétences particulières au service du bien commun. le scénariste sait se limiter dans les thèmes abordés pour que son récit ne sombre sous une ambition déraisonnable. En particulier, le lecteur peut noter l'absence de développement sur les intérêts économiques, et sur les lois systémiques du capitalisme. Dans le même temps, Ridley réussit à intégrer d'autres idées de manière naturelle, comme la propension de toute organisation à assurer sa pérennité, en l'occurrence le gouvernement des États-Unis.

Cette deuxième saison s'avère aussi riche que la première, avec des saveurs différentes, tout en poursuivant dans le même axe thématique. Les dessins de Georges Jeanty assurent une narration visuelle claire, en cohérence avec le scénario. John Ridley tire profit de son dispositif narratif (des superhéros) sans être redondant avec d'autres comics du même type, et à développer ses idées sans qu'elles ne dictent l'intrigue de manière artificielle.
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