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Paul Chemla (Traducteur)
EAN : 9791020911230
376 pages
Les liens qui libèrent (19/10/2022)
3.08/5   6 notes
Résumé :
Après l’ère du « progrès », place à l’âge de la résilience. Partant du constat que la Terre a été mise à mal par l’activité humaine au cours des derniers siècles, Jeremy Rifkin, essayiste renommé et auteur de très nombreux livres traduits en plus de 35 langues, invite à repenser la place de l’espèce humaine sur la planète. Dans ce livre, il dessine des manières pour les hommes de renouer des liens avec la nature qui les entoure et leur propre nature. Il appelle à fa... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (1) Ajouter une critique
Inlassablement, Jeremy Rifkin poursuit son travail de publication et tente d'enrichir, au fil des années, son modèle de Troisième révolution industrielle (l'ouvrage éponyme de 2011 - dans son édition anglaise). Après l'avoir complété d'une dimension économique dans « La nouvelle société du coût marginal zéro », il envisage, avec cette nouvelle production, un élargissement de son périmètre (initialement centré sur l'innovation technologique dans le domaine énergétique) vers des aspects plus particulièrement écologiques. Ce faisant, d'une certaine manière, il tente ainsi de répondre à la critique « techniciste » qui lui est généralement adressée.
L'ouvrage est indéniablement intéressant. On retrouve le talent pédagogique de Rifkin. Cet auteur – prospectiviste ? essayiste ? penseur ? probablement un peu tout à la fois – est particulièrement doué pour s'appuyer sur un nombre considérable d'articles, de rapports, de documents divers et fournit alors des raisonnements bien étayés par des statistiques appropriées et des exemples illustratifs. Personnellement, j'ai trouvé l'entrée en matière très stimulante.
Cependant, mon appréciation au départ très favorable s'est progressivement émoussée au fil de la lecture. Si je mets de côté un certain nombre de critiques relativement mineures et me concentre sur l'essentiel, il me semble que le livre manque quelque peu sa cible ou plus précisément laisse se développer un écart entre le titre donné – L'âge de la résilience – et le contenu véritable. En fait, l'auteur traite de nombreuses thématiques – le patrimoine génétique, les relations électromagnétiques, les horloges biologiques, etc. – parfois de manière critique – critique du capitalisme, de l'efficience, de la marchandisation, de l'exploitation de la nature, etc. –, mais, paradoxalement, le sujet de la résilience en tant que tel est assez peu traité. Qu'en est-il du lien entre résilience écologique et résilience économique, du lien entre adaptation et atténuation, des diverses solutions d'adaptation (ou des fausses solutions de « maladaptation »), de la notion de résilience (versus vulnérabilité) appliquée aux territoires, de la place de l'innovation technologique ou du biomimétisme dans les propositions de réponses, des « solutions d'adaptation fondées sur la nature » – prônées notamment par l'UICN –, etc. : ces différents sujets sont peu, voire pas, explorés. Quand il s'agit de passer à la présentation des voies de résolution, l'auteur revient en fait à son modèle canonique (de Troisième révolution industrielle) et on voit mal les raisons pour lesquelles ce qui est proposé justifierait le titre de « modèle de résilience » ; ce qui ne veut pas dire qu'il ne soit pas résilient, mais la démonstration du lien fait grandement défaut.
Au total, donc, une fois le livre refermé, j'éprouve un sentiment assez mitigé.
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Citations et extraits (3) Ajouter une citation
[Horloge biologique et rythme circadien]

Les horloges internes s’ajustent constamment aux signaux circadiens – en particulier les cycles lumière/obscurité et les changements de température chaud/froid. Pour rester en bonne santé, il est essentiel que l’organisme soit capable d’anticiper les transformations de l’environnement extérieur et d’y réagir. Durant la phase d’activité, notamment pendant la recherche d’aliments comestibles ou la chasse, l’organisme doit réagir rapidement, pour fuir comme pour combattre. La digestion, les fonctions du système immunitaire et la régénération ont lieu pendant les cycles de repos et de sommeil : leur programmation et leur déploiement dans le temps sont donc entièrement différents. Et il y a aussi toutes les autres activités internes qui s’ajustent en permanence aux changements de l’environnement extérieur au fil d’un jour circadien, et qui ont besoin d’une gestion temporelle et d’une synchronisation permanentes : le rythme cardiaque, les niveaux hormonaux, etc.

Il existe de nombreuses preuves du lien entre maladies humaines et désynchronisation des horloges biologiques. Pensons, par exemple, à la lumière artificielle. Pendant deux cent mille ans, les humains et les autres êtres vivants n’ont connu que la lumière naturelle, émise directement par le Soleil et indirectement par la réflexion de ses rayons sur la Lune. Aujourd’hui, l’éclairage électrique a créé à toute heure de la nuit un jour artificiel. Il interrompt le sommeil de millions de personnes et perturbe des millions d’autres qui travaillent de nuit.

Des générations entières, qui vivent en milieu urbain densément peuplé et partiellement illuminé vingt-quatre heures sur vingt-quatre, n’ont jamais connu l’univers éclairé par les étoiles et les neuf galaxies visibles à l’œil nu sur un ciel obscur. C’est triste, mais les nouveaux produits attractifs proposés par les voyagistes aux touristes sont des vols vers une poignée de « réserves naturelles de ciel noir » : les rares endroits inhabités sur Terre où ils pourront s’émerveiller de l’univers.

Ces dernières années, de nouvelles études ont montré que la lumière artificielle, la nuit, dérègle nos horloges biologiques en inhibant la sécrétion de mélatonine par la glande pinéale. On soupçonne même que cette inhibition accroît les risques de cancer du sein et de la prostate.

Certaines recherches prouvent que le déficit de l’attention avec ou sans hyperactivité chez l’adulte s’accompagne de troubles du sommeil, qui peuvent aggraver la maladie. Une série de travaux ont montré que les travailleurs de nuit ont tendance à souffrir davantage de cardiopathies, de diabètes, de maladies infectieuses et de cancers. De nombreuses études suggèrent un autre lien tout aussi inquiétant : la perturbation du rythme circadien joue un rôle dans le déclenchement de maladies mentales graves, notamment la schizophrénie et le trouble affectif bipolaire.

[…]

En plus des rythmes circadien, lunaire, tidal (celui des marées) et circannuel, les scientifiques ont découvert des rythmes ultradiens. Ils apparaissent à l’intérieur d’un cycle de vingt-quatre heures et sont de durée variable – par exemple, un battement cardiaque dure moins d’une seconde. Nous savons maintenant que, chez les espèces animales – moins chez les végétales –, des centaines de processus qui maintiennent le modèle dissipatif du corps sont totalement dépendants d’horloges biologiques endogènes opérant dans chaque cellule, toutes synchronisées dans une symphonie élaborée que nous appelons un « être » et que nous devrions appeler, pour être exact, un « devenant ».

David Lloyd, microbiologiste à l’École de biosciences de Cardiff (Royaume-Uni), résume ainsi l’état de nos connaissances scientifiques sur le rôle primordial que jouent nos horloges endogènes : « Un chronométrage interne strict est inhérent au contrôle coordonné de chacune de nos fonctions biochimiques, physiologiques et comportementales, ainsi qu’à nos humeurs et à notre vitalité. »

Les horloges ultradiennes les plus courantes sont les horloges circhorales (proches d’une heure). Le rythme de base activité/repos de notre espèce a été très bien étudié : il est d’à peu près quatre-vingt-dix minutes. Il y a un demi-siècle, un psychologue américain enseignant à l’université de Chicago, Nathaniel Kleitman, a découvert que les êtres humains ont un cycle temporel réglé sur une activité concentrée de cette durée, après quoi s’installe une phase de repos.

Les rythmes ultradiens programment les routines journalières des modèles d’activité de chaque espèce, notamment « en synchronisant des processus compatibles et en empêchant l’activation simultanée de processus incompatibles ; en préparant les systèmes biologiques à répondre à des stimuli tels que la communication de cellule à cellule ; en maintenant l’intégrité et la réactivité des neurones ; en interagissant avec les rythmes circadiens ».

Les rythmes ultradiens orchestrent, entre autres, le profil temporel du cycle ovarien et synchronisent l’activité reproductive avec les changements de l’environnement externe et interne. Ils alertent un organisme de la menace d’un prédateur en augmentant la température du corps et en coordonnant les phases de réaction et de réponse.

Un des rôles les plus importants des horloges biologiques est la synchronisation de toutes les fonctions qui doivent se dérouler sur une période de vingt-quatre heures. L’espace dans une cellule, ou même un organe, est très limité, par exemple. Il faut donc compartimenter les moments dans un « emploi du temps », une programmation temporelle, pour que les activités se déroulent dans le bon ordre et que chacune puisse disposer du temps qui lui est nécessaire. Maximilian Moser, de l’Institut de psychologie de l’université médicale de Graz, insiste sur le rôle central que joue la programmation temporelle dans le maintien des modèles d’activité d’un organisme :

La compartimentation du temps permet à des événements opposés de se produire dans la même unité d’espace : il y a des polarités dans l’univers de notre corps, elles ne peuvent pas advenir simultanément. Systole et diastole, inspiration et expiration, activité et détente, état de veille et sommeil, réduction et oxydation ne peuvent pas s’effectuer […] en même temps au même endroit.

Une cellule en bonne santé reste synchronisée à ses horloges biologiques et à ses processus métaboliques : voilà la leçon. Autrement dit, la cellule respecte l’emploi du temps qui lui est alloué par les horloges ultradiennes et circadiennes pour accomplir chacune de ses fonctions métaboliques. Bref, au niveau de la dynamique interne de chaque organisme, la temporalité est programmée pour chaque fonction sur un cycle circadien de vingt-quatre heures afin d’assurer le bon fonctionnement de l’ensemble.

Nous sommes donc de plus en plus détachés et coupés du rythme circadien du jour et de la nuit, grâce auquel notre espèce a pu sécuriser son modèle d’existence.
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REPENSER L’EXISTENCE : DES OBJETS ET DES STRUCTURES AUX PROCESSUS ET AUX MODÈLES

S’il fallait rendre hommage aux architectes de la révolution numérique et de la théorie de l’information, on penserait d’abord à Norbert Wiener, le père de la cybernétique, et à son contemporain Ludwig von Bertalanffy, le père de la théorie générale des systèmes. Ils ont été les inspirateurs de leurs domaines de recherche respectifs, et ce sont leurs théories qui ont fait entrer l’humanité dans l’âge de l’information et de l’intelligence artificielle, dans les mondes virtuels du cyberespace, et au-delà. Chacun d’eux avait compris, à travers son propre travail, que les vieux postulats de l’humanité sur le temps, l’espace et la nature de l’existence étaient des erreurs tragiques, qui mettaient en danger la survie de notre espèce.
En 1952, Bertalanffy écrit : « Ce que nous appelons structures sont des processus lents et prolongés et ce que nous appelons fonctions sont des processus rapides et de courte durée. » Deux ans plus tard, en 1954, Wiener s’exprime sur un plan plus intime, en s’intéressant à notre espèce, même si, dans son esprit, ses remarques concernent toutes les formes de vie et l’ensemble du monde matériel. Voici les réflexions que lui inspire la vie humaine :

C’est le modèle maintenu par cette homéostasie qui est la pierre de touche de notre identité personnelle. Nos tissus changent à mesure que nous vivons : la nourriture que nous mangeons, l’air que nous respirons deviennent chair de notre chair et os de nos os, et les éléments momentanés de notre chair et de nos os traversent tous les jours notre corps avec nos excrétions. Nous ne sommes que les tourbillons d’un fleuve intarissable. Non substance qui demeure, mais modèles qui se perpétuent.
Bertalanffy, Wiener et d’autres, notamment le chimiste Ilya Prigogine, avec sa théorie des structures dissipatives et de la thermodynamique hors équilibre, et Nicholas Georgescu-Roegen, avec son reconditionnement thermodynamique complémentaire de la théorie et de la pratique économiques, commençaient à reconceptualiser le sens de l’existence dans leurs champs respectifs : ils reconfiguraient notre interprétation du temps et de l’espace, et donnaient ainsi à l’humanité une nouvelle façon de comprendre la nature de la vie et de l’existence.

Leurs découvertes ontologiques doivent beaucoup à la pensée du philosophe iconoclaste Alfred North Whitehead. C’est en qualité de mathématicien que celui-ci publie ses premiers travaux. Il est le coauteur avec Bertrand Russell des Principia mathematica, ensemble de trois volumes sur les fondements des mathématiques ; cet ouvrage de logique formelle devient la bible incontestée de la discipline au XXe siècle. Dans la seconde partie de sa carrière, il se tourne vers la physique et la philosophie. L’œuvre exposant ses principes, Procès et réalité, est publiée en 1929, et elle va influencer de nombreux penseurs de premier ordre en sciences et en philosophie tout au long du XXe siècle.

Whitehead s’en prend à la description atemporelle, sans passage du temps, que donne Isaac Newton de la matière et du mouvement. Elle lui paraît
… fondée sur l’existence d’une matière brute irréductible et présente à travers l’espace en un flux de configurations […]. En soi, un tel matériau est dépourvu de sens, de valeur et de finalité. Il se contente d’agir selon une routine fixe, imposée par des relations externes sans rapport avec la nature de son être.

Whitehead récuse radicalement la vision newtonienne d’une existence faite d’instants « sans durée », « sans référence à aucun autre instant ». Pour lui, « la vitesse à un instant » et « la quantité de mouvement à un instant » sont, disons-le franchement, de pures absurdités. Selon Whitehead, l’idée d’une matière isolée ayant « la propriété d’une localisation simple dans l’espace et le temps » prive « la Nature de signification et de valeur ».

Ce qui agace Whitehead, c’est que la vision dominante dans la communauté scientifique « omet toute discrimination entre les activités fondamentales au sein de la Nature ». L’historien et philosophe R.G. Collingwood, de l’université d’Oxford, souligne que les relations et les rythmes n’existent que « dans une temporalité assez longue pour que le rythme du mouvement s’établisse ». Par exemple, une note de musique n’est rien sans les notes qui la précèdent et qui la suivent.
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En réalité, résilience n'a jamais voulu dire restauration parfaite du statu quo ante : si minime que soit son empreinte, le passage du temps et des événements change toujours les modèles, les processus et les relations dans la nature comme dans la société.
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Videos de Jeremy Rifkin (3) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Jeremy Rifkin
Rifkin's Festival sera-t-il le dernier film de Woody Allen ? Nos deux critiques ne le lui souhaitent pas, tant ce film “carte postale” envoyé depuis San Sebastián, en Espagne, n'arrive pas à les convaincre.
Un jeune réalisateur (Louis Garrel) et son attachée de presse (Gina Gershon) se rendent au festival du film de San Sebastián. le vieux compagnon de cette dernière (Wallace Shawn) se joint à eux, car il soupçonne leur relation de ne pas être que professionnelle.
Boycotté aux États-Unis depuis l'accusation de viol sur sa fille dont il fait l'objet, Woody Allen a du faire appel à des investisseurs européens pour financer son dernier — et probablement ultime — long métrage.
Tourné en 2019, Rifkin's Festival ne sort donc que maintenant dans les salles françaises. le retour de la canicule invitera peut-être les spectateurs à rejoindre le frais des salles obscures climatisées, mais avouons tout de même qu'avec une sortie programmée en plein été, cette comédie semblait destinée à passer inaperçue. Et c'est peut-être un mal pour un bien pour un Woody Allen sur la fin, que nos critiques auraient pourtant bien voulu quitter sur une note beaucoup plus magistrale. Hélas ! Comment peut-on terminer une immense filmographie sur cette histoire au déroulé prévisible, avec une faible mise en scène et des dialogues assez pauvres ?
Espérons que Woody Allen nous offre un ultime retour de flamme d'ici là, pour ne pas finir sur ce vaudeville paresseux !
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