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Critique de Franswader


Un jour, Nicolas Hulot a démissionné de son poste de ministre car un représentant du lobby de la chasse lui avait été imposé à la dernière minute lors d'une réunion à l'Elysée. Ce n'était jamais que la goutte d'eau de trop qui ponctuait une longue humiliation mais l'anecdote en dit suffisamment sur le poids politique des chasseurs en France.
Plus tard, l'ex-ministre préfacera (certes, de manière diplomate) cet ouvrage subversif de Pierre Rigaux.

Pour ce dernier, il n'y a pas de bons ou de mauvais chasseurs, il n'y a que la chasse, une activité qui doit être proscrite sous toutes ses formes. Au-delà de l'indignation morale initiale devant la souffrance issue d'une cruauté inutile, il y a dans ce livre un argumentaire froid et cinglant, présenté systématiquement, qui récuse toutes les justifications habituelles des chasseurs et de leurs partisans.
Or le plus souvent, l'auteur ne fait que décrire la réalité de la chasse actuelle, une pratique bien éloignée des images d'Epinal qu'un esprit indifférent en aurait, et cela suffit pour qu'on en reste abasourdi : les élevages massifs, la souffrance de millions d'animaux morts, blessés, empoisonnés, mutilés, malades. En plus de la nuisance environnementale évidente, en terme de pollution et de perte absurde en biodiversité, c'est aussi et surtout l'ampleur chiffrées des massacres qui surprend et qui peut emporter l'adhésion des plus prudents.

Les chasseurs structurent nos campagnes, ils y font littéralement la loi et intimident ceux qui s'opposent à eux. En dépit de leur impopularité croissante, grâce à plus d'un million de permis octroyés, leur organisation est tellement influente que l'abolition de la chasse ne se fera qu'au prix d'une mobilisation et d'une organisation équivalente des milieux naturalistes. On est loin du compte.

Mais puisque tout ce qui est humain est d'abord une histoire de mots, évitons au moins la langue de bois qui recouvre d'un voile une pratique qui ne peut perdurer que si elle est cachée : "art de vivre", "régulation", "prélèvement" etc. C'est bien de massacres qu'il s'agit. Et d'arrogance sociale, et de sadisme, et d'ignorance crasse. Qu'on ne vienne plus nous parler de la NRA aux Etats-Unis!

Petite réserve cependant, avec un argument non mentionné qui pourrait sans doute être la seule "justification" à la chasse : il y a une barbarie bien plus grande encore que celle de la chasse actuelle, c'est celle des abattoirs et de l'industrie alimentaire. Nous sommes des animaux et par définition, nous avons besoin de détruire de la matière organique pour vivre, c'est un fait. La question spirituelle, philosophique posée à l'être humain n'est plus posée depuis longtemps, sauf de manière larmoyante et superficielle.
Le chasseur qui ramène le lapin qu'il a tué lui-même, pour le manger le dimanche en famille ou entre amis, ou alors le rituel formalisé d'une chasse respectueuse de l'animal, peuvent être éventuellement défendus comme une mise en exergue du "tuer pour vivre" que notre monde veut occulter à tout prix. Mais là aussi, on est loin du compte.
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