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Critiques filtrées sur 5 étoiles  
Il y a des heros litteraires qui incarnent une attitude, une vertu, un travers, le tragique de la vie ou les bonheur qu'elle peut procurer. le heros de ce livre, Tonle Bintarn, incarne une region, la culture, la langue, l'esprit, les modalites de vie qui y regnaient en un temps passe. C'est la region ou est ne, a vecu et est mort l'auteur. le sud des Dolomites, les monts de la Venetie, une region frontaliere longtemps disputee. Et ce livre est son chant d'amour pour sa region et ses gens, un chant ou il se place lui-meme volontiers, utilisant beaucoup de fois le “nous". Il chante sa langue, le “cimbre", un dialecte germanique peut-etre deja eteint. Il chante les vieilles coutumes. Les feux de fin fevrier pour appeler le printemps. “Dans les derniers jours de février les gamins appelèrent le printemps comme on avait toujours fait les les autres années, agitant les cloches des vaches et courant pieds nus dans les prés encore enneigés.” La soupe aux tripes qu'on mange a la foire de la Saint-Matthieu. Les tranches de polenta qu'on chauffe sur la braise. Et les gens. Les bergers aux quelques chevres, les contrebandiers, les mineurs et les “eisenponnars”, cheminots qui travaillent dans tout l'empire austro-hongrois.

Le heros,Tonle, est un paysan qui ne connait pas de frontieres, ou plutot qui ne les accepte pas. Il cultive une toute petite parcelle, qui ne suffit pas pour vivre, alors il se fait, comme nombreux d'autres, contrebandier. Menace de prison, il fuit et passe des annees dans differentes regions de l'empire austro-hongrois, acceptant tout metier, mais revenant toujours pour la Noel et l'hiver dans son village, ou il est force de se cacher. L'amnistie viendra quand il sera deja vieux, alors il se fait berger et ses chevres non plus ne connaitront de frontieres. Mais c'est trop tard, pour lui comme pour son village, comme pour sa region. La guerre eclate, la grande, la premiere grande, et son village est evacue puis completement detruit. Lui ne fuira pas cette fois-ci. Il restera cache dans ses montagnes, d'ou il verra les ruines de sa maison, et ou il mourra, sa vieille pipe a la main, adosse a un olivier echappe au feu. Sa vie aura ete intense, dans les chemins d'une bonne partie de l'Europe et dans son village, ou il aimait humer ce singulier arome de forets, de neige, de vent et d'air pur, que l'auteur, Rigoni Stern, sait si bien transmettre dans sa narration. Comme il excelle a faire surgir le printemps: “La neige, avec les pluies de mars, avait vite fondu et il semblait vraiment que, plus encore que les autres années, l'appel du printemps, avec le son des cloches et les feux sur le Spilleche et sur le Moor, avait réveillé en avance la végétation : dès que la neige s'en fut allée en mille ruisseaux, tous les prés se parèrent de blancs crocus, auxquels les abeilles rendirent aussitôt visite, et à la mi-avril, avec le chant du coq de bruyère, les mélèzes avaient fleuri ; aux premiers jours de mai les hêtres aussi mirent leur parure : un beau vert satiné qui tranchait sur le noir des sapins”.

Mais le plus touchant dans ce livre est son exercice de memoire, son effort a faire revive pour le lecteur les vies de ses ancetres. Et surtout le rejet, qu'il fait sien, de toute frontiere et de ce qu'elle engendre souvent, la guerre, comme quand il rapporte les pensees de Tonle: “Et comme « pour eux » il y avait des frontières à quoi servaient-elles si avec les avions ils pouvaient passer par-dessus ? Et s'il n'y avait pas de frontières dans l'air, pourquoi est-ce qu'il devait y en avoir sur la terre ? Et par ce « pour eux » il entendait tous ceux qui estimaient que les frontières étaient quelque chose de concret ou de sacré ; mais pour lui et pour les gens comme lui – ils n'étaient pas si peu que ça, comme on pourrait le croire, mais bien la majorité des hommes – les frontières n'avaient jamais existé si ce n'est sous forme de douaniers à soudoyer ou de gendarmes à éviter. En somme, si l'air était libre, si l'eau était libre, la terre aussi devait l'être. […] Et si sur les chemins du monde quelqu'un mourait là où il travaillait ce n'était pas comme sur un champ de bataille : on travaillait par besoin, pour sa famille, tandis que sur le champ de bataille, maintenant, on mourait pour rien ; c'est pourquoi, quand arrivait la nouvelle d'une mort, apportée par les carabiniers ou par un employé de la mairie, la douleur se teintait d'amertume et de colère.”

Ce livre est le chant d'un homme qui a connu la guerre et la pleure. Comme il pleure la culture disparue de ses ancetres. Un chant saisissant que le vent des monts de Venetie porte jusqu'a nous, ou que nous soyons, qui que nous soyons. Un livre sublime.
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Italie, Plateau d'Asiago.

Tönle, jeune, est un contrebandier maladroit qui vient d'assommer malencontreusement un carabinier qui le sommait de s'arrêter au passage de la ligne frontalière.
Tönle va donc vivre, plusieurs années durant, en se cachant quand il est de retour, tout le village sait qu'il est là, mais les carabiniers l'ignorent... Un semblant de vie normale s'écrit pour Tönle toujours sur le point de fuir pour se cacher...
Les années passent, les enfants naissent et Tönle reprend régulièrement son bâton pour pérégriner et aller proposer sa force et son courage au delà des frontières et travailler, ramener de quoi faire vivre la famille.
Sa "terre" ne s'arrête pas aux limites des hommes, curieux qu'il est des autres cultures. Possédant plusieurs langues à force de toujours avancer plus loin pour se louer, il peut échanger, rencontrer, apprendre de l'Autre.
Si cette vie s'écrit au rythme des saisons, des éloignements, du retour plein de joie, des retrouvailles et de ce qu'il a à raconter, c'est bien davantage la période de la Première guerre mondiale qui hantera l'esprit du lecteur lorsqu'il aura refermé le livre.

D'une vie difficile mais rythmée, partagée avec ses semblables, voici que la foudre bouleverse tout.

Tönle n'est désormais plus le jeune homme fougueux avide de découvertes mais un berger à l'automne de sa vie, qui de tout, préfère désormais cheminer juste à travers ses montagnes en compagnie de ses brebis et de son chien avec lequel il converse par silences et hochements de tête. Les saisons restent l'horloge de l'existence…
Mais la guerre qui fracasse les hommes, va détruire ses paysages, ses sentiers qu'il connaît par coeur, massacrer ses arbres qu'il vénère.
Toujours poussé par le bruit de la mitraille à réduire le périmètre du pâturage, il s'étiole, se questionne, s'attriste et s'indigne, se révolte pacifiquement. Bien sûr, les années ont passé, certains sont partis d'autres sont morts, encore ces derniers n'ont-ils pas connu l'apocalypse qui frappe ces plateaux italiens. Quand le village doit être abandonné, Tönle reste dans le bois avec ses bêtes, se jugeant transparent, y manifestant à sa manière une forme de résistance placide, un déni de ces heurts entre nations qu'il ne comprend, ni ne cautionne…
Ce n'est que quand il perdra son troupeau et son chien que la guerre aura étendu réellement son ombre sur sa silhouette, le laissant désemparé, silencieux, comme caché au plus profond de lui-même.


Très beau récit qui nous dit et redit l'absurdité des guerres et la douceur du trésor inestimable d'une vie en paix. Magnifique texte qui fait exister l'homme à travers les animaux et les arbres, à travers les saisons et les montagnes, à travers les chemins et les crêtes… Et qu'importe les frontières, tous sont semblables pour travailler ensemble ou s'inventer des existences pas si éloignées, pour juste goûter aux dons de la nature et rester éternellement ébahis de ses largesses.

Par l'entêtement de quelques uns, c'est toute une génération qu'on sacrifie quand le feu prime sur l'olivier, quand le tonnerre parle plus fort que le pipeau…
Tönle, c'est l'incarnation humaniste en harmonie avec la nature de la vérité et de l'innocence sacrifiée sur l'autel des intérêts et du nationalisme.
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Pour évoquer cette « connerie de guerre » que fut le premier conflit mondial, Mario Rigoni Stern nous fait grâce des scènes de bataille et autres preuves sanguinolentes de la violence des combats. Pas de récit des conséquences tragiques pour les combattants, pour leurs proches. Pas d'envolées indignées, pas de sonores dénonciations de l'absurdité de ces tueries de masse. Pas de héros, ni de salauds non plus… Pas de Français, d'Anglais, de Canadiens d'Anzac ni même de « boches »… Des Italiens, des Austro-Hongrois, en revanche. Un front méconnu, pourtant théâtre de violences inouïes, l'altiplano d'Asiago. C'est par le destin de Tönle, modeste berger, que cette page singulière de l'histoire européenne est abordée. Ce sont par des descriptions minutieuses de la vie quotidienne et de la nature dans cette région que les conflits paraissent stupides. Les frontières humaines semblent incongrues face à la belle idée de liberté qui émane de cette contrée montagneuse. Sans que cela ne remette en cause l‘utilité des plaidoyers circonstanciés en faveur de la paix, cette chronique intimiste d'un tout petit bonhomme entraîné malgré lui dans un funeste tourbillon constitue un magnifique monument érigé à la nécessaire concorde universelle, hélas utopique horizon. La silhouette de ce Tönle, humble ombre chaleureuse, éclipse toutes les statues des généraux et constitue un hommage émouvant à toutes les victimes des turpitudes humaines.
Intrigué par la qualité de ce court livre qui devrait ravir autant les férus d'histoire que les amateurs de littérature régionaliste ou encore les fans de nature writing, j'ai constaté que cet auteur était très connu en Italie. Les éditions Gallmeister ont judicieusement choisi de redonner un coup de projecteur sur Mario Rigoni Stern en proposant cette nouvelle traduction. Pour l'instant, le catalogue de cette formidable maison d'édition ne prévoit pas un nouveau titre… Dommage ! Mais si cette « Histoire de Tönle » est un succès, peut-être que d'autres opus suivront… Si vous voyez ce que je veux dire !
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Comme je cherchais un certain livre et que je ne le trouvais pas d'occas', j'ai d'abord jeté mon dévolu sur ce très court texte de Mario Rigoni Stern qu'on m'a vendu comme "une expérience unique de nature writing". Et je suis assez d'accord avec ça.

L'histoire de Tönle, c'est celle d'un homme de la terre épris de liberté, issu d'un autre temps, qui parcourt l'Europe pour subvenir aux besoins de sa famille au gré des saisons, des aléas de l'Histoire, se faisant tantôt berger, tantôt bûcheron, tantôt jardinier ou contrebandier. C'est un récit fascinant sur la liberté, l'existence rude de ces paysans de montagne situés à la limite de l'Italie et de l'empire austro-hongrois, eux dont le patrimoine rural et culturel est amené à disparaître. C'est une ode à la liberté, à l'absence de frontières, aux errances nécessaires qui ramènent toujours l'homme auprès des siens. Jusqu'à ce que la guerre détruise tout.

Stern a un talent indéniable pour illuminer ce texte avec ses mots. Il vibre littéralement à travers la beauté de la nature, des âmes simples, des forêts et des bêtes tout en soulignant l'absurdité des guerres qui n'existent que pour les écraser.

Un grand et beau récit sur les bouleversements du monde face à un homme authentique et courageux qui refuse de se soumettre aux conflits entre nations.

Court mais puissant. Un très grand moment de lecture.
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Mais quelle merveille, ce livre ! Quelle histoire extraordinaire... celle de Tönle, berger du plateau d'Asiago, dans une contrée aux frontières mouvantes qu'on n'appelait pas encore Italie, à l'aube et durant la guerre de 14. L'auteur, dans une langue âpre et rude mais étonnamment extraordinairement évocatrice et imagée, déroule la petite histoire dans la grande. 100 pages qui étreignent le coeur. Magnifique.
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Après avoir lu un certain nombre de livres de cet auteur, je crois que "l'histoire de Tönle" est mon préféré ; le plus "abouti" peut-être aussi parce qu'il s'agit d'un roman alors que la majorité des écrits de Rigoni Stern sont de courtes nouvelles. J'ai trouvé particulièrement émouvant ce récit de la vie d'un berger de l'altipiano, à la frontière entre l'Italie et l'Autriche. L'histoire se déroule à la charnière entre le XIXème et le XXème siècle. Comme beaucoup de jeunes de son village, le héros de l'histoire devient contrebandier. A ses yeux, les frontières ne sont que des lignes artificielles tracées par les puissants au gré de leurs caprices. le jeu de la contrebande ne dure qu'un temps : surpris par les douaniers il se défend et blesse malencontreusement l'un d'eux. Cet incident est lourd de conséquences pour sa vie d'adulte : il ne peut se cacher bien longtemps et, s'il se rend aux autorités, c'est la prison assurée pour un nombre d'années conséquent. Il choisit donc l'exil et va mener une vie plutôt rocambolesque, ne revenant visiter les siens que lorsque la neige garantit une relative sécurité aux proscrits. La mort d'un roi, un parmi d'autres, lui vaudra amnistie. Il rentre au village et s'installe comme berger. Manque de chance, la tourmente de la guerre mondiale se profile à l'horizon. le village est trop proche de la ligne de front entre Italiens et Autrichiens. 1915 : le son du canon remplace les cloches des enfants qui se rassemblent pour appeler le printemps.
Tönle se retrouve à nouveau chassé de son pays natal...
Je vous laisse découvrir la suite ; je vous en ai déjà assez dit. Sachez que cette histoire est belle mais qu'elle est tragiquement réaliste sans jamais basculer dans le pathos. Sachez aussi que l'écriture de Mario Rigoni Stern, magnifiquement préservée par la traduction, coule comme une cuillerée de miel dans la gorge !
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Récit au rythme lent des saisons qui passent et font une vie. Celle de Tönle, contrebandier, colporteur puis berger dans les montagnes entre Italie et Autriche. Très beau texte humaniste qui montre toute l'absurdité des frontières et des guerres (la première guerre en l'occurrence). Un personnage attachant, résistant malgré lui, indépendant et taciturne, philosophe des plaisirs simples de la vie. Un amoureux de nature, des paysages de montagne lentement façonnés par les hommes. Toute sa vie aura été une lutte pour pouvoir y revenir, y rester. La guerre aura tout détruit.
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C'est un récit de vie plein de pudeur, à l'image de nos anciens qui faisaient leurs travaux sans se plaindre, comme soumis mais heureux malgré tout.

C'est un récit plein de beauté, il suffit de lire entre les lignes l'amour qui unit Tönle à sa femme et l'amour qu'il éprouve pour ses enfants, petit enfants, son chien et ses moutons.

C'est un roman simple, qui nous décrit ce qu'a vécu Tönle, ni plus ni moins, sa vie de contrebandier, sa fuite, ses retours, ses différents travaux pour sa famille.

C'est un roman bouleversant également, le courage de Tönle et puis la mort de sa maison, son acceptation. C'est fort, c'est beau c'est triste.

J'ai devant les yeux ce monsieur sur sa montagne avec son chien et ses moutons, j'ai l'image du cerisier et je vais garder ça en t^te précieusement.


Lien : https://loeildesauron1900819..
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Ce roman du terroir est un chant magnifique à la mémoire d'un peuple décimé par la première guerre mondiale : les cimbres qui habitaient au sud des dolomites, les monts de la veneties.  Une région frontalière où les italiens et les autrichiens vont se battre âprement et massacrer à coup de canon le paysage et les villages isolés pendant la première guerre mondiale.
Ce conte est un hymne à la montagne où la vie est rude. Les hommes y sont taiseux et solidaires. Personne ne dénonce Tonle quand les carabiniers le recherchent pour le mettre 4 ans en prison. Chacun pense à lui quand les tranches de polenta chauffent sur la braise et que la fête du village bat son plein.
C'est un récit de montagne qui redonne vie aux traditions perdues : les feux de février pour appeler le printemps, la soupe aux tripes mangée à la foire et même les alouettes calandres au dessus des cultures en terrasse soleilleuses qui annoncent le temps de la contrebande, .
C'est enfin un cri contre l'absurdité et  l'abomination de la guerre. Les frontières sont un argument décisif pour justifier un conflit sanglant. La vie de Tonle en démontre toute la fatuité.
Le texte est d'une rare beauté. L'auteur, célèbre en Italie, écrit des phrases d'une grande poésie sur la beauté de la nature à chaque saison. Un grand bol d'humanité. L'avez-vous lu ?
J'ai la chance de vivre cette semaine en Italie. Cette lecture s'imposait
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Voilà la vie de Tönle, berger du plateau alpin d'Asiago, depuis la naissance du XXème siècle, jusqu'à la fin de la première guerre mondiale qui embrasera cette belle région frontalière, aujourd'hui au Nord de l'Italie.
Mario Rigoni-Stern nous apprend comment on vivait là-bas, de polenta, de fraternité, de travail, de la beauté de la montagne.
La misère pousse ces paysans débonnaires à l'exil, et toujours au retour ; la guerre est bien plus féroce...
Ce roman court et limpide n'use pas d'artifices, chaque phrase est vivante, utile et nécessaire à la suivante, comme un pas qui précède l'autre dans une montée vers un sommet. Un beau sommet, plein de l'amour de l'auteur pour ses frères, l'histoire de son plateau d'Asiago, la vie, les racines.
Un roman magnifique.
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