L'histoire de Mario

Entre deux guerres

Et pour ce qui concerne la poésie, quels sont les auteurs dont vous vous sentez proche ?
Eh bien, j'ai beaucoup lu le poète russe Essenine.Il me plaît beaucoup, parce qu'il est le poète de la campagne qui arrive en ville et perturbe, avec ses scandales, la belle vie à Moscou. C'était un homme qui comprenait les choses, et puis il avait des images sublimes: les bouleaux, la campagne, la vie paysanne ; il parlait aussi du " voyou", qui n'était autre que lui; c'est vraiment un auteur que j'aime.

Le Front russe

Mais comment se fait-il, à votre avis, que les Russes n'aient pas renoncé ? Comment ont-ils pu accepter des pertes humaines aussi considérables ?
On parle de vingt millions de morts...

C'est que...ils étaient habitués à souffrir...Ils avaient supporté les déportations perpétrées par les tsars, ils avaient subi les déportations de la période communiste, et ils avaient surtout vécu l'occupation des nazis.Ils ont une grande capacité à surmonter les malheurs, comme nul autre peuple au monde, parce que la Russie est un vaste cimetière...Des confins de la Pologne jusqu'au fin fond de la Sibérie, la Russie n'est qu'un vaste cimetière.

( p.49)

Le Sergent et la maison Einaudi

Et quel souvenir gardez- vous
d' Emilio Lussu ?
Lussu, lui, était un capitaine, un "roi berger".Lussu était un personnage
extraordinaire, d'une force morale hors du commun. C'était un homme qui vivait comme un moine.Quand j'allais chez lui le soir pour partager le repas, nous prenions une assiette de soupe légère, du pain, du fromage et un verre de vin.Rien de plus, et rien de moins.Nous nous sommes souvent rencontrés, mais il n'a jamais voulu venir sur le Haut- Plateau parce qu'il en avait des souvenirs tragiques.Il disait :" C'est comme si je devais marcher sur les cadavres de mes frères. "

( p.103)

Le sergent et la maison Einaudi

Avec Primo Levi, vous avez partagé une amitié. Quel souvenir avez- vous de lui ?

Nous étions des amis proches.Il venait parfois chez moi, et j'allais parfois chez lui.C'était un homme qui portait tellement de tristesse dans son coeur, et qui essayait de l'apaiser grâce à la science et la poésie...

( p.102)