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Critiques filtrées sur 5 étoiles  
C'est en lisant un ouvrage de Maurice Blanchot que je découvre ce livre de Rilke. Blanchot lui même qualifie ce livre de "mystérieux". En effet, Les Cahiers de Malte Laurids Brigge est un livre étrange. Sous forme de notes (dans un journal intime) il est plutôt un recueil de fragments, parfois de poèmes en prose. On sait tout le travail effectué par l'auteur pour écrire ce livre, et pour nous donner l'impression qu'il s'agit de feuilles trouvées dans un tiroir (un livre sans fin auquel peuvent s'ajouter d'autres feuilles; des feuilles écrites de la main de Malte, comme ces contes interminables des mille et une nuits).

Malte est une voix, une âme, une pensée et une mémoire plus qu'un corps ou un visage. L'une des idées que j'ai beaucoup aimée, celle que l'homme porte sa mort en lui, l'emmène partout et cette idée je l'ai retrouvée lorsque j'ai lu ces vers de Cesare Pavese dans le poème "La mort viendra et elle aura tes yeux" (on trouve cette idée aussi chez Blanchot) :

"Cette mort qui est notre compagne
du matin jusqu'au soir, sans sommeil,"

La deuxième idée que j'ai retrouvée aussi chez maints grands écrivains est celle que le fait d'aimer ou la condition de celui qui aime est la plus belle, la plus importante, peu importe si "l'objet" aimé (pour employer cette expression classique) partage cet amour ou non.

Pour les scènes que j'ai appréciées, je pourrai citer celle des cheveux du lecteurs qui ressemblent à un homme qui vient de se réveiller, et toute la scène à la bibliothèque, la scène où il observe ce fou, la scène d'enfance où il avait peur des fantômes... etc

A mon avis, c'est un livre majeur qu'il faut lire et relire.
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Malte Laurids Brigge, jeune intellectuel aristocrate danois, presque anonyme, sans fortune, aspire à écrire et arrive à Paris, y cherchant salut et inspiration. Notant au fil des jours ses remarques dans un carnet, Malte met à l'épreuve son devenir d'écrivain, sa recherche poétique et sa quête d'identité, tout en tentant de ne pas se diluer complétement dans le chaos urbain de la modernité, attentif à ses failles comme à ses révélations.
Unique entreprise romanesque de Rainer Maria Rilke, cette oeuvre à part, novatrice, follement séduisante, à la frontière du roman et de la méditation poétique, est un ensemble de cahiers où, dans une mutation infinie du sujet et du monde, se mêlent dissections des sens, transfiguration lyrique, géographie urbaine et immersion dans l'histoire de la poésie.

Rilke n'a de cesse de marquer la conscience du lecteur en semant la confusion : le récit discontinu, suite de fragments, côtoie une dissolution du personnage de Malte, tout en superposant à cette diffraction un monde poétique aux formes éblouissantes, ou rien n'est défini ni définitif.
Cette ambivalence génère une tension donnant au texte toute son énergie, opposant un personnage central impuissant, malgré une introspection soutenue, à accomplir sa mutation littéraire, à un roman dont la forme innovante, elle, a réussi toutes les transformations. Rilke saborde ainsi le procédé traditionnel littéraire pour mieux nous parler de modernité.

Véritable hymne composé à la marge des êtres et à la frontière des choses, ce roman moderniste à la forme intimiste se retire au seuil de la modernité pour mieux en expérimenter le sens et les contours perméables. Rilke y diagnostique les moeurs propres au monde moderne urbain (Paris), où les images et les sens se multiplient frénétiquement en signes traitres et artificiels, et interroge la place de l'homme dans ces nouveaux modes d'existence. L'auteur, par le biais de la sensibilité et du regard de Malte, dessine une expérience négative de l'ère moderne et du progrès, où la quête de savoir et d'identité affronte la ville, l'écriture et la mort. Menaçant l'identité, la cité se révèle périlleuse autant pour la sphère intime que pour la singularité et l'unicité de Malte : elle multiplie tout, diffracte tout, quand Malte a tant besoin de se concentrer en un point singulier et transformer cette introspection en expérience d'écriture, écrire étant le seul moyen de combattre spirituellement et physiquement les signes trompeurs de la modernité. Il s'agit donc de conjurer la confrontation avec le réel, source de remise en cause et de tourment, pour se reconstruire par l'écriture : surmonter le fiasco pour le muer en accomplissement.

C'est aussi une quête esthétique transmutée en quête d'un absolu exempt de concept et de définition, niant toute limite, jouant avec l'espace-temps dans un monde subjectivement ré-agencé. Bouleversement de l'ordre du monde, bouleversement du langage, du corps, des espaces, des temporalités : rien n'est permanent, toute frontière est celle de la peur, tout refuge réside dans l'indiscernable.

C'est enfin une quête morale de l'homme moderne (morale dont la consistance est incarnée par l'écriture, vectrice de vérité) oeuvrant à sauver l'âme des démons urbains, puisque pour Malte, et donc pour Rilke, écrire et vivre ne sont qu'un : l'écriture n'est pas artifice moderne mais possibilité d'existence et de continuité dans un modernisme discontinu.
L'auteur nous enjoint donc par le biais de l'écriture à expérimenter par nous-même l'espace moderne et mouvant du monde grâce à l'espace moderne et mouvant de ce roman.

"J'apprends à voir. Je ne sais pas pourquoi, tout pénètre en moi plus profondément, et ne demeure pas où, jusqu'ici, cela prenait toujours fin. J'ai un intérieur que j'ignorais. Tout y va désormais. Je ne sais pas ce qui s'y passe."
Lien : https://tandisquemoiquatrenu..
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Certes, celui qui s'attend à lire un roman sera déçu. Au début du XXe siècle, un jeune noble se souvient de la gloire passée de sa famille, de son château. Nous suivons ses errances quotidiennes à Paris et ses réflexions sur un présent qui le touche et le dépasse à la fois. La prose est magnifique. Chaque partie pourrait se lire séparément et un rien, même un objet ignoré, oublié, devient un enchantement. Rilke met en scène l'une des plus belles poésie du temps, du désenchantement, de la flétrissure de tout ce qui fut, de son château en ruines à ce voisin qu'il entendait derrière le mur de son appartement et dont il a imaginé la vie sans jamais oser le rencontrer.
Lien : http://unityeiden.fr.nf/
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Un quart de siècle sépare ces deux lectures de l'oeuvre de Rainer Maria Rilke, Les Cahiers de Malte Laurids Brigge. À l'époque, au programme de je ne sais plus quelle année de fac, j'avais entamé les premières pages de ce livre avec enthousiasme et puis après une trentaine de pages, survint un blocage. Je crois ne pas avoir achevé sa lecture, ou alors en travers... Sans doute étais-je trop jeune pour un tel ouvrage.
Cette fois, j'ai adhéré à cette oeuvre et l'ai enfin achevée avec 25 ans de retard.
Il est difficile d'en qualifier le genre. Roman, certainement pas. Journal intime plus sûrement. Comme le dit Rilke lui-même dans une lettre, cela ressemble à des feuillets que l'on trouverait dans un tiroir et qui par fragments, évoqueraient les angoisses d'un personnage fictif nommé Malte Laurids Brigge, dont les ressemblances avec Rilke sont évidentes bien qu'il s'en soit défendu. Ce n'est pas tant le personnage qui intéresse le lecteur que la perception de ses angoisses resurgies d'une enfance passée dans un château au bord de la Baltique, résurgences provoquées par la plongée dans le grouillement des rues parisiennes.
La prose poétique de Rilke s'attaque à la mort, à son acceptation, dans un deuxième temps, à l'amour qui traverse la seconde moitié du bouquin pour s'achever sur une parabole de l'enfant prodigue.
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Le thème de la mort prédomine encore dans cette oeuvre avec, en contrepoint, celui de l'amour, qui est posé comme un sentiment authentique lorsqu'il n'est pas satisfait, lorsqu'il est une aspiration sans espoir.
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une bible poétique, un monde d'ou l'on ne ressort pas indemne mais ou l'on revient inlassablement comme un fondamental
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Subtil, étrange, une introspection qui habite le lecteur, par sa profondeur, un regard généreux aussi.
Le Livre audio du texte intégral est sur Audiocité.net, en accès libre et gratuit.

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Ce n'est pas sans une certaine appréhension que j'ai rouvert cette oeuvre fétiche. Les années passées, n'allais-je pas réaliser que je l'avais totalement idéalisée? Mais dés les premières pages, le plaisir est revenu, intact. J'ai ressenti le même émerveillement que lors de ma première lecture.
Lien : http://auguri-corps-et-biens..
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