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Critique de Erik35


NOTES SUR UN POÈTE EN DEVENIR

Rainer Maria Rilke n'a encore que vingt-trois ans lorsqu'il se lance, en cette année 1898, dans la rédaction de ce petit recueil de Notes sur la mélodie du bonheur, mais quel style déjà, quelle profondeur de vue et de sensation, une entrée magistrale dans l'univers si singulier et tellement complexe - mais enthousiasment et saisissant de grâce - de ce grand poète autrichien de langue allemande !

Prenant prétexte - mais c'est un prétexte important pour le jeune écrivain en devenir - d'une réforme fondamentale et indispensable de l'art théâtral de son époque, englué dans un dramatisme réaliste et déclamatoire déjà de plus en plus critiqué par la nouvelle génération d'auteurs dramatiques européens, il s'empare de ses découvertes d'artiste rencontrés en Italie de la période du trecento chez lesquels le fond, l'arrière plan sont les fondations, les bases mêmes de l'oeuvre sur lequel -et sans lequel ne - peuvent prendre forme et vie le premier plan donné à l'oeil du spectateur. Très vite, cependant, le lecteur comprend qu'il s'agit de bien plus que le projet d'une nécessaire réforme artistique auquel l'auteur des futures Élégies de Duino, de la Mélodie de l'amour et de la mort du cornette Christoph Rilke ou des Sonnets à Orphée nous convie. Mais, bien plus largement, et avec un sens absolument inouïe du mot juste, de la phrase tant belle qu'abyssale de profondeur, c'est à une réflexion pleinement OUVERTE sur l'existence que R.M. Rilke nous convie.

Bien qu'encore en pleine formation intime, philosophique, artistique et amoureuse, le jeune homme nous parle de solitude et de communauté, d'art et de condition humaine, de son essence, de beauté du monde et de sens de la destinée, du proche et du lointain, du petit et de l'infini comme s'il avait déjà vécu mille vies, entreprenant de réunir tous ces concepts, tout le foisonnement de ses pensées au sein d'un immense orchestre personnel sur le point de pouvoir nous jouer le chant universel, la grande mélodie du monde, qu'il nomme avec humilité et une simplicité désarmante : la Mélodie des choses.

Rilke estimait lui-même que son oeuvre n'avait véritablement débuté que l'année suivante, en 1899. Pour autant, il ne faut pas toujours croire ni donner foi aux affirmations des poètes ni des écrivains. Ces notes, aussi rapides et courtes soient-elles, sont, à n'en point douter, une introduction émouvante, magnifique, un programme de vie en Poésie, une cartographie superbe préparant ainsi les premiers pas de l'arpenteur des créations lyriques, philosophiques et littéraires à venir de ce poète fondamental.

Précisons au futur lecteur de ce petit et indispensable ouvrage (au coût dérisoirement modique) qu'il est proposé par les excellentes éditions Allia en édition bilingue et dans une très juste traduction de Bernard Poutrat, qui signe un très éclairant notule en fin d'opus.
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