AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
4,13

sur 30 notes
5
5 avis
4
3 avis
3
1 avis
2
0 avis
1
0 avis

Critiques filtrées sur 5 étoiles  
Une île comme unique bouée de sauvetage. Quitter ce continent où se concentrent les dévalorisations les plus dévastatrices, les humiliations et les renoncements qui épuisent l'être.
Après un ultime et puéril acte de rébellion contre le directeur du centre culturel où elle était responsable de la bibliothèque, Inès prend le large. Les coupes budgétaires absurdes, le choix du nivellement culturel, la restructuration imbécile et méprisante d'un lieu de culture et d'échanges, l'ont fait vaciller et sombrer. Comme dans un cocon lumineux elle se blottit au creux de cette île qui garde mémoire de son adolescence.
Entre rumination rageuse et désespérée de ce qu'elle a fui, et réappropriation, pas après pas, jour après jour, de ce qui lui reste, Inès avance insensiblement vers un demain dont elle ignore encore les contours et les couleurs mais qu'elle devine possible même s'il ne lui paraît pas encore abordable. En déplaçant seule un mur de pierres chez le père de son amie Lili, c'est sa vie en cathédrale qu'elle reconstruit. Plus loin. Plus solide.
Une colère incandescente vibre sous les phrases de Raphaëlle Riol pour raconter cette dépossession de soi et le cheminement douloureux mais possible vers la reconquête de sa propre vie. Une révolte tonique face aux traumatismes irrémédiables infligés par ceux pour qui le profit ne peut se mesurer qu'en termes financiers et économiques.
Avec son écriture sensorielle qui capte et traduit aussi finement le moindre frémissement de lumière que l'infime vibration d'une émotion renaissante ou que les pulsions de fureur démunie, l'auteure saisit au plus près, au plus juste, toutes les nuances de la perte ainsi que le mouvement presque imperceptible d'un lent retour au monde. Ce n'est pas un "travail" sur soi qu'elle nous raconte, mais le rejaillissement de la vie par la succession des jours et des évènements d'apparence anodine dont son personnage s'empare sans en avoir toujours conscience et qui lui permettent de tracer un nouveau chemin, à la fois vers le continent et hors le continent. Et c'est envoûtant.
C'est un roman magnétique, qui unit souverainement couleurs et souffrances, lumière et abandons, prostration et ravissement, lucidité et rêverie, minéral et musical. C'est un roman qui déborde d'une énergie tenace. Par le biais de deux superbes personnages féminins, "Le Continent" nous suggère que cette île-matrice n'a pas besoin de situation géographique car elle est ancrée au plus insondable de chaque être humain. C'est probablement là, en ce lieu qui nous est spécifique mais inexploré, que nous apprenons à résister et à rebâtir, sans résignation, sans compromis, sans oubli.

Commenter  J’apprécie          71
À grand fracas, elle a quitté le continent. S'est extirpée tout entière de la fange, dans laquelle elle était engluée. Il était temps pour Inès de débarquer sur l'île, lieu chéri de son enfance, où son corps aujourd'hui respire à nouveau l'air doux et chaud, sent les caresses du soleil du sable de la mer sur sa peau, et se remémore les souvenirs heureux. Elle avait tant besoin de ce retour aux sources, pour réapprendre à vivre. Retrouver des sensations sauvages. Originelles. Cette île comme un refuge. Cette fugue pour laisser éclater sa rage. Loin du centre culturel où elle était bibliothécaire, qui, sous la direction de Monsieur B. n'avait de culture que le nom. L'homme à son arrivée avait tout brisé à la faveur de la communication et du virtuel. Plus de livres, des tablettes tactiles. Plus de films ni d'expos, des concours et des jeux vidéos. Inès s'était révoltée mais en vain. Telle une furie, elle partit en crevant les pneus de la voiture de son supérieur… Hors d'elle, hors du monde du travail. Épuisée physiquement psychiquement, intensément. En exil sur l'île, elle renaîtra peu à peu en construisant littéralement des murs, en faisant remonter à la surface des petites phrases d'auteurs bien-aimés, en retrouvant son amie d'enfance, Lili, qui elle n'a qu'une envie, retourner sur le continent. Lili, c'est l'inverse d'Inès. Elle est restée sur l'île, s'est mariée, a eu deux enfants, ne travaille pas. Elle étouffe auprès d'un mari qu'elle n'aime plus. L'île est devenue une prison. L'une et l'autre vont cheminer ensemble, s'élever, démolir les obstacles, renverser les barrières familiales et en soeurs se bâtir Un nouveau continent – nom de leur librairie, scellant leur liberté retrouvée. Un roman fort et solaire, des femmes en révolte, des paysages sauvages qui font se sentir vivant, et la littérature – le monde de la culture en général – au pouvoir salvateur. Brillant!
Lien : https://lesmotsdelafin.wordp..
Commenter  J’apprécie          72
La résilience est le propre de l'être humain. Après avoir subi un traumatisme, il n'a pas d'alternative que celle de rebondir. Sauf, si le suicide est parfois préféré. Inès est bouleversée par la restructuration de personnel dont elle vient d'être victime. Son patron l'a licenciée de son poste au sein d'une bibliothèque logée dans un centre culturel. Folle de rage, elle s'est vengée en crevant les pneus de la voiture de celui-ci. Hors du monde du travail, elle suit une thérapie et, pour échapper aux miasmes de l'angoisse et se resourcer, elle se refugie sur l'île de son enfance. Pour tenter d'atténuer la rage qui la tenaille, elle sait que les choix ne sont pas multiples. Raphaëlle Riol nous convie à la lecture d'un bouleversant portrait de femme qui, après s'être donné à fond dans son boulot, est mise hors-jeu, éloignée de la sphère qui donnait un sens à son existence. de chapitre en chapitre, on passe de l'hiver au plein été, avec une perspective de nouveautés, de soleil radieux qui trône au milieu du ciel. Peu à peu, la colère fait place à l'apaisement, la violence à la tempérance, les idées sombres transitent vers d'autres impressions qui sourient. D'une certaine manière, on peut parler de renaissance et de récupération des moyens d'action. Inès est décrite sans superlatifs, avec sa fragilité, ses humeurs variables renforcées par un gigantesque sentiment de naufrage et une volonté qui ressuscite lorsque le moral a atteint son fond.
Commenter  J’apprécie          20
Sans jamais juger, l'autrice décrit des gestes impulsifs et violents qui symbolisent la volonté de faire payer pour quelque chose qu'on refuse d'admettre. En ce sens, tout l'aspect reptilien de la jeune femme ressort de ses tripes et l'assimile à un animal blessé prêt à en découdre chèrement, même s'il sait que l'issue lui sera fatale. Outragée et piétinée, elle comprend qu'il faut avancer en pansant les plaies, en se motivant et en tirant un trait sur le passé. Ce livre est un cri qui, doucement, s'apaise avec le temps, qui se libère de sa violence pour retrouver une sérénité espérée et attendue. Belle écriture qui passe par les strates psychologiques de l'héroïne.
Commenter  J’apprécie          20
Tout est tellement vrai ! Passer d'un centre culturel à un centre de "guignols" ( dixit Raphaëlle Riol). Et assister au naufrage de l'essentiel, pour que s'installe le superficiel. de très savoureux passages sur la prise en main de l'établissement culturel par un gestionnaire, et les ravages qu'il entraîne dans son sillon. Elle revient de loin cette chère Inès qui a dû laisser la place aux cons pour ne pas y laisser sa peau. Quelle chance cette renaissance...
Commenter  J’apprécie          00


Lecteurs (71) Voir plus



Quiz Voir plus

Retrouvez le bon adjectif dans le titre - (2 - littérature francophone )

Françoise Sagan : "Le miroir ***"

brisé
fendu
égaré
perdu

20 questions
3659 lecteurs ont répondu
Thèmes : littérature , littérature française , littérature francophoneCréer un quiz sur ce livre

{* *}