Académique, ce petit livre de la collection Repères tente une ambitieuse synthèse en 100 pages de l'histoire des idées féministes et d'une histoire événementielle, économique et sociale du féminisme dans le monde (mais surtout en France). J'ai été sensible aux premiers chapitres: les féministes de la Révolution française , et celles de l'autre révolution, 1848, qui ouvrent le débat jamais clos de l'universalité. Une belle généalogie du présent et des portraits aussi passionnants que brefs, Olympe de Gouges, Constance Pipelet, Flora Tristan, Jeanne Deroin... Le lecteur est invité à laisser libre cours à sa sérendipité. Le septième et dernier chapitre consacré aux années 70-2010 gagnerait à présenter un tableau synoptique des courants. Une absence: la misandrie radicale à la Solanas. Un regret: le point de vue franco-français, alors même que nous avons surtout brillé par nos contresens sur les théories du genre qui ont émergé outre-Atlantique. Le style universitaire, les faits égrénés dans la chronologie rendent parfois pénible la lecture de ce texte nourrissant, dense et dur comme un biscuit de mer.
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Petit bouquin par le format, mais source compacte d'informations, un peu trop "manuel scolaire" sans doute pour certain.e.s.
J'ai regretté qu'on ne parle pas, même en quelques mots, des proto féministes antiques et médièvales. Mais sinon, trés complet, pour un livre de 111pages seulement! (Bon, d'accord, la police de caractére est trés petite...)
J'en recommande la lecture sans hésitations!
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En conflit avec Proudhon, Jeanne Deroin publie une célèbre lettre dans son journal, l'Opinion des Femmes, que cite Michèle Riot-Sarcey. On est en 1849, 150 ans avant Ni Putes ni Soumises.
"Socialiste chrétienne, je dirai comme vous, Monsieur, plutôt ménagères que courtisanes, si je n'avais la certitude qu'un grand nombre de femmes ne deviennent courtisanes que pour échapper à la nécessité d'être ménagères. Pauvres femmes, qui auraient peut-être été préservées de la honte si l'on eût trouvé pour elles un milieu entre la nécessité d'être ménagères ou courtisanes, et qui auraient préféré au droit au ménage, le droit au travail.
A votre dilemme, Monsieur, j'en opposerai un autre qui pour moi est un axiome: esclave et prostituée, ou libre et chaste, pour la femme il n'y a point de milieu. La prostitution est le résultat de l'esclavage des femmes, de l'ignorance et de la misère. Ne comprimez plus l'essor de leurs plus nobles facultés; favorisez le libre développement de leur intelligence; donnez un noble but à leur activité, les faiblesses du coeur et les écarts de l'imagination ne seront plus à craindre.
Vous voulez resserrer les liens de la famille, et vous la divisez : l'homme au forum ou à l'atelier, la femme au foyer domestique. Séparées de leurs époux et de leurs fils, de leur père et de leurs frères, les femmes, comme dans le passé, se consoleront de leur isolement et de leur servitude en rêvant à la patrie céleste, où elles auront le droit de cité, où il n'y aura plus d'inégalités ni de privilèges injustes. Abandonnées par vous à l'influence du confessionnal, elles vous enlaceront d'une chaine mystérieuse, et tous vos efforts vers le progrès seront vains; vous combattrez sans succés pour la liberté, comme ces barons polonais qui refusaient d'affranchir leurs serfs. Vous essayerez inutilement d'établir l'égalité entre les citoyens: la société est fondée sur la famille : si la famille reste fondée sur l'inégalité, la société reprendra toujours son vieux pli, et rentrera, comme vous le dites, dans l'ordre naturel des choses. Depuis l'origine du monde, il y a des esclaves et des maîtres, des opprimés et des tyrans, des privilèges de sexe, de race, de naissance, de caste et de fortune, et il y en aura toujours, tant que vous refuserez de pratiquer la fraternité envers celles que Dieu vous a données pour soeurs et pour compagnes."
Sera-ce plus clair quand nous découvrirons, après l'histoire des femmes, l'histoire des hommes?
Michèle Riot-Sarcey restitue l'histoire du féminisme entendu comme utopie politique et décrit la mise à l'écart des femmes vis-à-vis du pouvoir, de la Révolution française jusqu'au XXème siècle, à travers le développement de discours différentialistes et l'établissement de lois excluantes.
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Conférence issue de l'édition 2000 des Rendez-vous de l'histoire sur le thème "Les utopies, moteurs de l'histoire ?".
© Michèle Riot-Sarcey, 2000.
Voix du générique : Michel Hagnerelle (2006), Michaelle Jean (2016), Michelle Perrot (2002)
https://rdv-histoire.com/
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