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Critique de si-bemol


[Lu dans le cadre d'une Masse critique privilégiée]

Le personnage principal de ce roman, Thomas, est un acteur de seconde zone qui court le cachet, un homme à femmes qui trompe allègrement Céline, sa compagne. Sa vie sentimentale est un naufrage, son couple est en perdition. Sa personnalité, faible, incertaine et lâche, le rend incapable d'assumer des choix qu'il ne fait d'ailleurs pas vraiment. Il n'a jusqu'ici pas accompli grand chose dans sa vie, ne se projette plus dans l'avenir et se définit lui-même comme étant un loser.

Conformément à l'adage qui énonce que lorsque l'élève est prêt, alors survient le maître, il croise “par hasard” une ancienne connaissance, Carmen Arteba, une ex-actrice mexicaine devenue chamane, qui le prend spirituellement en charge et le guide vers la découverte de son moi profond, de ses blessures d'enfance mal cicatrisées et de son véritable chemin de vie.

L'histoire se conclut sur une fin ouverte en forme de probable happy end : notre anti-héros, ayant surmonté ses contradictions intimes et ayant assimilé en quelques semaines un cocktail spirituel sur-vitaminé, est un homme nouveau, désormais ancré dans la vie et ouvert à son destin.

Première oeuvre de fiction d'Arnaud Riou, par ailleurs coach, chamane et conférencier, “Ce soir, la lune était ronde” est un roman initiatique qui conjugue parcours spirituel et développement personnel, dans la lignée de Laurent Gounelle ou de Raphaëlle Giordano. Et, autant le dire tout de suite, je ne l'ai pas aimé.

Je n'ai pas aimé son écriture, son style médiocre et sans recherche, ces phrases qui miment la “profondeur” et l'authenticité spirituelles mais ne font qu'enchaîner les poncifs et les banalités... au point de frôler le ridicule. Un exemple, parmi -hélas- beaucoup d'autres :

“A cette seconde, je perds pied. Les paroles de Carmen me transpercent. Je pourrais l'écouter pendant des heures. Je me sens assoiffé. Je saisis le verre de jus de tomate posé sur le guéridon et le siffle d'un trait. Elle éclate de rire !
- Ce n'est pas à ma source qu'il faut boire, mais à la tienne. La mienne n'étanchera jamais ta soif. Ni la mienne, ni celle de personne d'autre. (...)
Le silence qui suit dure une éternité. Une larme coule de ma paupière. La goutte d'eau salée réchauffe ma joue avant que Carmen ne la récupère délicatement de la pointe de son index. Elle la porte jusqu'à mes lèvres avec une sensualité aussi ingénue que diabolique.
- Tout ce qui vient de ton coeur est béni, et ta source t'irriguera pour peu que tu l'honores.” (p. 32-33)

Je n'ai pas aimé non plus ne jamais être surprise, tant l'histoire qui se déroule au fil des pages est attendue, tant l'intrigue est convenue. Je n'ai pas aimé l'aspect artificiel de cette fiction dont la trame et le récit sont mis de manière trop manifeste au service d'une démonstration purement intellectuelle - avec, pour conséquences, des dialogues maladroits, des personnages caricaturaux et peu convaincants et, encore une fois, une intrigue qui n'en est pas vraiment une et qui manque singulièrement de ressorts romanesques. Et je n’ai pas aimé, enfin, cette restitution qui nous est offerte, avec beaucoup de maladresse, d’un chamanisme de pacotille, factice et outrancier, épicé d’un soupçon de bouddhisme, ni cette “récitation” mécanique et plate, dans une mise en scène malhabile de gourou du dimanche, de textes et de préceptes bien connus de quiconque s’intéresse à la méditation, au silence intérieur, à la notion de “projection” de la sagesse toltèque et au concept de “moment présent” popularisé par Eckhart Tolle.

Quant au personnage principal lui-même, que l'auteur nous présente implicitement comme un exemple de cheminement spirituel... qu'en dire, si ce n'est que cet homme, concentré d'égoïsme, de narcissisme et de lâcheté, de bout en bout antipathique et assez peu crédible, m'a fait penser à ces êtres qui se proclament avec beaucoup de suffisance "en chemin", "connectés" aux forces de l'univers, mais qui, aveugles et sourds à tout ce qui les entourent comme aux souffrances qu'ils infligent, ne sont en fait concentrés que sur eux-mêmes (l'épisode des noces de Thomas avec lui-même est un moment d'anthologie !), à mille lieues de toute vie spirituelle authentique.

N'a pas qui veut, hélas, le souffle et la dimension spirituels d'Henri Gougaud, de Luis Ansa, de Miguel Ruiz ou (dans un autre registre) de Khalil Gibran… et ce roman, bien malgré lui, en apporte une nouvelle fois la preuve.

Merci néanmoins à Babelio et aux éditions Solar qui m'ont permis la découverte de ce livre que, sans eux, je n'aurais probablement pas lu… et que j'aurais abandonné sans remords en cours de route si je ne m'étais pas engagée à en publier la critique.
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