Rendez-vous chez Scylla

C'est dans les décors que se niche la magie de Scylla. Inutile de détailler. Qui n'a pas entendu parler des tableaux, des livres de Scylla ? Qui ignore que sur les murs se trouvent les portraits des écrivains qui, siècle après siècle, ont fréquenté Scylla ? Que dire des étagères où l'on a rassemblé les manuscrits des mêmes ? Amas d'oeuvres originales, fortune de Scylla, valeur inestimable. Même pour un banquier. Mon émotion vient de là. De ces mots qui n'ont pas de prix, de cette richesse inouïe, enfouie dans ces grimoires jaunies dont les pages furent écrites par Voltaire, Rousseau, Diderot, Lamartine, Sand, Hugo, Zola, Breton ... La liste est si longue qu'elle donne le vertige.

Il m'a fallu près de cinquante années pour me réveiller, comprendre la vérité. Aujourd'hui, je sais que plus le passé est enfoui, plus il mine le présent. Il se trouve qu'à mon âge, le présent est le temps favori. J'essaie de le cajoler, je tente de l'amadouer. Je voudrais qu'il dure, car mon futur devient conditionnel. Je suis vieux, mais surtout je suis malade. Biientôt, on apprendra. Avant de mourir, je voudrais vivre.

Enigme, le premier roman de Mathias Scribe, flirtait avec le succès (n'oubliez pas, Paul, la réédition en format de poche)... Danger, mon roman suivant, n'avait pas atteint dix mille exemplaires. Critique assassine. "Le syndrome du second roman ..." Je n'avais pas relevé la nuance inquiétante entre deuxième et second. Deuxième, c'était croire à une suite. Second, c'était un présage, comme la "Seconde Guerre mondiale" ainsi nommée pour mettre un terme à la série.

- Quand déciderez-vous de déterrer à nouveau le passé ?
Maurice répondit :
- Il en est des secrets comme des vins, il faut savoir les conserver. Scylla est le bon endroit pour cacher trésors et mystères. Les livres en sont remplis. Certains ne seront jamais connus. Le vôtre en fait peut-être partie. Rassurez-vous.