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EAN : 9782072732461
64 pages
Gallimard (12/10/2017)
3.17/5   3 notes
Résumé :
Illustré de dessins de Gianni Burattoni, ce recueil de poèmes se révèle comme une suite de variations sur l’alexandrin. Composé de trois mouvements, il s’ouvre sur l’Éloge funèbre de Jean-Louis Martinoty, visite Le pays des ombres puis se termine sur un ensemble inspiré par les Tableaux d’une exposition de Moussorgski.
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Critiques, Analyses et Avis (1) Ajouter une critique
NOSTALGIE DE L'ALEXANDRIN.

Le lecteur cherchant ici une poésie "à la pointe" de la modernité poétique en sera certainement pour ses frais. Jean Ristat a trop l'amour de la versification classique, de son cher Aragon - qu'on ne peut s'empêcher d'entendre à plusieurs reprises - des formes anciennes et bientôt oubliées, n'était sa patience sourde à nous les remémorer, des "Tombeaux", "Éloges funèbres" et autres "Déplorations".

L'éloge funèbre - hommage ? - de Monsieur Martinoty nous plonge dans un monde baroque, celui du théâtre (ce metteur en scène disparu en 2016 était un fidèle re-créateur d'opéras de cette époque), celui du siècle de Louis XIV, un monde d'acteurs, de faussaires volontaires, revendiqués reconnus comme tels, de paris sans cesse renouvelés sur le temps, sur les modes, sur la vie, mais sans doute dans sa phase la plus finale :

«Le voici donc l'homme que la gloire un instant
Caressa de son aile volage au jour
D'hui rendu à la terre où grouille la vermine (...)»

Si le théâtre derrière l'existence semble être la thématique majeure de ce premier moment, c'est encore à un théâtre d'ombre, plus intime et personnel, que Jean Ristat nous convie dans "Le pays des ombres", semblant regretter d'être Hic et Nunc, dans cette contemporanéité malheureuse qu'il décrit ainsi :

«Je suis né au pli du crime Ô la puanteur
Des corps démembrés et sans visage au feu
Du ciel indifférent le bruit bleuté des bombes

Les griffes de la lumière sur la peau»

Dans un monde où, nous explique-t-il, «on a enterré la parole partout». C'est encore le temps de la déploration, des gémissements sans réels pleurs ni angoisse mais qu'une grande vague de nostalgie emporte à chaque vers - toujours ces alexandrins tords et dé-composés, permettant ici et là des doubles, des triples sens qu'une versification plus sage et respectueuse ne permettrait pas :

«(...)
Comme on voit aux jeux de cartes les figures cul
Butées y a-t-il donc maldonne »

Mais qu'on ne s'y trompe pas : le poète ne s'adonne en rien à quelque tentative risible de jeu de mot sans envergure, non ! car l'essentiel est d'amener le lecteur à entendre que rien n'est jamais si solide qu'on le croit, que ce qui semble entamé ici s'achève plus loin, mais s'achève toujours, que rien n'est stable malgré la volonté formelle. Est-ce ce monde où le poète parait se sentir si mal à son aise, si peu "en phase", qui en est cause ?

"Détricoter la nuit" qui achève ce recueil plus spleenétique qu'il y parait de prime abord - les références aux grands siècles baroques cachent à l'oeil distrait ce fond subtil d'un romantisme grisâtre et enrobant - est une proposition de lecture des Tableaux d'une exposition du russe Modest Moussorgski. Si le mélancolique s'y trouve toujours présent, la verve poétique, une certaine fraîcheur que renouvelle la visite et le parcours musical qui, suppose-t-on, accompagnent l'écriture, apporte son lot d'images d'une resplendissante spontanéité un instant retrouvée :

«un jour un jour me
Disais-je j'irai jusqu'à la mer où les
Grands fleuves s'abouchent au ciel avec les oiseaux
Rieurs
(...)»

Faussement classique, la poésie de Jean Ristat semble vouloir éviter ce monde-ci qu'il fuit depuis toujours, mais que rattrape parfois une mise en mot plus vive et brève qu'il faudrait pour y échapper tout à fait. "Ô vous qui dormez dans les étoiles enchaînés" laisse un léger goût de sel et de larmes sèches dans la gorge de qui découvre ce temps suspendu, au seuil de abattement, jusqu'à la suivante imperturbable seconde, assurant sans fin sa propre soif de tristesse. Inexorable.

Pour mémoire, Jean-Louis Martinoty était un metteur en scène et écrivain français, né le 20 janvier 1946 à Étampes et mort le 27 janvier 2016 à Neuilly-sur-Seine. Remarqué pour ses mises en scène d'opéras baroques à partir des années 19802, il fut également administrateur général de l'Opéra de Paris de 1986 à 1989. [Source : Poezibao]
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Citations et extraits (7) Voir plus Ajouter une citation
Comment en pleine course encore cet effréné
Désir de vivre rendu à la
Nuit immobile et lourde ah je n'accuserai
Ni les dieux ni les hommes je n'ai rien à dire
Que les larmes et sur la tête du dormeur l'ogre
A posé sa patte griffue comme un rêve d'éternité
Nul n'échappe à la froide nécessité
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14

Je suis né au pli du crime dans l'antre deux
Mort morsure de l'homme et de la femme à découdre
Dans le déni du temps les lèvres muettes dunes
Phrases où s'abîment les mots de l'amour sonnent
La mise à mort dans l'étranglure des peaux gicle
Le sang hors du lit les amants aux voiles
Déchirées Ô la prose du désir
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C’était la saison où fleurissent les tilleuls
Les jeunes filles couraient avec le soleil
Une baguette de coudrier à la main
Et sur les chemins terreux les garçons montés
Sur des chevaux de bois rêvaient de l’égypte et
De ses pyramides le soir ils portaient des
Bas rouges les genoux couronnés d’épines pré
Lats sans autre cathédrale que la ramée
Des grands arbres où veillent les tourterelles loin
Du ciel où les dieux s’ennuient et meurent oubliés
La comtesse de ségur comme une abeille aux
Tuileries de fleurs en fleurs tu parlais si bien
Le français
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Sonnent les sept heures au petit matin gris et
Bas de janvier lorsqu’endormi il repose dans
Une débauche de lumière sur la table
Déjà comme un gisant nu offert aux couteaux
Et aux ciseaux à découdre ce que nature
Soigneusement au fil des saisons avait cousu
À découper les chairs et scier la cage où
Le cœur se cache comme un oiseau affolé
Les bras grands ouverts le voici offert viande
De boucherie et dans l’écartement des membres
Disjoints
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Éloge funèbre de Monsieur Martinoty


I

Te voici donc monsieur emporté sous nos yeux
Par l'armée des ombres en un éclair qui s'enflamme
Et passe avant de rendre à la nuit sa guenille
Te voici théâtre Ô théâtre de la mort
Avec ton cortège de figurants sourds et
Muets l'orchestre des oiseaux soudain s'est tu
L'acteur a oublié son texte le souffleur
Quitté sa cave il n'y aura pas de reprise
D'où vient-il
Le vent enfourné dans ta bouche comme un poing
Et ton corps livré aux chiens masqués des ténèbres
Maintenant
Te voici empire du silence
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Video de Jean Ristat (2) Voir plusAjouter une vidéo
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