Le Grogneux

Grâce à elle, je n'étais plus seul et désespéré. Je me surprenais même à ne plus grogner comme avant ou si je le faisais, c'était avec une infinie tendresse.

"Tu vois, la triste routine continue, que tu sois là ou pas. Une nouvelle vie t'attend. Personne n'est indispensable."

Julie était une petite femme menue, elle avait des cheveux blonds et une poitrine de gamine prépubère. Cependant son visage présentait des traits mal dégrossis. Pas assez féminine à mon goût. Mais on ne demande pas à Calamity Jane de concourir pour Miss Univers. Ma collègue était une excellente collaboratrice depuis six ans, douée pour enquêter sur le terrain et toujours disponible. Elle restait calme et souriante en toutes circonstances. Comme une reine de beauté finalement... J'aimais travailler avec elle et lui déléguer pas mal de responsabilités. Elle était plus efficace que bien des hommes.

Une chaussure à talon haut était bien abandonnée sur le trottoir. Je la saisis délicatement avec le bout d'un stylo que je gardais toujours dans la poche de ma veste. Elle était bleue et légèrement éraflée sur le côté, avec une tache brune suspecte sur le dessus. Je la plaçai immédiatement dans un sac plastique transparent dont tout fin limier ne se sépare jamais.

Je fis une inspection soigneuse des alentours à la recherche d'un indice éventuel. Mais rien ne me sauta aux yeux. La bâtisse qui donnait sur le trottoir était abandonnée depuis des années. Les volets de bois défraîchis étaient clos et la porte légèrement entrebâillée.