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sur 138 notes
Racisme, violence, esclavage, idéal religieux, mysticisme, tout est bon pour asservir un peu plus le peuple tout en le faisant travailler dur. Matilda, cet immense vaisseau spatial qui a fui le désastre sur notre planète, il y a un millier d'années, fonce vers une destination hypothétique tout en assurant son fonctionnement et son approvisionnement grâce au travail des hommes et des femmes maintenus en infériorité.

C'est grâce aux Explorateurs de l'imaginaire de Lecteurs.com et aux éditions Aux Forges de Vulcain que j'ai pu lire et sentir mon coeur palpiter avec L'incivilité des fantômes, un roman de science-fiction qui a de bonnes résonances avec ce que vit notre monde aujourd'hui. Rivers Solomon, pour son premier roman, réussit une belle performance et c'est bien qu'elle ait été éditée rapidement en français dans un livre très agréable à prendre en mains, grâce à ses deux rabats cartonnés. C'est un bel objet avec une couverture aux visages bien énigmatiques.
Aster, une jeune femme, fait partie des Bas-Pontiens, ceux qui sont cantonnés dans les bas-fonds de Matilda. Elle ne se laisse pas faire, soigne, guérit, aide les autres, découvre de nouveaux médicaments dans son botanarium, grâce à ses plantes. Elle a un ami précieux, Theo, le Général-Chirurgien. Ils s'aiment mais n'en ont pas le droit même si Theo l'emploie comme assistante.
Giselle, l'amie d'enfance d'Aster, a tellement subi de violences qu'elle frise la folie mais révèle une intelligence précieuse qui aide Aster à retrouver les traces de Lune, sa mère, qu'on dit morte à sa naissance.
Ce passionnant roman de science-fiction m'a fait vivre des moments intenses et souvent frémir devant la violence omniprésente des gardes toujours prêts à cogner, à violer. Aster et Giselle n'hésitent pas à les défier et en subissent de terribles conséquences.
Malgré tout ce qui se passe, les drames, les privations et cette espèce de dictateur sanguinaire, nommé Lieutenant, qui arrive au pouvoir, ma lecture a été sous-tendue par un espoir ténu, souvent mis en péril et… je n'en dirai pas plus.

Je n'oublie pas de saluer le traducteur, Francis Guévremont, qui a réussi une belle performance en trouvant des mots incroyables pour désigner, en français, une quantité d'appareils, de produits comme l'eidolon, le siluminium ou encore transcurviogétique, physiomatique ou aviotologiste mais Aster est alchimiticienne. Bref, des mots que nous ne connaissons pas encore…
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Bas-Pontiens, Mi-Pontiens, et Hauts-Pontiens : des humains rassemblés dans un bateau à ponts multiples, un immense vaisseau de milliers de personnes dérivant dans le cosmos, prétendument en quête d'une nouvelle terre à habiter. Errants dans une même galère, mais à échelons très différents puisque une ségrégation drastique règne : les Hauts-Pontiens sont les maîtres à bord , les Bas- Pontiens, à la peau noire « les Goudrons », réduits à l'esclavage. Les Hauts-Pontiens occupent les ponts supérieurs du vaisseau, les Bas-Pontiens sont en partie inférieure. 26 ponts en tout, 26 strates de « A à Z », chaque strate étant elle même divisée en quartiers dont les noms commencent par la lettre de leur strate : le pont « E » par exemple est constitué de différents quartiers comme ceux de l'Echo, de l'Etoile, ou de l'Emeraude, intitulés qui sonnent comme des bribes d'éléments d'un monde disparu pour les nouvelles générations peuplant un vaisseau en errance depuis plus de trois siècles.
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Une gigantesque machine possédant également des ponts agricoles portés par de puissants engrenages qui leur permettent de jouir tour à tour du « Petit-soleil » pour faire pousser les récoltes.
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J'ai été fascinée par la description de ce vaisseau colossal, sorte de microcosme hélas totalement représentatif du mélange d'inventivité et de cruauté de la nature humaine. Aster, notre héroïne nous parle ainsi de son monde, de ce vaisseau « Le Matilda », p 290 « Elle toucha le métal du doigt. C'était froid. Matilda avait peut-être été une femme, autrefois. Une géante même. Elle était peut-être morte de froid, dans le grand vide de l'espace, et ils avaient creusé un trou à l'intérieur de son cadavre, qu'ils avaient ensuite rempli de toutes sortes de trucs, et c'était peut-être pour cette raison qu'elle était si froide. Une femme géante, évidée, seule dans le vide céleste, et en elle de minuscules colons, toujours en train de jacasser. »
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Souvent dans les dystopies, le ressort narratif est le même : Un événement fait que le narrateur pose un regard de moins en moins naïf sur les rouages du monde qui l'entoure. Il découvre et critique ce monde en même temps que le lecteur, qui est prit par la main dans cette satire d'un monde qui ne fait que ressembler au sien pour mieux mettre en évidence ses travers. Rivers Solomon se distingue nettement de ce schéma éculé, et donne ainsi du dynamisme à son récit : Aster ne prend personne par la main, on découvre le monde dans lequel elle évolue de façon très directe et crue, et on en comprend les subtilités –ou pas- sans qu'elle nous mâche le travail. Elle en connaît déjà tous les rouages, les injustices, la cruauté, les enjeux, à nous de nous accrocher à son sillon. Une héroïne puissante, dont j'ai apprécié la compagnie, les émotions, la nature, de petites choses parfois, qui m'ont parlé (p25, une femme s'adresse à Aster :) « vous êtes une de des personnes qui doivent oublier le monde entier, reprit-elle. Vous ne pouvez faire qu'une chose à la fois. Nous, par ici, on a un mot pour ça, pour les femmes comme vous. Intyéfa. La femme intérieure. Vous vivez dans votre tête, et quand vous en sortez, ça fait mal, comme si on vous donnait des coups de bâton ».
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Les personnages de l'auteurice sont à la fois puissants et fragiles, du fait de leur singulier rapport à la norme qui les laisse en marge de l'ensemble de la collectivité : Giselle et ses « coups de folie », Aster et Théo malgré des organes reproducteurs définis par la nature, ne se reconnaissent pas en tant qu'  « homme » ou « femme » tels que la société le définit. Leurs interactions sont exprimées avec subtilité et émotion. La question de l'identité est traitée sans poncifs, et en effet, « qu'est ce que l'identité d'une personne, sinon un complexe ensemble de mimétismes ? » (p310)
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Décor soigné pour des interrogations humaines et universelles. Quant à l'intrigue, elle m'a captivée : L'incivilité des fantômes qui peuplent le vaisseau des ponts les plus inférieurs, âmes entassées au fur et à mesure des générations, gagnera-t-elle Aster ? Sera-t –elle assez forte pour se faire enfin entendre ? Où et comment se nourrir d'une lueur d'espoir dans un monde aussi clôt, étouffant et impitoyable que celui où elle évolue ?
J'ai été en tout point séduite par l'aura de ce roman comme par quelqu'un qui nous apparaît charismatique tout en restant énigmatique. Où est-ce parce qu'il reste énigmatique qu'il est attirant ?
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Rivers Solomon est un auteur montant sur la scène de l'imaginaire car doté d'une voix singulière et d'une patte d'ores et déjà clairement identifiable. D'oeuvre en oeuvre, il interroge les mécanismes du racisme et son ancrage dans la société tout en accordant une grande importance à l'histoire des noirs aux États-Unis, mettant impitoyablement en lumière les traces indélébiles laissées par l'esclavage et la ségrégation. de lui, j'ai déjà eu l'occasion de découvrir « Les abysses », un roman consacré à une espèce de sirènes nées d'esclaves enceintes jetées par dessus bord par les navires négriers et qui m'avait laissée un sentiment très mitigé, ainsi que « Sorrowland », un texte mettant en scène une jeune femme fuyant une secte avec ses deux enfants et qui m'avait bien plus enthousiasmée. Il fallait donc un troisième ouvrage pour trancher, et « L'incivilité des fantômes » fait incontestablement pencher la balance du bon côté. Premier roman de l'auteur, le récit appartient au registre de la science-fiction puisqu'il se situe dans un futur dans lequel la Terre, devenue inhabitable, a été désertée de ses habitants. Embarqués dans un vaisseau-monde, ces derniers errent depuis dans l'espace en quête d'une nouvelle planète et ont instauré à bord une nouvelle hiérarchie sociale particulièrement stricte. Les individus y sont divisés en castes qui dépendent du niveau dans lequel ils sont nés (les ponts sont désignés par une lettre, le A correspondant au plus élevé d'entre eux) : la classe dominante a ainsi élu résidence dans les ponts supérieurs où il fait bon vivre puisqu'ils sont dotés des plus belles infrastructures, tandis que, au fur à mesure que l'alphabet se poursuit, les conditions de vie dans les ponts inférieurs se font de plus en plus misérables. Aster, elle, habite sur le pont Q et est forcée de travailler à la récolte dans les champs artificiels du vaisseau. Sa couleur de peau et celle de ses soeurs d'infortune n'est évidemment pas pour rien à la place qu'elle occupe dans cette société profondément raciste et violente. L'un de ses rares plaisir réside dans ses interactions avec le Chirurgien, l'une des personnes les plus influentes du vaisseau et qui a accepté de lui apprendre la médecine. Déjà peu reluisant, le quotidien de la jeune femme est cela dit en passe d'empirer alors qu'un autre homme puissant qui l'a visiblement dans le collimateur semble décidé à lui faire définitivement courber l'échine.

Le roman frappe par la violence à la fois réelle et symbolique qu'il met en scène. La couleur de peau de l'héroïne et de son entourage, tout comme les conditions de vie cruelles qu'on leur impose, incitent immédiatement le lecteur à établir un parallèle avec l'esclavage dont on retrouve ici les principaux mécanismes. Les personnages y sont privés de leur liberté puisqu'ils n'ont pas le droit de quitter le pont qui est le leur sans le laisser-passer adéquat ; ils se voient imposer un travail qu'ils n'ont pas choisi et auquel ils ne peuvent se soustraire ; ils doivent endurer la brutalité de gardes tout puissants ; et surtout leur vie est considérée comme négligeable en raison de la « sous-race » à laquelle ils appartiendraient. La contrainte physique y est évidemment couramment exercée, ce qui donne lieu à des scènes difficiles, mais le pire reste sans doute la violence tellement abjecte qu'elle ne peut être mentionnée directement. Aucune scène de viol n'est ainsi décrite dans le roman, et pourtant l'héroïne y fait de nombreuses allusions à demi-mots. Allusions qui nous permettent de comprendre qu'elle a déjà vécu ce traumatisme dans sa chair dès l'enfance, et que c'est également le cas de toutes les femmes qui vivent à ses côtés. Cette dépossession du corps occupe une place centrale dans le roman puisqu'il cause des dégâts irrémédiables chez certains personnages, obligés de vivre et de se construire avec le souvenir du traumatisme, mais aussi avec la conscience aiguë qu'il peut leur être de nouveau imposé à n'importe quel moment. C'est le cas évidemment d'Aster qui possède un caractère atypique, en partie forgé par les épreuves endurées depuis le plus jeune âge, et dont le métier de médecin nous permet de rentrer dans l'intimité des habitants du vaisseau. L'auteur nous donne ainsi à voir des victimes des conditions de vie déplorables qui règnent dans les ponts inférieurs, mais aussi des femmes devant affronter une grossesse non consentie, ou encore d'autres qui voient leur santé ravagée par le travail qu'on leur impose (les résidentes du pont Y sont en effet exposées aux radiations émises par le « petit soleil » qui alimente le vaisseau en énergie). Chaque consultation effectuée par l'héroïne se révèle ainsi fascinante car elle permet chaque fois de mettre en lumière un aspect différent de la vie sur le vaisseau, tout en donnant une voix et un visage et toutes celles et ceux considérés comme de la main d'oeuvre servile par la classe dominante.

Le racisme, son fonctionnement et les drames qu'il entraîne, figure donc cette fois encore au coeur de la réflexion de l'auteur, mais il serait erroné de croire que le roman se limite à cela. Ce dernier repose en effet également sur une intrigue solide et bien rythmée qui nous réserve un bon nombre de surprises. En parallèle du quotidien d'Aster et de sa lutte pour se défaire de la surveillance de son puissant ennemi, on suit en effet la quête qu'elle livre pour déchiffrer les journaux intimes laissés par sa mère qu'elle n'a jamais connu, cette dernière s'étant officiellement suicidée le jour de sa naissance. Ces journaux constituent en effet la clé pour comprendre les raisons pour lesquels le vaisseau connaît des pannes de courant intermittentes venant dégrader encore plus les conditions de vie des ponts inférieurs, et pourraient même expliquer l'origine de la curieuse maladie qui s'est emparée du souverain du vaisseau. On suit avec le plus grand intérêt chacun des fils narratifs tissés par l'auteur, éprouvant autant de plaisir à voir l'héroïne décoder les messages laissés par sa mère qu'à assister à ses consultations ou à ses échanges avec le Chirurgiens, ou encore à tenter de protéger les personnes qui lui sont chères de la violence des gardes et du pouvoir. L'intérêt que l'on porte à l'histoire vient aussi directement de la personnalité d'Aster, une héroïne peu ordinaire qui paraît souffrir de ce qui s'apparenterait aujourd'hui à des troubles autistiques, la jeune femme peinant à saisir le sens non littéral des échanges qu'elle peut avoir avec les autres et manifestant certains tocs dont elle a besoin pour fonctionner.

L'étrangeté du personnage contribue à la rendre particulièrement attachante, et ce d'autant plus que cette différence engendre souvent des comportements inattendus, sources d'humour, d'admiration ou d'effroi (c'est selon) pour le lecteur. La jeune femme éprouve en effet des difficultés à se monter docile ou polie et, quand bien même elle connaît les conséquences de ses actes, elle éprouve ainsi régulièrement le besoin de réaffirmer son droit à se déplacer ou à disposer de son corps comme elle le souhaite. Ces petits moments de révoltes font naître un sentiment d'exultation puissant chez le lecteur, ce qui permet de mesurer le degré d'intensité de l'immersion que nous offre ici River Solomon. Les autres personnages sont tous aussi ambivalents et, bien que plus ou moins présents en fonction de l'évolution de l'intrigue, ils possèdent tous une humanité et une profondeur qui les rend touchants. Cette complexité qui est la leur se manifeste notamment par le biais de chapitres au cours desquels ils deviennent brièvement eux-mêmes narrateurs et narratrices (quand le reste du récit est relaté à la troisième personne). Parmi eux, on peut mentionner Gisèle, l'amie d'enfance d'Aster, complètement détruite par les viols et les violences répétées et ayant adopté un comportement destructeur imprévisible, ou encore le Chirurgien, personnage dans un premier temps difficile à cerner car impossible à ranger dans les quelques cases étroites établies par le régime en place. Ce personnage en particulier, tout comme celui d'Aster, permet à l'auteur d'aborder la question de la différence et du décalage que peuvent ressentir certains individus par rapport à la place qu'on leur a attribué dans la société. Là encore le lecteur fait aisément le parallèle avec des sujets d'actualité tels que les ravages de l'homophobie ou de la transphobie. La position de l'auteur en ce qui concerne les genres est d'ailleurs assez singulière dans le roman puisqu'il présente comme une coutume propre à certains ponts de genrer tous les individus qui naissent au féminin, sauf s'ils éprouvent ensuite le besoin de changer. On a ainsi souvent l'impression que les ponts inférieurs ne sont peuplés que de femmes qui se retrouvent par conséquent totalement désinvisibilisées par le procédé.

Rivers Solomon signe avec « L'incivilité des fantôme » un premier roman coup-de-poing consacré à un vaisseau-monde errant dans l'espace et à une jeune femme tentant tant bien que mal se survivre au sein d'une société raciste et d'une violence inouïe. L'ouvrage séduit aussi bien par la qualité de l'aventure mise en scène que par celle de la réflexion menée par l'auteur concernant les mécanismes du racisme et ses effets destructeurs sur le très long terme. le roman est de plus porté par une héroïne inoubliable au profil original, ainsi que par une galerie de personnages complexes et touchants. A lire absolument.
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Rivers Solomon se définit comme transgenre et utilise le pronom them/ils pour se désigner, ce qui sera donc utiliser dans cette critique
À l'exercice du premier roman, Rivers Solomon se lance dans une aventure spatiale où ils croise de façon savoureuse Twelve Years a Slave et le Transperceneige. Auteur noir et transgenre, Solomon jette son dévolu sur une science-fiction humaniste et engagée qui utilise le prisme d'une science-fiction pauci-technologique pour parler de ségrégation, d'esclavage, d'intolérance et de genres.
Particulièrement remarqué lors de sa sortie aux États-Unis, L'incivilité des fantômes intègre l'excellent catalogue des éditions Aux Forge de Vulcain.
Un premier roman qui risque de faire parler de lui en cette rentrée littéraire 2019.

Le Transpercétoiles
Sur le Matilda, immense vaisseau spatial divisé en ponts (de A à Z), une partie de l'humanité a embarqué pour survivre à un cataclysme que l'on devine à travers les légendes et les mythes entretenus par les humains vivants à son bord.
À la recherche de la Terre Promise, la population du Matilda s'est divisée en deux : dans les ponts supérieurs, les haut-pontiens sont des riches blancs vivant dans un confort et un luxe que sont loin de connaître les habitants des ponts inférieurs. Les bas-pontiens, des hommes et femmes noirs, vivent comme des esclaves, entretiennent les champs des ponts agricoles, respectent un couvre-feu sévère imposé par la Souveraineté et endurent les sévices et viols réguliers des hommes de la Garde.
Parmi ces malheureux, Aster, une personne transgenre dont l'identité sexuelle n'est pas fixé, hysterectomisée et mis au ban de la société à la fois pour sa couleur de peau et pour l'inadéquation entre ses organes sexuels et ses caractères sexuels secondaires. Obsédée par le passé (et notamment par le suicide de sa mère, Lune), Aster est également une personne qui ne comprend pas le second degré et qui se calque sur des rituels et des habitudes particulièrement rigides. Autiste de haut niveau (probablement Asperger même si rien n'est dit clairement à ce sujet) mais également médecin des ponts inférieurs, elle entretient des relations particulièrement complexes avec les autres personnages du récit : Théo, chirurgien métisse et homosexuel des ponts supérieurs à la fois révéré et détesté, Giselle, compagnon de chambrée psychotique et amie-ennemie d'Aster et enfin Mélusine, nourrice et mère du substitution pour Aster.
Avec ces quatre personnages, le lecteur endosse donc le fardeau du dominé face à des blancs cisgenres esclavagistes et ultra-religieux.
Car au fil du temps s'est créé une religion bâtarde sur le Matilda où la notion de péché a, bien évidemment, été défini par des blancs puritains à l'encontre d'une population noire maintenue dans le froid, l'ignorance et le désespoir.
Malgré tout, Aster tente à la fois de reconstituer les pièces de son passé (et de découvrir le secret entourant la mort de sa mère et les mystérieuses coupures de courant qui paralysent le vaisseau) mais également de veiller sur les siens, régulièrement passés à tabac, violés et méprisés.

Définir son identité
Chose particulièrement difficile mais brillamment négociée par Solomon, l'abord de la transsexualité et, plus généralement, du transgenre ne vient jamais étouffer l'histoire elle-même en parvenant à fondre les personnages dans la masse au lieu d'en faire des exceptions lourdement soulignées.
À aucun moment Theo ou Aster ne sont vus comme en dehors de la norme, ils sont juste des habitants naturels d'une population de dominés qui sévit les brimades et les règles religieuses/sociales d'une caste de dominants dénués de pitié et d'humanité.
Le message sur la tolérance, subtil et particulièrement poignant, accompagne ici une démarche de libération d'un carcan de genre qui fausse les relations entre les passagers du vaisseau, encore davantage que leur simple statut social. L'amour entre Aster et Théo, surtout intellectuel de prime abord, renvoie parfois au fabuleux roman de Francis Berthelot, Rivage des Intouchables, et offre une nouvelle fois un plaidoyer pour le droit à la différence.
Pour combler cette incertitude, Aster s'investit dans une autre quête identitaire, celle de son propre passé. Confrontée aux mythes d'un vaisseau dont les habitants ont quasiment tout oublié du passé et où la technologie n'a ouvert la porte qu'à une régression morale écoeurante, Aster décode les journaux de sa mère et reconstruit patiemment une assise historique à sa propre histoire personnelle. Régulièrement entrecoupée par des allégories et des contes, le récit nous parle finalement de la constance de l'esclavage et de la domination. Peu importe le lieu ou le temps.

Libérer son peuple
Éminemment politique (notamment à l'heure où Donald Trump qualifie la communauté noire américaine d'infection), L'incivilité des fantômes convoque de façon franche et assumée les spectres de l'esclavage et des plantations négrières avec ses contremaîtres, ses coups de fouet et ses brimades journalières. Si notre héroïne ne veut pas volontairement faire la révolution et renverser un système horriblement totalitaire, le lecteur se rend vite compte qu'une telle ségrégation ne peut que conduire au désastre et devra forcément se terminer dans le sang.
En retrouvant les pièces d'un passé pour le moins brumeux, Aster va réveiller la voix des fantômes et donner corps aux malheurs de ses ancêtres, comme le fait précisément Rivers Solomon dans ce roman science-fictif et allégorique. C'est par la connaissance et l'apprentissage que les choses évoluent…et par la révolte, forcément.
Pour renforcer l'humanité de son histoire, Solomon permet à Melusine, Théo et Giselle de prendre la parole au cours de trois chapitres.
La première nous parle de perte et de son évolution émotionnelle pour survivre face au mépris des autres, le second de la difficulté à exister dans un monde où l'on ne tolère pas l'homosexualité, la dernière des ravages psychologiques causés par des sévices perpétuels.
Pourtant, parmi les opprimés des bas-ponts, tous ne sont pas solidaires et, finalement, ce qui facilite d'autant plus la domination des blancs des ponts supérieurs, c'est assurément le temps passé par les opprimés à se disputer entre eux. L'union fait la force, comme toujours. Peu importe le genre ou la couleur, seule l'humanité compte au bout du voyage.

Magnifique premier roman, L'incivilité des fantômes use de la science-fiction de la meilleure des façons en condamnant intolérance, racisme et ségrégation. Rivers Solomon double son voyage spatial d'un voyage humain tout en peuplant son histoire de personnages particulièrement poignants pris au piège de leur peau et de leur vaisseau-prison.
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C'est un roman dystopique que j'ai beaucoup aimé pour son univers auquel je me suis attachée même si les exactions inhérentes aux régimes autoritaires avec une forte hiérarchie de classe sont toujours aussi horribles et inacceptables.
Dans une société future qui a dû fuir une Terre rendue invivable plusieurs siècles auparavant, les humains vivent à bord d'un vaisseau spatial, le Matilda, dont les ponts étagés et désignés alphabétiquement (du sommet A aux ponts les plus inférieurs) abritent des classes sociales par niveau avec des degrés de confort correspondant (les riches, bien nés, éduqués et oisifs dans les ponts supérieurs ne croisent presque jamais les ouvriers et agriculteurs proches de l'esclavage parqués dans de misérables cabines dans les bas-fonds - pardon, bas-ponts !).
Aster est une bas-pontienne mais sa mère était éduquée et en grandissant, différente, marginale, elle se révèle douée pour les sciences et la recherche. Aster est hantée par le fantôme de sa mère disparue trop tôt, laissant dans son sillage un mystère persistant.
Je ne veux pas en dire plus parce que le récit est tellement riche qu'un résumé ne saurait lui rendre honneur. le personnage de l'héroïne est extrêmement fort et une des forces du roman est également à mon avis de suggérer sans les détailler le contexte et l'environnement dans lequel évoluent les protagonistes (l'Histoire socio-politique des matildiens, l'organisation des "avantages" et des relations hommes-femmes entre les différentes classes sociales, les spécificités des différents ponts, leurs modes de vie et compétences spécifiques...). L'auteur a su créer un monde riche dans lequel pourraient naître d'autres histoires en suivant d'autres personnages.
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Il y avait très longtemps que je voulais lire « L'incivilité des fantômes » de Rivers Solomon. L'histoire me semblait passionnante. j'ai également lu beaucoup de choses très positives sur ce roman. Lors des dernières imaginales, j'ai entendu l'auteurice parler de son oeuvre et de son approche et j'avais vraiment hâte de lire l'un de ses roman.

Rivers Solomon place son histoire dans le futur. L'humanité a dû quitter la Terre mourante à bord d'un énorme vaisseau spatial, le Matilda. Déboussolée, il n'y a apparemment pas fallu beaucoup de temps pour qu'une partie de la population prenne le pouvoir. Les riches blancs vivent richement dans les hauts-ponts, pendant que les autres sont exploités dans les ponts agricoles. Vivant dans des conditions difficiles, ils sont violentés par les gardes et méprisés par une bonne partie de la population. On retrouve les mécanismes de la domination qui a été connue pendant l'esclavage : les noirs sont considérés comme inférieurs aussi bien pour des raisons biologiques que religieuses, infantilisés ou déshumanisés. Il y a même quelque chose d'encore plus cruel dans le fait que l'histoire ait lieu en huis-clos, sans échappatoire apparente.

Matilda est le nom du dernier navire qui a traversé l'océan avec des esclaves. le vaisseau spatial donne une impression paradoxale d'immobilisme. On a l'impression que les passagers du Matilda sont coincés dans un système sans espoir de s'en sortir. Les bas-pontiens sont surveillés en continu et ne peuvent pas changer de Pont sans autorisation. Ils sont dans un vaisseau qui erre dans l'espace sans réelle destination, qui a lui-même des problèmes techniques. A l'intérieur, les populations commencent à se rebeller, d'autant plus lorsqu'un changement de pouvoir aggrave la situation de manière incontrôlable. Cet aspect peut donner à l'histoire un parfum de fable, d'autant plus que beaucoup de contes populaires sont aussi racontés dans le roman. Mais toujours des contes cruels.

Le roman propose un univers dans lequel les hommes blancs ont tout le pouvoir. L'incivilité des fantômes met en scène un ensemble de personnages qui n'appartiennent pas aux classes supérieures. Beaucoup d'entre eux ont des identité fluides ou alternatives. C'est le cas du personnage principal, Aster, identifié par la société comme une femme mais dont le comportement est beaucoup plus fluide, physiquement comme mentalement. Elle a également des troubles autistiques, qui sont souvent motifs aux moqueries. J'ai beaucoup apprécié son caractère loyal envers ses proches et rebelle envers l'autorité, mais aussi sa vision très pratique des choses. Theo, l'autre personnage principal, vit sur les hauts ponts mais ses manières peu viriles lui font également subir des injures, bien que son statut privilégié lui épargne les pires traitements.

Tous les autres personnages diffèrent de la norme d'une façon ou une autre, qu'ils soient gays, aromantiques, asexuels ou simplement atteint de troubles mentaux. C'est une vision très intersectionnelle qui est proposée. La société du Matilda est profondément divisée par une idée de ce qui est correct et tient de la loi, et de ce qui ne l'est pas. Et beaucoup de choses ne le sont pas. Outre l'esclavage, les femmes ont également peu de pouvoir. En effet, l'essentialisme est très présent. Cela aboutit à une violence très dure de la part des autorités : viols, torture… Rivers Solomon ne mâche pas ses mots pour décrire un monde profondément blessé.

J'ai beaucoup aimé ce roman, bien qu'il soit très dur et sombre. le récit construit une société très clivante, mais son originalité est d'être mise en scène dans un environnement anxiogène. La population du Matilda est coincée dans un système politique violent et discriminatoire. Solomon Rivers décrit un monde en huis-clos, violent et désespéré. Les personnages principaux n'appartiennent pas à la norme dominante, car noirs, neurodivergents ou non hétérosexuels. L'histoire est ponctuée d'événements traumatiques, les scènes sont dures mais permettent de saisir la portée du danger que vivent les personnages.


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J'ai attendu quelques jours pour digérer et donner mes impressions sur ce roman. Mon indécision reste égale à celle du jour où j'ai achevé ce livre. Selon moi, l'histoire en elle-même reste en second plan, comme si l'auteur nous entraînait dans un décor uniforme, à travers le vaisseau Matilda, ses ponts X,Z,Y etc, ses couloirs uniformes, ses gardes tortionnaires, ses champs de travail, et la masse d'esclaves qui vit au rythme d'un pouvoir totalitaire qui divise leur civilisation en deux, les hauts -Pontiens et les bas-Pontiens, un monde déjà bien connu à nos yeux.
Les personnages sont crus, sauvages, déséquilibrés, martyrisés. Aster, Giselle, Mélusine , Pippa et Mabel sont les manifestations différentes de cette souffrance féminine confinée et ghettoïsée. Aster la rebelle qui défit le pouvoir, Giselle la victime prise dans des élans de folie, Mélusine la protectrice, et les deux amantes loyales Pippa et Mabel.
Parmi cette nuée de personnages féminins, l'auteur nous livre deux personnages masculins aussi opposés que la lune et le soleil. Théo le Général-Chirurgien, dont le côté féminin est exalté par ses actions protectrices. Et le tyran de ce monde, haineux et imbu de son pouvoir, Lieutenant.
Et ce titre alors me demanderez-vous? On peut le découvrir dans cette phrase de Mélusine: "les fantômes en fait, c'est le passé qui ne veut pas qu'on l'oublie".
Le fantôme d'Aster c'est sa mère Lune qui a disparu et qui a laissé des indices à sa fille pour qu'elle continue son oeuvre.
Ce qu'il faut retenir de ce roman c'est la rage contenue dans cette écriture qui sait vous arracher les tripes au bon moment, crue, passionnée, c'est cette marque qui fait de ce roman un moment de lecture inoubliable.
A chacun ses fantômes...





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C'est un avis très mitigé, très paradoxal...

Ce livre est à la fois une bonne et une lecture banale.

Le postulat de départ est qu'une partie de l'humanité a embarqué sur l'immense vaisseau-arche le Mathilda (en référence au Clotilda, dernier navire négrier, je suppose) composé de vingt-six ponts numérotés de A à Z. A la conquête de la Terre promise, ces migrants ont quitté la Terre et voguent vers leurs destins. A bord, les haut-pontiers (riche, blanc, etc.) et les bas-pontiers (noir, homosexuel, etc.). Au milieu, les gardes qui humilient sauvagement (parfois) les bas-pontiers et protègent le grand chef à plume.
Parmi les ponts inférieurs, il y a Aster, une jeune personne noire, transgenre, à la fois guérisseux(se), apprenti(e)-médecin, asocial(e), privé(e) de son appareil "de reproduction", qui traîne le poids de la disparition tragique et inexpliquée de sa mère, 25 ans plus tôt ; autour d'elle, Gisèle, sa meilleure copine (qui subit les affres des gardes), Mélusine (qui lui sert de "mama" sans en avoir l'envie) et Théo, le "chirurgien", bâtard haut-pontier, avec qui elle entretient, au fil des pages une histoire d'amitié/amour un brin étonnante.

L'idée m'a attiré... puis, l'intrigue s'est imposée à moi... une seule... comprendre pourquoi sa mère s'est suicidée à partir de ses carnets intimes, codés (mais, bon pas tant que ça!).
La réponse arrivera, bien sûr, mais ce n'est pas ce qui sera le plus important à savoir car, personnellement, j'ai décroché sur cette partie... Cela aurait pu, même, m'inciter à renoncer à la suite.

Parce que ce roman, comme mon avis, est pour moi, paradoxal. D'un côté, il est très intéressant, de l'autre, lent, brouillon et il est très facile de l'abandonner ; cela serait dommage car les trois chapitres tenus par les trois autres protagonistes (Théo, Mélusine, Gisèle) sont excellents et m'ont arraché les tripes.

Car, au final, malgré les hauts et bas, le manque d'intrigue, le côté un peu brouillon, stéréotypé et les ponts (d'où la thématique de l'union fait la force qui est une réalité... dans toutes les guerres, il a été noté cette propension à ce qu'un petit groupe d'hommes arrivent à contrôler la masse par manque de rébellion et d'union), ce roman est bouleversant par touche.

Parce qu'il parle de racisme social, ethnique, éthique, de religion et de viols, de banalisation sexuelle, d'esclavage, de pauvres et de riches, d'amour et de haine, bref, de la vie.

L'incivilité des Fantômes est le reflet d'une société, la nôtre ; celle qui est au bord du précipice et qui menace de nous entraîner vers l'abîme... car, nous, contrairement aux personnages du livre, nous n'avons pas de Mathilda... Même injustement répartie...
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Dès le départ le décor est planté, transidentité et intersexualité sont du voyage.
Il a fallu que je m'habitue au pronom "iel" que je n'avais jamais concrètement lu nulle part jusqu'ici.

Les humains ont quitté la terre pour un voyage dont ils ignorent s'il aura un aboutissement, s'ils trouveront un jour un endroit où se poser, à bord d'un vaisseau dont le gigantisme est inimaginable. Toutes les couches de la société, y travaillent, cultivent et font de l'élevage, séparés par leurs niveaux de pauvreté ou de richesse. On dirait un vaisseau-monde, tellement immense que c'est difficile de se le figurer.

C'est une société de fin du monde effarante, où quittant une Terre agonisante, ils sont partis à la recherche d'un nouveau monde en prenant bien soin que conserver toute l'iniquité de l'ancien monde : le racisme avec la notion de races inferieures et les classes sociales très basses au service des classes sociales élevées, l'extrême richesse et l'extrême pauvreté, au lieu de tirer des leçons de leurs erreurs. Il y a les haut-pontiens, qui se prennent pour la crème de l'humanité et les bas-pontiens, qui ne comptent pas.
Ils ont aussi emporté la religion avec tout ce qu'elle peut comporter d'intolérance, de misogynie et de préjugés. Sans oublier l'homophobie et la transphobie. Il s'agit là d'un monde totalement rétrograde. Ça m'a d'ailleurs énormément fait penser au système de castes en Inde.

Aster, métisse née fille mais non binaire, vit dans le souvenir de Lune, sa mère qu'elle n'a pas connue et qui a laissé un journal codé.
Elle est amie avec Gisèle, étrange personnage, un peu folle et bipolaire, cynique, cruelle, révoltée et survoltée, et Théo le chirurgien, introverti et très pieux, qui a fait voeu de chasteté et dont elle est l'assistante. Et puis il y a Mélusine, sa tante qui l'a élevée mais qui n'a pourtant aucun instinct maternel.

On découvre une société cauchemardesque qui vit depuis un temps infini dans Matilda, ce vaisseau qui doit les amener vers la terre promise mais qui pour les bas-pontiens est surtout une prison de fer, antichambre de la mort depuis les nombreuses coupures de courant qui les privent de chauffage et leur font endurer des températures glaciaires, pendant que les haut-pontiens vivent dans une opulence indécente. Ce monde futur est arrieré, cruel et violent. J'ai trouvé cette option intéressante car inhabituelle il me semble.

Aster cherche quelque chose, aspire à comprendre, à découvrir le message secret de Lune, qui sans doute lui apportera bien des réponses.

J'ai aimé l'histoire, toujours étonnée que je suis par la force vitale qui anime tout ce qui est, même dans les pires difficultés de l'existence et la résilience dont certains sont capables même quand l'espoir est si ténu qu'il est quasi inexistant. Et j'ai aimé les réflexions sur le subjectif, le futile, la superficialité, et la vanité de tout ça.
C'est un bel écho à notre société, qui hélas nous laisse penser qu'on n'a aucune chance de s'améliorer, qu'il y aura toujours des tordus machiavéliques et cruels, des despotes, des tyrans imbus d'eux-mêmes. Car quelle que soit l'époque dans laquelle on vit, l'humanité reste ce qu'elle est.

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Une partie de l'humanité a embarqué sur l'immense vaisseau-arche le Matilda composé de vingt-six ponts numérotés de A à Z. A la conquête de l'Eldorado, ces derniers migrants ont quitté la Terre dévastée à la recherche d'une planète pouvant les accueillir pour un nouveau départ. le pitch est pratiquement un copier-coller de celui d'Aurora de Kim Stanley Robinson et c'est à peu près le seul point commun entre les deux romans. Deux traitements différents pour un même sujet. le point fort essentiel autour duquel tourne tout le roman est la ségrégation qui s'est installée sur le vaisseau en fonction des ponts. Les Hauts-Pontiens sont les riches, blancs, hétérosexuels qui vivent dans l'opulence et le confort que les Bas-Pontiens ne connaîtront jamais. Ces derniers sont traités comme des esclaves, ils sont noirs et/ou homosexuels. Parmi eux, Aster, une personne transgenre, noire, autiste qui essaye de découvrir pourquoi et comment sa mère est morte 25 ans plus tôt.

Je n'ai quasiment trouvé que des défauts à ce roman... et une seule qualité qui rend à elle seule cette lecture indispensable.

Tout d'abord l'intrigue principale (et la seule d'ailleurs !) qui tient en deux lignes. Aster cherche à comprendre ce qui est arrivé à sa mère vingt-cinq ans plus tôt et trouver le lien avec les évènements qui se passent aujourd'hui sur le vaisseau arche. C'est très léger et les réponses sont à la hauteur des questions, pauvres et improbables !

Ensuite c'est le rythme général du roman qui pose problème, il est très inégal. le premier tiers se dévore, ensuite ça s'enlise, ça se répète, ça se perd. On retrouve dans les dernières pages la verve du début, cette pression qui prend à la gorge. Une certaine fulgurance réanime de temps en temps le lecteur, en particulier quand la parole revient à trois autres protagonistes Théo, Mélusine, Gisèle. Mais juste le temps d'un chapitre chacun, vraiment trop peu pour pouvoir développer pleinement ces écorchés vifs et c'est bien dommage !

Et pour finir le manque de crédibilité scientifique plombe le récit. Je veux bien que le vaisseau-arche ne soit qu'un prétexte mais l'existence même du vaisseau tient du miracle. Je ne sais pas si le fait d'avoir lu Aurora il y a quelque temps a faussé mon jugement.

Le propos est ailleurs et ce roman est une gigantesque claque émotionnelle. Ça retourne les tripes. La violence insidieuse, banalisée fait mouche. La souffrance physique et/ou psychologique présente à chaque page marque les esprits. Tout est source de désolation dans cette immense arche qui se révèle être bien petite pour les opprimés. La différence comme moteur de haine. L'autrice ne tombe jamais dans la facilité ni dans le larmoyant, elle relate une cruelle et froide réalité. le racisme social, ethnique, religieux et sexuel au centre du récit, au coeur de la vie. C'est le point fort, l'âme du livre.

Loin des clichés, L'incivilité des fantômes n'est que le reflet de notre monde avec une visibilité accrue du fait de l'espace réduit et de la conception du vaisseau. Une réussite qui, à elle seule, vaut la lecture de ce roman.


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