Bonne pioche dans ma PAL (qui déborde) avec ce roman de 1993 de Anne Rivers Siddons. J'avais découvert et beaucoup apprécié cette auteure avec "La Géorgienne", puis ce fut une grosse déception avec "Les lumières d'Atlanta". Je suis donc tout à fait satisfaite de retrouver dans "La maison des dunes" son écriture aux multiples facettes car elle manie aussi bien la plume poétique que réaliste sans jamais se départir d'une élégance de chaque instant.
Passé et présent alternent dans ce roman au fil des chapitres. Kate, Fig, Cecie et Ginger se sont connues à l'université. Membres de la même sororité, elles sont devenues des amies inséparables. Leurs études terminées, l'amitié n'a malheureusement pas survécu. Kate, la narratrice, est partie travailler à New York dans un cabinet d'architecte. Son grand amour Paul devait la rejoindre, une fois son diplôme en poche... mais il a finalement choisi d'épouser la richissime Ginger. La jeune femme a eu beaucoup de mal à s'en remettre puis elle a rencontré Alan, un collègue et la vie a repris avec ses joies et ses peines. Presque 30 ans plus tard, Kate reçoit une invitation de Ginger l'invitant à passer une semaine chez elle en compagnie de Cecie et Fig afin de reformer le quatuor de leur jeunesse. Persuadée que son cancer est en récidive, hantée par des idées de suicide, Kate refuse de se pencher sur un passé qui l'a autrefois profondément blessée, mais encouragée par son mari Alan, elle finit par accepter les retrouvailles.
Anne Rivers Siddons est spécialiste des romans dont le thème principal est l'histoire du sud des USA et la ségrégation raciale. "La maison des dunes" est totalement différent : il est multi-facettes. Il commence comme une histoire sentimentale pour s'achever en thriller. Mais c'est avant tout, sous ses airs nostalgiques, un livre qui parle de la vie, de ses bonheurs, de ses drames, de désespoir et d'espérance. Le destin joue parfois des tours aux rêves d'adolescence. L'écriture de l'auteure est précise, chaque détail est important, rien n'est laissé au hasard. Certains personnages vont se révéler au fil des pages. Contrairement à ce que je pouvais en attendre d'après le résumé, il a agi sur moi comme un véritable page-turner. La fin est totalement inattendue... et vaut à elle seule un 20/20.
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Aujourd'hui encore, alors que depuis longtemps déjà j'ai ma propre maison en bord de mer que j'adore, à quelque mille cinq cents kilomètres de là, je rêve encore de la demeure de Ginger Fowler. Tout, dans cette construction et dans la côte sauvage qui l'entoure, me convient parfaitement. Son isolement et sa tranquillité s'infiltraient dans mon sang et irradiaient mon corps, sa sauvagerie faisait écho à ma sauvagerie intime. Moi qui jamais n'avais trouvé d'endroit où plonger mes racines, je venais de découvrir un lieu qui m'embrasait comme une fièvre du désir de le posséder.
Le seul héritage qu'offre un suicidé à ses enfants est la possibilité. La mort en option. Même si cette idée éveille la colère, le dégoût et le chagrin, le suicide reste une des seules choses que l'enfant du suicidé peut considérer impunément comme une solution, puisque son parent l'a réussi. Cela ne signifie pas qu'il veuille nécessairement se donner la mort, c'est plutôt qu'il ne peut pas dire : "Jamais je ne ferai cela." Son créateur l'a fait, il pourrait le faire lui aussi.
La route qui traverse le Delaware jusqu'à Norfolk est semée de petites villes, de fermes, de champs et de forêts comme une ceinture de cow-boy l'est de clous. Il se dégageait de ces paysages quelque chose de magique en ce matin doré de septembre, rare et merveilleux. Peut-être n'était-ce rien de plus qu'un reflet sur une girouette, ou un étal, peint d'un écarlate violent et proposant les premières pommes de l'automne, ou la pancarte d'une épicerie de bourgade. Pas un kilomètre ne passait sans offrir son lot de détails enchanteurs.
Des gens armés d'appareils photo et de magnétophones commencèrent à visiter la maison dans les dunes. Après ces premières visites, nous convînmes d'un arrangement : Alan assurerait les entretiens et les séances de photo, et il le ferait loin de la maison. La simple idée que mon visage ou même mon nom soient reproduits sur une page visible par tous, peut-être mémorisés par certains, me terrifiait de cette même peur superstitieuse qui étreint l'aborigène face à un appareil photographique : la peur irraisonnée de se faire voler son âme.
Depuis qu'ils ont diagnostiqué mon cancer, il est une chose de plus que je sais : un jour, les Pacmen me dévoreront, et je suis à peu près certaine que ce jour n'est pas loin. C'est ainsi que j'imagine les cellules cancéreuses en moi, pareilles à ces petites têtes affamées du jeu électronique qui avancent sans cesse, en aveugle, engloutissant tout sur leur passage. Au début je croyais même pouvoir les sentir en moi, qui sillonnaient mon corps, y distillant une mort lente, me dévorant avec acharnement.