Une fois de plus, je suis tombée sous le charme de la plume envoutante d'Anne Rivers Siddons. Familière des récits se déroulant dans sa région natale, le sud des États-Unis, comme "Les lumières d'Atlanta" ou "La géorgienne", elle excelle tout autant lorsqu'elle transpose ses intrigues près des eaux froides du Maine.
Lorsque Maude Gascoigne tombe éperdument amoureuse de Peter Chambliss, elle sait qu'en l'épousant elle va devoir quitter Wappoo Creek, près de Charleston et abandonner derrière elle son existence libre pour aller vivre près de Boston. Elle fait connaissance avec sa belle-famille dans leur résidence d'été, à Retreat, une petite station balnéaire sur la côte est où toutes les familles aisées de la région ont coutume de passer la saison estivale. Nous sommes dans les années 20, Maude a 18 ans et découvre cette micro-société où pendant que les hommes se mesurent dans des régates ou jouent au tennis, les femmes dirigent la communauté en organisant des cocktails. Le pouvoir est aux mains des plus âgées et Maude, rebelle dans l'âme, va rapidement se heurter à l'autorité de sa belle-mère.
Avec "Quartiers d'été", Anne Rivers Siddons nous offre un roman magnifique que je qualifierais d'intimiste car Retreat sert de huis-clos à l'intrigue. Elle occulte délibérément ce qui se passe hors-saison ou à travers le monde pendant 70 ans, en concentrant son histoire sur les périodes estivales où chaque année les mêmes familles se retrouvent. Mais, dans ce microcosme, contrairement à ce qu'on pourrait attendre, ce sont les femmes qui détiennent le pouvoir car ce sont elles les gardiennes des apparences. La beauté des lieux ne suffit pas à dissimuler les scandales, les drames et les souffrances cachées.
Alternativement, Maude et sa petite-fille Darcy prennent la parole. Ce sont deux personnages forts en tempérament que l'on prend plaisir à suivre. Comme souvent, l'auteure joue sur plusieurs tableaux, elle mêle habilement, poésie et sentiments d'un côté, pour nous décrire l'instant d'après une scène d'une violence d'autant plus dure à supporter qu'on la sent contenue. Dans cette communauté, c'est avec l'âge que l'on acquiert de l'importance et les enfants sont souvent les victimes collatérales de la sauvegarde des apparences. J'ai beaucoup aimé aussi la thématique sur la protection de la nature qui se cache en filigrane.
Je vous invite à re-découvrir cette auteure et à vous plonger dans cette saga familiale, véritable coup de coeur pour moi, à laquelle j'accorde un 20/20.
Commenter  J’apprécie         212
Avis mitigé.
J'ai passé plutôt un bon moment avec ce livre. J'avais bien accroché avec le début mais très vite je n'ai pas pu m'empêcher de relever l'absence de transitions entre les époques et la disparition de certains personnages sans raisons qui rendent l'histoire brouillonne.
J'ai adorée le personnage de Maud qui est bien travaillé mais les autres personnages n'ont malheureusement pas reçu le même traitement (stéréotypés, voir même sans nuances).
La multiplication inquiétante des drames dans la vie de Maud décrédibilise/ rend irréaliste l'histoire... même si je sais que ce n'est que de la fiction, ça fait beaucoup trop de drame !
Commenter  J’apprécie         20
- (...) J'ai parlé à maman, elle a promis de cesser de te critiquer, et je suis sûr qu'elle tiendra parole. Fais un petit effort de ton côté : essaie de te mettre à sa place. Elle s'est donné beaucoup de mal pour arriver là où elle est, elle connaît les règles et les usages et elle essaie sincèrement de te faire adopter.
- A quoi bon se faire adopter par une société où l'on ne peut être soi-même ? fis-je sur un ton lugubre. (La partie était perdue d'avance, je le savais). Tu veux que notre enfant soit contraint d'adhérer à un modèle étranger et d'être limité par des règles draconiennes ?
Les sourcils argentés de Peter se rejoignirent dans une expression incrédule.
- Pourquoi veux-tu qu'il y soit obligé ? Je ne l'ai jamais été. Personne ici ne m'a empêché d'être moi-même.
Je compris clairement alors - et sans espoir qu'il en fût autrement un jour - que la liberté suprême dont jouissaient les hommes n'existait qu'au prix su sacrifice rituel des femmes. Peter ne comprenait sincèrement pas mes craintes.
- Alors, prie pour que ce soit un garçon, murmurai-je entre mes dents, et je me retournais en essayant de trouver une place pour mon ventre sur le matelas défoncé.
C'est ainsi que je fis mon entrée. Dès le début ce fut un triomphe, et je fus la reine de la soirée. Je puis l'affirmer maintenant, car c'est une chose qui ne s'était jamais produite auparavant et ne se reproduisit plus par la suite, et je sais que c'est Peter Chambliss qui avait allumé le feu qui brûlait en moi ce soir-là, transformant aux yeux de tous, relations et cousins, l'espèce de rejeton noiraud de Caroline et Gus Gascoigne en véritable beauté. Car j'étais loin d'être une beauté, à ce moment-là comme plus tard. J'étais une créature des bois et des étangs, une sauvageonne. Mais cette nuit-là j'étincelais comme un cierge, rien que parce qu'il était à côté de moi, me faisant danser et rire en me murmurant des choses à l'oreille.
Dès ma première semaine à Retreat, je fis la connaissance des trois personnes qui bousculèrent le cours de ma vie aussi sûrement qu'une charge de dynamite détourne le tracé d'un fleuve. La première fut Amy Potter. Je n'avais jamais eu d'amie avant elle, et elle devint l'aune à laquelle se mesurerait toute amitié nouvelle. La deuxième fut son mari, Parker, et la troisième un homme, dont je ne connaissais pas encore le nom, qui me sauva la vie. Tous trois sont morts à présent. Quelle ironie de constater que bien souvent le fleuve survit aux cataclysmes qui l'ont créé...
Après un long silence, Grand-Maude, s'étant reprise, me dit plus doucement :
- Tu as raison évidemment. Les hommes ont toujours eu ouvertement le pouvoir à Retreat, mais seulement celui que nous leur avons donné. Le pouvoir réel, lui, nous a toujours appartenu. Je crois que j'en ai toujours été consciente. Regarde autour de toi, c'est un monde dirigé par de vieilles femmes pour des hommes restés des enfants. Et nos filles meurent de manque d'amour.
Pourquoi fallait-il absolument vouloir se sentir utile pour exister ? "Être" suffisait.