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Critiques filtrées sur 5 étoiles  
Relire "Les gommes" après plus d'un demi-siècle était une gageure. Je me souviens que ce roman, annonciateur d'un courant littéraire qui fit les beaux jours de l'intelligentsia parisienne pendant la seconde moitié du vingtième siècle, m'avait particulièrement ennuyé. Derrière une vague trame politico-policière à la poursuite d'un supposé assassin, le roman décrivait sur une pleine journée l'errance d'un pseudo-policier entre la résidence bourgeoise de la supposée victime, la clinique du docteur Juard, qui avait rédigé l'acte de décès, et le commissariat principal de la ville, où l'on aurait bien aimé se débarrasser au plus vite de cette affaire mettant en cause deux notables. de rue en rue, au sein de cette ville portuaire du Nord embrumée à souhait, où il n'a encore jamais mis les pieds et ne dispose bien entendu d'aucun système de positionnement géographique (époque oblige), Wallas mène son enquête, sans aucun indice. Il essaie de se reconnaître dans cette ville à la géographie si particulière, où l'on revient sans cesse sur ses pas, et au passage demande son chemin ou pose des questions sur les acteurs du drame, prétextant l'achat d'une petite gomme pour le dessin, d'où le titre. Et pourtant, relisant enfin ce livre que j'avais préféré oublier, quelle n'a pas été ma surprise de me trouver en face d'un récit plein de fraîcheur, avec une merveilleuse écriture tout en finesse. L'humour, ou plutôt une tendre ironie, affleure à toutes les pages, avec une attention apportée à maints petits détails de la vie ordinaire, à ce paysage urbain qui imprime sa marque profonde sur les habitants. Comme dans un tableau de Matisse, c'est le décor, soigné, qui envahit la toile et constitue le sujet, les personnages se trouvant relégués à de vagues silhouettes à peine entraperçues. C'est ainsi qu'on se rend compte que le Nouveau Roman, loin d'être cantonné à la sphère universitaire, a imprégné la littérature moderne, et ce bien au-delà de nos frontières, nous habituant petit à petit à ce qui pouvait nous paraître au départ comme un caprice d'intellectuels en manque d'inspiration. Il suffit de lire Paul Auster ou bien encore les auteurs japonais les plus actuels pour retrouver ce souci du détail, cette obsession des distances, de l'orientation, de l'angle sous lequel on perçoit la réalité, mille et une petites choses plaquées en apparence sur la trame romanesque mais constituant l'intérêt principal du récit. Et maintenant, c'est certain, il va falloir relire aussi "La modification" (Michel Butor) et autres Simon ou Sarraute : plaisir du temps retrouvé…
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La première idée qui m'est venue lorsque j'ai terminé la lecture de ce curieux roman est qu'il s'agissait d'un polar à l'envers, à savoir que l'on sait à peu près tout sur tout dès le début (comme dans les Columbo) et puis plus on en avance dans la lecture, plus on commence à avoir des doutes sur la véracité des faits, sur le coupable du crime et sur la réalité du crime lui-même. L'auteur aurait même pu pousser le bouchon plus loin en mettant en cause l'existence de la victime (un dénommé Daniel Dupont, un solitaire et chercheur en économie, vivant dans un pavillon cossu d'une ville lugubre du nord de la France). le détective Wallas dépêché de Paris fait office de personnage principal de cette histoire sans queue ni tête. Il loge dans l'unique chambre d'un bar-hôtel paumé dans lequel des habitués alcoolisés se font des devinettes enfantines et discutent de problèmes arithmétiques. Pendant ce temps, Wallas erre dans la ville mais s'y perd très souvent bien qu'empruntant toujours les mêmes rues. Parfois, il s'arrête dans des papeteries pour acheter des gommes (pour quoi faire, on sait pas mais on peut voir dans ces gommes le symbole de ce roman où l'intrigue s'efface petit à petit comme s'effacent sous le frottement de la gomme les traits laissés par un crayon papier). Wallas doit rendre des comptes à Paris où l'on est persuadé que le meurtre du Dupont est le fait d'un groupe terroriste et doit composer aussi avec le commissaire du coin, le commissaire Laurent qui penche pour l'hypothèse du suicide. Pour compliquer les choses, Wallas se retrouve quasiment présumé coupable après que différents témoins lui trouvent une forte ressemblance avec un type louche qui traînait autour du pavillon la veille dudit crime (parce qu'en fait, Dupont n'est pas vraiment mort).

Bien qu'estampillé nouveau roman, ce qui signifie souvent lecture ardue, les gommes se lit aisément . Je suis rentré avec délectation dans l'univers étouffant et singulier mis en place par l'auteur dont certains aspects (l'allure de Wallas, l'absurdité de certaines scènes) m'ont fait pensé aux films de Jacques Tati. Cet ancien roman est à mettre entre toutes les mains d'autant plus que certains dialogues dans le bar sont à mourir de rire.

éditions de minuit, 1953, 364 pages, lecture sur kindle en avril 2015. note : 4.5/5
Lien : http://doelan.blogspirit.com/
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Un barbouze maladroit enquête sur un faux meurtre dans une ville portuaire nordique que nous arpentons inlassablement avec lui. Construction et style, très originaux, ne nuisent absolument pas à la fluidité de la lecture, enchantée par un humour constant. C'est beaucoup plus facile à aborder que la Route des Flandres de Claude Simon, autre parangon de ce qu'on a appelé nouveau roman. Et le titre? le personnage principal entre régulièrement dans un commerce pour demander un type particulier de gomme à effacer qu'il ne trouve jamais. le rapport avec l'histoire? Aucun (mais peut-être n'ai-je pas compris).
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J'ai adoré ce livre pour le style de Robbe-Grillet. Il m'a fascinée. Les Gommes est une oeuvre riche : roman policier ou anti-roman policier, roman labyrinthique du mouvement et de l'immobilité, roman sur le temps, réécriture du mythe d'Oedipe (réécriture un peu ratée si l'on considère qu'à l'époque, seul Beckett a perçu cette thématique... personnellement j'étais passée à côté également), etc.
Bref, ce chef-d'oeuvre mérite le détour! Il est absolument captivant!
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Il est bizarre ce livre, non? On ne sait pas où on est, encore moins où on va.
Je suis sûr que certains enquêteurs doivent se retrouver aussi déboussolés au coeur de leurs invertigations...

Il est bizarre ce livre. On ne sais pas où on est ni où on va, mais c'est plutôt agréable. En tous cas, moi ça m'a plu de m'abandonner à ce flou.
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Dans "Les gommes" d'Alain Robbe-Grillet, Wallas enquête sur le meurtre de Daniel Dupont et pourtant on sait dès le début que le meurtrier a raté son coup : « on s'acharne quelques fois à découvrir un meurtrier » ???
Alors que l'affaire semble sérieuse, ce livre pourrait ressembler à un polar mais ça n'en est pas un. Nous arpentons la rue des arpenteurs dans une ville où se fait le commerce du bois, où il y a des canaux et un pont à bascule, au temps où on envoie des pneumatiques et des télégrammes. J'ai pensé à Modiano et j'ai compris la nouveauté de l'écriture d'Alain Robbe-Grillet qui m'a profondément touchée. Et puis, j'ai aimé la fin mais je ne dis rien.
Le titre « les gommes », c'est, pour moi, la quête de ce que Wallas ne trouve pas et c'est peut être aussi, en filigrane, le manque du père, effacé.
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Un policier écrit par un grand écrivain et ça se voit. le sens du temps est un peu déconstruit mais on fini par retrouver son chemin comme le fait le personnage principal. L'intrigue, on peut fort bien s'en passer, par contre le style , les descriptions, le rythme... sont remarquables. Au total, combien de gommes achetées ? Sauriez-vous répondre à cette question une fois le livre refermé ? J'en doute.
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On retrouve clairement dans les Gommes (antérieur de trois années à l'Emploi du temps) les mêmes questionnements, la même volonté de bousculer le lecteur, de l'amener à accepter la perte de repères, de finalement dépasser le stade de la passivité face à l'écriture. Alors certes le style en lui-même a sans doute un petit peu vieilli, on utilise certes plus aujourd'hui de télégrammes et de tubes pneumatiques, mais franchement, face à une telle construction, et une telle intelligence, je m'incline avec un respect infini.

Lire la critique complète sur mon site : http://chroniques.annev-blog.fr/2011/05/chronique-livre-les-gommes/
Lien : http://chroniques.annev-blog..
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