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Tom Robbins (Autre)François Happe (Traducteur)
EAN : 9782351786505
636 pages
Gallmeister (03/10/2017)
4.07/5   97 notes
Résumé :
Switters, agent peu conventionnel de la CIA, épicurien à la libido débridée, se rend dans la forêt amazonienne pour libérer le perroquet de sa grand-mère, grande prêtresse du piratage informatique. Il y sera victime d’un sortilège lancé par un étrange chaman à la tête en forme de pyramide. Rendu infirme par cette malédiction, Switters échoue au Moyen-Orient chez des nonnes militant pour la contraception. Il y découvrira l’amour, ainsi qu’une prophétie mystérieuse ... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (17) Voir plus Ajouter une critique
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Je vous rassure - ou pas - le titre est aussi déjanté que le livre ! Amateurs de littérature classique, passez votre chemin ! Car si on qualifie ce roman de "picaresque", il va bien au-delà d'un Don Quichotte ou autre Gil Blas de Santillane.

Switters, héros complètement barré, agent secret anarchiste et ô combien contradictoire, n'en a pas moins un coeur d'or. Et lorsque sa grand-mère, Maestra, sorte de hacker (ou plutôt cracker à ce niveau-là) en chignon, lui demande d'aller relâcher son perroquet, Sailor Boy, dans la forêt amazonienne, il ne peut le lui refuser. C'est avec ce point de départ abracadabrantesque que Tom Robbins va emmener son lecteur dans les plus folles des aventures.

Si l'amateur de littérature classique est toujours là malgré mes recommandations, qu'il sache que le style est vif, enlevé, et j'irai même jusqu'à endiablé (quelqu'un a un autre synonyme ?). Point de fioritures ou de phrases ampoulées. Place ici au vocabulaire courant frisant parfois le familier voire, disons-le, le vulgaire. Pour autant, si on a de l'humour, rien n'est vraiment choquant dans ce roman délirant.

Allez, disons-le, j'ai A-DO-RÉ ! A tel point que je m'interdisais de lire plus d'une cinquantaine de pages par soir afin de faire durer le plaisir. Et si j'ai mis un soupçon d'humour dans ce billet, c'est parce que ce roman le vaut bien. Je me demande même comment l'auteur ne s'est pas essoufflé car il faut quand même arriver à écrire 638 pages sur ce ton, sans aucun temps mort. Et croyez-moi, je vais vite aller acheter un autre de ses livres.

Un grand, très grand merci, à Ys de Newsbook pour m'avoir offert ce livre à l'occasion de ses partenariats, ainsi qu'aux Editions Gallmeister que j'avais connues grâce au livre de Tony Vigorito, Dans un jour ou deux.


Lien : http://www.lydiabonnaventure..
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En première page, le nom de l'auteur en rouge, le titre en minuscules noirs, une image bicolore avec un perroquet avec des échasses. Qu'est-ce que cette couverture? En plus il fait 638 pages. L'apparence est trompeuse et comme souvent, il faut aller au delà. Mais attention, dès que vous allez ouvrir le livre, vous allez vivre une aventure littéraire surprenante.

La fin de présentation de la quatrième de couverture annonce cela "De l'Amazonie au Vatican, ce roman d'aventures picaresque balaie d'un trait de plume plein d'humour quelques-uns des plus grands mystères de l'humanité." Cela peut laisser perplexe avant la lecture mais plus du tout quand le livre est terminé. Tom Robbins, auteur de la pop culture américaine prend les gens dans un état de simple lecteurs passifs pour les rendre un plus fous ou libérés au fur et à mesure de l'histoire.

Par exemple, le titre, étrange en soi Féroces infirmes retour des pays chauds. L'auteur américain a donné en titre une citation de Rimbaud de son recueil Une saison en enfer. "Je reviendrai, avec des membres de fer, la peau sombre, l'oeil furieux : sur mon masque, on me jugera d'une race forte. J'aurai de l'or : je serai oisif et brutal. Les femmes soignent ces Féroces infirmes retour des pays chauds." Voilà, ici tout est dit, dans le titre, dans la référence poétique. En toute honnêteté, je n'ai découvert que cela pendant la lecture. L'auteur pense un peu à ces lecteurs peu cultivé comme moi. Merci chez Tom.

Car l'histoire, il faut bien en parler mais sans en dire trop. Tout tourne autour de Switters, agent puis ancien agent de la CIA, il aime réfléchir, la contradiction, le voyage, le sexe, la liberté d'agir et de penser. Il possède une libido débridée, aime les femmes, les filles mineurs, rêve de coucher avec sa demie-soeur de 16 ans, tombe sous le charme d'une none. Il a été élevè par sa grand-mère Maestra, grande prêtresse de l'espionnage en ligne, qui lui a appris à ne pas avoir de remord mais surtout à réfléchir. Son meilleur ami, un agent de la CIA qui a son caractère bien trempé. Voilà pour les personnages principaux.

L'histoire débute simplement. Sa grand-mère veut que son petit-fils emmène son perroquet en Amazonie pour lui rendre sa liberté. Pour cela, il doit faire un petit détour après avoir discuter avec un agent de l'agence. Mais rentre la liberté à un perroquet en plein coeur de l'Amazonie s'annonce beaucoup plus compliqué que prévu, surtout si sur le chemin vous rencontrer la tribu des Kandakanderos qui vous lance un sortilège. le chaman a la tête pyramidale le rendant infirme va lui faire découvrir le monde autrement. Mais il ne va pas en rester là à 5 centimètres au dessus du sol. Après la lamentation, la résiliation vient le temps du changement et du brisement du tabou amazonien.

Poussés par le vent, des nuages rasaient la surface du détroit comme des vesses-de-loups de duvet bactérien humide, et les deux hommes pouvaient presque sentir le goût de la moisissure dans l'air. L'atmosphère était de plomb et ténue à la fois, comme composée de quelque nouvel élément défiant les lois connues sur le poids atomique, et que seuls des habitants nés dans le Nord-Ouest auraient été capables de respirer.

Il part pour une mission et échoue en plein coeur du Moyen-Orient entouré de nonnes, au sein de l'ordre de St Pacôme qui milite pour la contraception des femmes dans le monde. Ces chrétiennes protègent un bien précieux : la troisième prophéties de Fatima qui va transformer le monde. L'interprétation de la prophétie permet à chacun de faire ces interprétations. Et si Switters avait la véritable interprétation? Si c'était lui qui pourrait ouvrir la porte à une nouvelle ordre?

Drôle, malin, surprenant et surtout magnifiquement bien écrit, car le sens des mots est bien pesé et soupesé. Ce type a fait plus de sales trucs dans sa vie qu'une pute dans une mine de charbon. Un livre dont on ne le relit pas tout de suite, il faut du temps pour digérer la densité et l'ingéniosité des mots et des références. A la fin de la lecture, je me suis demandée comment j'ai bien pu passer à côté d'un tel livre si longtemps. C'est dans ces moments que j'ai envie de me diriger vers la librairie et d'embrasser le libraire qui me l'a que trop recommandé. Est-il possible de ne pas vouloir continuer de découvrir son oeuvre et son univers? Non, après ce choc des mots, la loufoquerie fera toujours partie de moi. Il y a des lectures dont on garde un long souvenir, un sentiment de bien-être, de chose étrange, bref une lecture qui ne nous laisse pas indifférent. Là c'est absolument le cas. Mais attention, il ne faut pas le mettre entre toutes les mains, adaptes du roman roses, passe ton chemin. Car même si il tombe sous le charme de la none et l'a demande en mariage cela ne voudra pas dire qu'ils auront des enfants et seront heureux, même en compagnie d'un tube de vaseline. Attention aussi oreille chaste, car ici peu de tabou, on pénètre dans le vif du sujet. Toutefois, on discute, on échange et on se contredit quelque soit le sujet. de plus, l'auteur fait référence à beaucoup de choses réelles dans son argumentation, l'encrant encore plus dans le réel.


Si l'aventure d'un nouveau style littéraire vous tente et que vous êtes prêt à être surpris, je crois que vous pouvez les yeux fermés lire ce Féroces Infirmes. Et comme un bon chocolat, vous voudriez tout mangé d'un coup mais le plaisir n'en sera que plus furtif. Alors vous ferez durer le plaisir de ces mots. Vous regarderez votre sac où ce cache le pavé et la journée de travail paraîtra plus courte car à la fin, ce délice étrange, ce livre.
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Tom Robbins ne m'a pas payé pour écrire cette critique. Nous ne nous connaissons pas.
Et c'est bien dommage car son livre est exceptionnel. Pas excellent, exceptionnel.
6 étoiles seraient bienvenues. Babelio atteint ses limites.

Pourquoi exceptionnel ?
Parce que ce livre est déjanté et que cela fait profondément plaisir de passer de bons moments avec des gars vrillés. Après tout la grand-mère d'un ange neutre de la CIA a bien le droit d'être pirate informatique, d'apprécier Matisse et la compagnie d'un vieux perroquet fêlé du bocal.
Et son petit-fils peut bien manier le berretta à merveille, savoir parler de sa passion pour les femmes en 75 langues et marcher sur des échasses pendant 500 pages en essayant de décoder les 3 révélations de la vierge de Fatima. Oui, il peut bien.

Parce que ce livre est superbement écrit : d'une fluidité rare, le style de l'auteur nous entraîne brillamment dans ses délires, sans jamais nous lasser - en nous époustouflant toujours.

Parce que ce livre est intelligent et distille des bouffées d'air frais hyper-puissantes dans nos poumons hyper-atrophiés.

Et puis je me suis dit qu'à côté de Tom Robbins, Michel Houellebecq et Laurent Binet, qui sont pourtant si grands étaient en fait tout petits. de vrais petits Mickeys. Si petits qu'on en vient à se demander à quoi ça sert de ressusciter Huysmans et Barthes si ce n'est pour payer sa caution intellectuelle. Sortez de vos prisons littéraires messieurs et écrivez sans béquilles.
Lâchez vous un peu, ça nous fera du bien et à vous probablement aussi. Vos éditeurs auront certainement très peur de publier un livre indépendant, intelligent et cultivé malgré tout.
Ils ne comprendront peut-être pas que les références à la vie sont plus puissantes que celles au collège de France. Mais comment vous dire...Huysmans... Roland Barthes...

Moi j'aime bien Mickey, il me fait rire.
Et Tom Robbins, il me fait éclater de rire et penser par la même occasion.

Avec tout mon respect pour la littérature qui nous transporte. Et pour Tom ;)
Lien : http://axel-roques.iggybook...
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Je voudrais tout d'abord remercier Ys de News Book et les Éditions Gallmeister pour cette superbe découverte littéraire et ce très grand moment de lecture.

Comme vous l'aurez compris, j'ai adoré ce roman, c'est un vrai coup de coeur, et je suis très heureuse d'avoir pu découvrir cet auteur que je ne connaissais pas encore, mais dont j'ai bien l'intention de lire les autres titres.

Je ne vous referai pas le pitch, le résumé éditeur est assez précis pour vous donner une idée des aventures de ce héros (agent) très spécial.

Ce roman est drôle, délirant, truculent, les situations que rencontre Switters sont incroyables.Ce personnages et tous ceux qu'il rencontre sont attachants malgré leurs travers. Comme par exemple sa grand-mère , qui, non contente d'être une hackeuse très bien équipée, est également un maître chanteur très douée et sans scrupules.

L'histoire est menée tambour battant, sans temps mort, on lit ce pavé de plus de 600 pages sans s'en rendre compte. C'est là que réside tout le talent de l'auteur qui réussit le tour de force d'utiliser tous les termes possibles pour décrire et expliquer des situations sans jamais être assommant ni lourd.

L'écriture de Tom Robbins est impressionnante, il a une parfaite maîtrise de sa langue et en utilise tout le répertoire, et la traduction rend parfaitement bien cette érudition. Ceci étant, le vocabulaire employé est souvent direct, sans fioriture parfois même cru .

Cet écrivain est complétement barré et nous entraîne dans son délire , en ce qui me concerne ce fût pour mon plus grand plaisir.

Les aventures de Switters forment une sorte de voyage initiatique, il traverse toutes ces situations en gardant en permanence une vision sans compromis, voire ironique des choses.

Tom Robbins est également très provocateur puisqu'il aborde des tabous de notre société , comme par exemple le goût très prononcé du héros pour les très jeunes filles en général et sa jeune belle soeur adolescente Suzy en particulier.

Pour moi ce roman est un véritable coup de coeur et je ne peux que vous recommander sa lecture, vous passerez un excellent moment.
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Thomas Eugene Robbins né en 1936 en Caroline du Nord est un écrivain américain. Tom Robbins a étudié le journalisme en 1954 à l'Université de Lexington en Virginie, mais n'a pas obtenu de diplôme. Engagé dans l'armée de l'air, il a servi pendant la guerre de Corée durant cinq ans et à son retour à la vie civile, il étudie l'art au Richmond Professional Institute de Richmond, Virginie. Après avoir obtenu son diplôme, il déménage sur la côte ouest, où il devient journaliste pour le Seattle Times. Il habite depuis de nombreuses années dans l'État de Washington. le roman Féroces infirmes retour des pays chauds, date de 2000.
Switters est un agent de la CIA, doué en cybernétique et linguistique, il est capable de nommer le sexe féminin en soixante-et-onze langues et il a un fort penchant pour les très jeunes filles. Un gars très sex, drugs and rock ‘n roll ! Menacé d'un chantage par sa grand-mère Maestra, il part en Amazonie pour rendre la liberté au perroquet de l'aïeule. Victime d'un envoûtement par un chaman local, Switters ne peut plus mettre un pied sur le sol au risque d'en mourir, ce qui l'oblige à utiliser un fauteuil roulant. L'aventure ne fait que commencer puisque nous le suivrons au Moyen-Orient où venu apporter des masques à gaz aux Kurdes, il atterrit dans un couvent de nonnes françaises perdu en plein désert Syrien qui lui réservera une surprise de taille car c'est ici qu'est détenu le secret de la troisième prophétie de Fatima. Secret que le Vatican n'est pas prêt à laisser filer.
A la lecture de ce résumé succinct, le bouquin fait plus de cinq cents pages, vous devinez que nous sommes en présence d'un roman délirant et le mot est faible. On ne sait pas ce qui est le plus extraordinaire, l'imagination débridée de l'auteur ou son écriture éblouissante d'inventivité. Car le bouquin est remarquablement écrit, les idées farfelues qui jaillissent à chaque ligne ne peuvent cacher le talent de l'écrivain, au contraire elles le renforcent car cette folie à la Monty Python est particulièrement bien construite et structurée. Un vocabulaire très riche (Ah, ce « vivide » qui revient comme un leitmotiv), des références culturelles multiples et variées (le titre du roman est emprunté à un poème de Rimbaud), des théories grinçantes, de l'ironie et du sarcasme, Tom Robbins fait feu de tout bois.
Philosophe (« pourquoi diable la nature, dans sa magnificence complexe et inventive, n'avait-elle pu prévoir de dentition autonettoyante ? ») ou moraliste (« Un flic véreux est un traître au même titre, exactement, qu'un négociant de secrets d'Etat, et il doit être puni en conséquence ») son héros endosse tous les habits sans qu'on sache jamais si c'est du lard ou du cochon, « incapable de deviner à quels moments Switters parlait sérieusement et à quels autres il s'amusait tout simplement ».
Mais n'est-ce pas cela le grand secret, le rire. Secret qui était déjà dans le roman d'Umberto Eco en 1980, le Nom de la rose. « M. Switters surmonte la mélancolie en refusant de prendre les choses, y compris lui-même, trop au sérieux » partant du principe « que la bonne humeur, avec une portée délibérément comique, soit capable de se transformer en joie durable, d'où émerge alors la sagesse ? »
Le lecteur avisé, lui, ne s'interrogera pas longtemps après avoir englouti cette Bible de folie furieuse !
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critiques presse (1)
Telerama
09 mai 2012
Insolente, hilarante et forcément absurde, cette fiction, écrite par un romancier qui ne doit pas fumer que des cigarettes light, est un bain de jouvence.
Lire la critique sur le site : Telerama
Citations et extraits (50) Voir plus Ajouter une citation
Cette vie nomade présentait des inconvénients, mais Switters aurait été le premier à admettre de bon coeur que cela réduisait considérablement l'entretien. Quand il pensait à tous ces brins d'herbe qu'il n'avait pas à tondre, à tous ces carreaux qu'il n'avait pas à réparer sur la terrasse ; quand il considérait qu'il n'avait jamais été importuné par un inconnu un peu trop amical essayant de lui vendre des contre-fenêtres, un revêtement extérieur en aluminium, ou le magazine La Tour de garde ; quand il songeait à toutes les réunions de copropriétaires auxquelles il avait échappé (s'épargnant par la même occasion chicanes et prises de tête à n'en plus finir), il était bien forcé de se réjouir. Et il se réjouit encore plus lorsqu'il se rendit compte que le soleil devait maintenant se trouver juste au-dessus de sa tête, puisque aucun fragment du revêtement d'aluminium n'était plus visible près des bords élimés du dais de la Vierge. Effectivement, les aiguilles de sa montre étaient sur le point de se retrouver en haut du cadran pour un petit coup vite fait, bien fait à midi pile (la grande au-dessus, comme d'habitude chez les machos, mais c'était la même chose sur les montres de femme).
- Midi ! s'exclama-t-il, au cas où les autres ne s'en seraient pas aperçus. (Il pointa le doigt vers le soleil, puis vers le garde-manger.) C'est qui le chef cuisinier sur ce rafiot ? Et le sous-chef ? Et le pâtissier ? (Son regard se porta sur les trois bouteilles de pisco.) Je crois que je n'ai pas besoin de demander qui est le sommelier.
Comme rien ne bougeait, ni n'indiquait que sa remarque avait été prise en compte, que ce soit à l'avant ou à l'arrière du bateau, Switters se leva pour attirer davantage l'attention.
- Déjeuner, dit-il d'un ton égal, rationnel, exempt de toute trace d'agressivité. C'est comme ça qu'on l'appelle dans mon pays. DÉ-JEU-NER. Déjeuner. Moi j'aime bien le déjeuner. En fait, je suis un aficionado du déjeuner. Donnez-moi la liberté ou donnez-moi le déjeuner. Le petit déjeuner arrive trop tôt dans la journée, et le dîner peut gêner nos projets pour la soirée, mais le déjeuner tombe à point nommé, la seule chose qu'il risque d'interrompre, c'est le travail.
Il éleva légèrement la voix.
- Il me faut mon déjeuner quotidien. Je me suis assuré contre le non-déjeuner à la Croix-Bleue, au Bouclier Bleu et au Fromage Bleu. Difficile, moi ? Certes non. Je mange le gras, je mange le maigre et je lèche mon assiette. Généralement, il est vrai, j'évite la chair d'animaux morts. D'animaux vivants aussi, d'ailleurs : la bestialité ne fait pas partie de mon répertoire pourtant haut en couleur, même si en fait cela ne vous regarde en rien. Mais question bouffe, les gars, je n'ai rien à cacher et à cet instant, je mâchonnerais et avalerais volontiers une brochette de viande de porc en conserve pour peu que vous m'en serviez une. Tout ce que je demande, c'est que vous me serviez quelque chose. Et en vitesse. Je deviens plutôt grincheux quand on me prive de mes agapes de la mi-journée.
Sa tirade se faisant un tantinet plus théâtrale, il augmenta le volume d'un décibel ou deux.
- Un solide déjeuner est indispensable pour un corps en pleine croissance. De plus, un repas offre de multiples splendeurs. L'Homme ne vit pas que d'affaires. Le déjeuner, c'est la beauté. Le déjeuner, c'est la vérité. La beauté à la Rubens du gâteau au chocolat s'imbibant de crème. La vérité s'incarnant dans la célèbre formule de Brecht "La bouffe vient d'abord". Alors, beurrez la tartine, les p'tits gars ! Fendez le pois insaisissable ! Allez, on se bouge ! Le déjeuner justifie n'importe quelle matinée et adoucit la pire des après-midi. Pour sûr, rompons le pain et cassons la croûte ! (P87-89)
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LE SOIR DE NOËL, Switters avait assisté aux vêpres. Il y était allé, s'attendant à éprouver une sorte d'ennui nostalgique et pas totalement désagréable. Il n'avait pas été déçu. Ensuite, on avait servi du poulet rôti au citron farci au saucisson à l'ail dans le réfectoire. Il y avait aussi des biscuits aux noix et des tartes chaudes aux dattes. La dernière bouteille de vin vieux - seule rescapée de la sauterie d'anniversaire de Domino - fut débouchée et il proposa aux soeurs un toast en l'honneur de la renaissance du divin en ce bas monde.
- Et aux trois mages, rois sages, qui vinrent d'Orient, dit-il en français, ajoutant dans sa langue maternelle : apportant en cadeau corps, inceste et amour.
Belle Masquée, qui n'avait pas compris la partie en anglais, demanda le plus sérieusement du monde si par hasard l'Egypte n'était pas située à l'est de Bethlehem. Domino, qui, elle, avait saisi le jeu de mots, lui demanda de bien vouloir s'abstenir de blasphémer. Elle agita un index de maman mécontente dans sa direction, prenant un air qui semblait vouloir dire : "Attends un peu qu'on soit rentrés à la maison, mon p'tit gars !"
Il n'eut pas longtemps à attendre. Après quelques brèves chansons de Noël devant le sapin plutôt loufoque qu'il avait confectionné avec des palmes de dattiers décorées de mousse à raser en guise de flocons - tout le monde reprit en choeur Douce Nuit en français, en anglais et la version originale en allemand, puis Switters offrit en solo, d'une voix fluette d'écureuil, une parodie de Vive le vent ("Vive le vent / Vive le vent d'grand-père / Qui s'en va puant / Dans les grands sapins verts") -, la compagnie se sépara. Domino et lui se retirèrent dans leur tour.
Dans un coin, elle avait arrangé une petite réplique du sapin de Switters, remplaçant la mousse à raser par des rubans de satin. Au pied de "l'arbre", elle avait disposé trois cadeaux sur un plateau de cuivre :
Une bouteille d'arak.
Un flacon de vaseline.
Une enveloppe kraft aux coins abîmés, entourée d'une aura.
Avant le terme de cette douce nuit, sainte nuit, ils allaient examiner de près ces trois objets. (P512-513)
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Switters et Juan Carlos se frayèrent ensuite un chemin parmi les essaims de marchands - des Indiens en ponchos arc-en-ciel vendant de la poterie, des mestizos avec des T-shirts des Chicago Bulls essayant de placer leurs cassettes piratées - jusqu'à la voiture du guide, une Oldsmobile de 1985 lustrée avec amour mais entièrement cabossée, dans laquelle ils se rendirent d'abord au Covento de los Descalzos, un monastère du XVIe siècle comprenant deux somptueuses chapelles, puis dans plusieurs églises excentrées. (...)
A un moment donné pendant le circuit, ayant remarqué que Switters ne s'agenouillait jamais, ni ne faisait de génuflexions, et qu'il avait dû à maintes reprises lui rappeler d'enlever son chapeau et d'éteindre son cigare, Juan Carlos ne put se contenir plus longtemps.
- Señor Switters, je soupçonne que vous n'être pas le vrai catholique.
- Non. Non, c'est vrai. Pas encore. Mais je songe à le devenir.
- Pourquoi ? Si je peux demander.
Switters réfléchit à la question.
- Disons, finit-il par répondre, que j'éprouve un sentiment particulier pour la vierge.
Juan Carlos hocha la tête. Il sembla satisfait de cette réponse. Evidemment, comment aurait-il pu deviner que Switters faisait référence à sa demi-soeur âgée de seize ans ? (P51-52)
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… vous savez pourquoi le cinéma boum-boum a autant de succès ? Pourquoi les jeunes hommes, surtout, aiment à ce point voir des trucs réduits en morceaux ? (…) C’est la liberté, dit Switters d’un ton vif. La liberté d’échapper au monde matériel. Inconsciemment, les gens se sentent prisonniers des constructions étriquées de notre culture et de son avalanche incessante de biens de consommation. Alors, quand ils voient toute cette merde se faire démolir avec un mépris et une totale insouciance, ils ressentent la même délivrance que les Grecs trouvaient dans la tragédie. L’extase de la délivrance psychique.
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Toi aussi, tu as un cerveau, ne l'oublie pas. Si tu le développes, il sera encore là pour enrichir ta vie longtemps après que tes nichons et ton cul auront déposé leur bilan.
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