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Critique de jullius


Ils ont beau faire ces historiens…
Andrew Roberts est pourtant bien moins problématique qu'un Kersaudy, il s'efforce de relever aussi le passif du personnage, il s'attache à faire valoir les critiques des contemporains. Il livre une biographie (une vraie) renseignée certes… mais peut-être trop, précisément, ou plutôt symptomatiquement.
Qu'est-ce qui fait qu'un personnage mérite qu'on lui consacre une biographie ? Sa vie publique ! Sa vie privée nous aide-t-elle à mieux saisir sa participation à la cité ? C'est possible : mais pas tout. Aussi, savoir que Churchill a fumé tant de milliers de cigares dans sa vie ou tant de tonneaux d'alcool… qu'il appelait sa femme « chat » et s'en faisait appeler « cochon » trahit plus, je pense, une soif de tout savoir et tout révéler de celui qu'on… admire. Andrew Roberts, aussi objectif (factuel) tente-t-il d'être, n'est pas neutre ; et son admiration pour son « sujet » transparaît le plus souvent.

Je n'ai jamais aimé Churchill : un fat imbu de lui-même, imbuvable avec bien des petites gens, à commencer par son personnel, imbibé d'idées racistes qui devraient le ranger définitivement dans les rangs des hontes de notre patrimoine, impardonnable (en ce qui me concerne) dans le rôle qu'il a bien joué dans la répression des ouvriers, des indépendantistes irlandais, dans la maintien, coûte que coûte de la domination impériale de la Grande Bretagne, anti communiste bien plus qu'anti nazi tant il a plus en horreur l'horizon d'une égalité de tous que celui de la domination d'une « race » sur les autres (lui qui croit en la supériorité de la race anglaise), pas si clairvoyant que cela (quand on dit tout et son contraire… même une horloge cassé donne l'heure exacte deux fois par jour), pas si spirituel que cela non plus (il a plus l'art du dernier mot que du mot juste)… Et la biographie de Roberts ne m'a pas fait changer d'avis.

Bien sûr il s'agit d'un travail remarquable, de compilation et de croisement d'archives. Et qui ne manque pas d'honnêteté ni de faire de la place aux critiques. Mais ce souci de « tout » livrer comme si tout était aussi digne d'intérêt, de « tout » citer comme si tout était digne d'être entendu, comme si tout était admirable, ce souci de faire un bilan quasi comptable d'une vie comme si tout était également comparable – et cet inventaire digne d'un cabinet de curiosité – me semble relever encore d'une démarche qui veut nourrir le culte du « grand homme ».

Or j'ai toujours pensé qu'il n'y avait pas de grands hommes : tout juste parfois, pour reprendre la formule de Bernard de Chartres, « des nains sur des épaules de géants » ou, pourrait-on aussi dire, au sommet d'un foule immense. Churchill, était ce nain que la providence à servi par une belle naissance (même si son enfance ne fut sans doute pas heureuse). Il était de la caste des « seigneurs » qui, le plus souvent, marque l'histoire par un destin de « saigneur ». Et son rôle dans le second conflit mondial n'en fait pas un héros, en ce qui me concerne (pas plus que le rôle de Pétain pendant la première). Churchill était un foutu impérialiste doublé d'un raciste de la pire espèce. Tout son projet n'a jamais été rien d'autre que de perpétuer l'immonde domination d'un monde sur les autres, de maintenir un ordre des plus injustes. Et tous ses prétendus traits d'esprits ne l'en rendent nullement plus sympathique ni excusable. S'esbaudir devant sa verve c'est précisément un des pires maux dont nous souffrons : « Humanum genus vivit paucis ! », autrement dit : « le genre humain vit en fonction d'un petit nombre », idée ô combien aristocratique que des êtres d'exception DOIVENT servir d'exemples aux citoyens ordinaires.
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