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Le fou et l'assassin - Intégrale tome 1 sur 3

Arnaud Mousnier-Lompré (Traducteur)
EAN : 9782290359297
800 pages
J'ai lu (25/08/2021)
4.61/5   111 notes
Résumé :
Tom Blaireau coule des jours paisibles en son manoir de Flétrybois. Mais cette façade respectable cache un passé trouble et violent, car Tom n'est autre que FitzChevalerie, bâtard de la lignée des Loinvoyants et jadis assassin royal. Un soir d'hiver, un messager se présente à lui avant de disparaître dans des circonstances sanglantes...Le présent recueil rassemble les deux premiers volumes du cycle : Le fou et l'assassin et La fille de l'assassin.
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Critiques, Analyses et Avis (9) Voir plus Ajouter une critique
Une première intégrale qui m'a époustouflée et m'a donné envie de lire toute la saga : un énorme coup de coeur !

Pour vous y retrouver, cette sublime intégrale 1 réunit les deux premiers tomes du 3è cycle de la saga "L'Assassin Royal". Pour ceux qui n'auraient pas lu les deux précédents, comme moi pour l'instant, vous pouvez sans problème vous lancer dans cette lecture, elle sera tout autant addictive, la preuve.
N'ayez aucune crainte, vous ne serez pas perdus car les souvenirs et bribes des précédentes aventures du héros nous apportent les informations nécessaires pour nous y retrouver, cerner les personnages et nous imprégner d'eux. Ces minuscules rappels ont d'ailleurs aiguisé mon intérêt et à présent, je meurs d'envie de me plonger dans le passé de FitzChevalerie et de son ami le Fou.
L'écriture de l'auteure est d'un niveau exceptionnel qu'on retrouve peu en fantasy. Elle sait prendre son temps sans que l'on s'ennuie une seule seconde, sait instiller du suspense, éveiller l'intérêt du lecteur sans jamais le lasser, bien au contraire. Plus on lit, plus on tombe amoureux de cette histoire et de ses personnages.

Dans ce début de troisième cycle, on suit un Assassin Royal à la retraite qui, pour se faire oublier, vit à présent sous le nom de Tom Blaireau. Il profite d'une vie tranquille et rangée en compagnie de son amour de jeunesse, Molly, qu'il aime comme au premier jour. Mais son passé le rattrape lorsque des inconnus s'introduisent chez eux lors du bal de l'hiver et qu'une messagère se fait tuer sans avoir eu le temps de lui dévoiler le but de sa venue. C'est le début des ennuis et le danger qui s'invite dans son quotidien, avec la peur à tout instant pour sa famille. FitzChevalerie va alors devoir reprendre du service pour protéger sa descendance...

Qu'est-ce que j'ai aimé cette histoire et le personnage de FitzChevalerie Longvoyant, alias Tom Blaireau, cette sorte de magicien-assassin aux capacités particulières, notamment grâce à son Vif qui lui permet de réaliser des choses incroyables, dont celle de communiquer et ressentir les émotions des animaux et de passer par des portes interdimensionnelles !
L'homme a l'esprit vif, aiguisé par un entraînement dur reçu depuis sa plus tendre enfance. C'est un meurtrier hors pair que l'on n'a pas envie d'avoir comme ennemi. On sent la carapace du guerrier qui a dû se protéger pour survivre et qui au fond, cache un homme plein d'empathie avec un coeur tendre. Sa relation avec sa fille Abeille est magnifique, pleine de tendresse et de justesse. Cette minuscule enfant hors norme et comme sortie d'un conte, dès sa naissance, va transformer petit à petit le guerrier en profondeur. Leur relation, difficile au départ, va se renforcer au fil du temps et on ne peut que fondre devant cette interaction père-fille. Molly m'a également beaucoup émue, c'est d'ailleurs une grande force chez l'auteure de réussir ainsi à croquer des personnages que l'on a l'impression de connaître et à qui l'on s'attache aussi facilement.

La fin m'a laissé tremblante, hors d'haleine et pleine d'impatience de découvrir la suite et d'avoir les réponses à mes questions quant au Fou et au devenir d'Abeille notamment. C'est avec étonnement que je me suis rendu compte que j'avais tourné les pages de ce gros pavé sans m'en apercevoir et que je l'avais littéralement dévoré, tant l'histoire m'avait happée et passionnée.

Pour conclure : une intrigue intelligente, de l'émotion en pagaille et de nombreux rebondissements font de cette saga un incontournable. Je comprends mieux les louanges que j'entendais à son sujet depuis des années, elles sont plus que méritées. Vivement le prochain !
Lien : http://cocomilady2.revolublo..
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Comme beaucoup de lecteurs Fantasy je suis passée par une grosse phase Robin Hobb. Je l'ai découverte à vingt ans et ses romans me rappellent toujours cette période incroyable entre guindailles, études et bouquins. Allez savoir pourquoi j'ai tardé à me lancer sur l'épilogue en 3 tomes de L'assassin royal : le Fou et l'Assassin. Chance pour moi, avec le temps les 6 tomes en VF ont été réunis en 3 intégrales qui respectent la partition de la VO (car oui en 2022 on charcute toujours les VO) ; c'est sous ce format de grosse briquasse que j'ai repris l'aventure "Fitz". J'avais vraiment hâte de retrouver la magie Hobb et de renouer avec ses personnages comme avec de vieux amis, mais sans y aller par quatre chemins ça a été un énorme flop. le Fou et l'Assassin est la suite fan-service de l'AR, et je ne comprends pas ce qui a poussé Robin Hobb à l'écrire.

Alors, prêts à plonger dans les eaux glacées de mon mécontentement ?

Fitz Chevalerie Loinvoyant est mort.
Tom Blaireau se la coule douce à Flétribois avec sa Dame Molly, sa fille Ortie et ses beaux-enfants. La vie au domaine est douce bien qu'il manque à Tom la présence de ses deux meilleurs amis. Ce n'est pourtant pas faute au Fou disparu d'essayer d'entrer en contact avec Tom, mais hélas la vie de dotaire a émoussé les sens de l'Assassin qui loupe systématiquement toute tentative de contact. Son instinct lui fait d'ailleurs encore défaut quand Molly donne naissance à une petite fille dans la surprise générale et dans des circonstances inhabituelles. L'étrangeté de la gamine est flagrante et Tom s'emploie (difficilement) à devenir un père aimant. Il lui faudra toutefois renouer avec son passé si il souhaite préserver sa fille des dangers qui rôdent en dehors et en dedans de Flétribois... et retrouver un ami depuis trop longtemps perdu.

J'ai essayé de vous faire un résumé consistant et sans spoil, mais rien qu'avec ces quelques lignes je vous ai grosso modo dévoilé la première longue moitié du bouquin. Je vous arrête tout de suite, je ne suis pas coupable ! (hé non) car on touche là au principal problème de cette suite : il ne se passe strictement rien ! La vie à Flétribois est ennuyeuse, les scènes inutiles se succèdent et tirent en longueur un roman qui aurait facilement pu faire la moitié de sa taille seulement. Des petits triggers intéressants popent à gauche à droite comme pour venir cravacher la vieille carcasse de ce livre monotone ; des traces de pas mystérieuses dans la neige, une messagère pourchassée et mourante, un rêve prémonitoire un peu dingue, mais rien de concret ne bouscule l'intrigue. Je suis familière de l'autrice et de ses histoires plutôt indolentes au démarrage, mais là vraiment c'est trop. Au lieu d'une nouvelle aventure dans les Six-Duchés pleine de vie et d'émotions, j'ai assisté aux disputes familiales Loinvoyant, aux commérages domestiques et à la paternité pathétique de Fitz. Vraiment pas ce pour quoi je m'étais lancée.

Les cinquante premières pages sont pourtant bourrées de promesses ! le récit commence super bien avec une invitée disparue en pleine réception d'hiver et dont on ne retrouve que des traces sanguinolentes. Fitz conte sa propre histoire au passé, avec le recul du narrateur qui sait où il a merdé (au moins peut-on lui décerner le prix de la lucidité). Dès le début on sait donc que le Fou est vivant et qu'il tente de se frayer un chemin jusqu'à Fitz, mais avec quel énervement on voit ce dernier royalement passer à côté de toutes les évidences ! Sérieusement, j'ai un jour apprécié ce héro ? Et parlons parentalité deux secondes : pour un gars qui s'est si longuement lamenté de son absence aux côté d'Ortie, je m'attendais à découvrir Fitz transformé par sa paternité nouvelle. Hé non, c'est un père claqué au sol ; appelez les services sociaux, please, il est même pas au courant qu'un enfant doit être habillé, nourri et lavé ~ hé bon, sans vouloir instrumentaliser la Fantasy et y caser de force des questions de société, ça aurait pu être sympa de dépeindre un père capable plutôt qu'un énième assisté sans esprit d'initiative hissé au rang de héros.

Les protagonistes que j'avais d'ailleurs grandement appréciés auparavant ont tous été décevants et/ou irritants. Je les ai trouvés figés dans les mêmes insupportables défauts qu'il y a dix ans, sans volonté de les faire évoluer. Fitz est toujours centré sur lui-même, plus occupé à broyer du noir qu'à prendre réellement soin de sa famille. Molly incarne la femme telle que je déteste la voir écrite, à porter son couple, sa famille et son domaine à bout de bras comme si c'était là sa juste place. La famille Loinvoyant est d'une fausseté odieuse, et la petite Abeille un reboot du jeune FitzChevalerie dans l'AR : une gamine taciturne et asociale aux capacités latentes. Mais de tous c'est Umbre qui m'a le plus insupportée : le papy sénile et espiègle ne trouve pas sa place dans cette histoire. Après dix années rangés bien au chaud d'un placard, les personnages de ce tome sentent tous la napthaline.

Et juste pour la pertinence, faudra aussi arrêter de légitimer les batârds Loinvoyants dans un Royaume où, par définition, ils ne devraient avoir le droit que de se faire oublier dans un coin de la Cour.

La conclusion n'est pas surprenante et le cliff-hanger très insuffisant (ou juste pas assez intéressant) pour me donner envie de poursuivre. J'ai lu beaucoup de livres : j'en ai adoré, j'en ai détesté, mais je crois que c'est la première fois que je regrette vraiment d'en avoir lu un. On ne m'enlèvera pas de la tête que les Six-Duchés se portaient mieux sans lui car ce livre a bousillé le souvenir que j'avais de cette histoire incroyable et de la fin parfaite de son treizième tome.
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Le deuxième cycle de l'Assassin Royal ayant finit sur un happy ending, j'ai beaucoup hésité avant de me lancer dans celui-ci. Fitz vivant enfin le bonheur qu'il méritait, j'appréhendais de lire les épreuves que Robin Hobb lui ferait encore traverser.

Et je n'ai pas été déçue, loin de là. Ce fut une lecture émouvante, parfois difficile, mais quelle joie de retrouver les Six-Duchés ! C'est touchant de recroiser d'anciens personnages, qui ont bien grandi entre temps. Heur, d'adolescent difficile, est devenu un ménestrel réputé. Idem pour Devoir, à présent souverain et père de famille, que je revois pourtant sur cette fameuse plage en train de se prendre une raclée par Fitz.

Malgré sa cinquantaine bien tassée (voire début de soixantaine), Fitz agit toujours aussi impulsivement que dans sa jeunesse, ce qui est particulièrement frustrant. Heureusement il est souvent soutenu par ses proches, notamment son frère d'arme Crible. Ma lecture de l'Assassin Royal doit remonter à trop longtemps car malgré les références, j'ai été incapable de me souvenir de ce personnage, pourtant apparu dans le cycle précédent…

C'est intéressant de découvrir Fitz sous un jour nouveau, celui de père. La relation qu'il construit du mieux qu'il peut avec sa fille est d'abord fragile, mais on la sent se renforcer à mesure que l'histoire avance. J'ai d'ailleurs hâte d'en apprendre plus sur Abeille et ses « particularités » dans la suite de la trilogie.

En revanche le gros point négatif de ce tome est pour moi

Bref, si comme moi vous avez adoré les précédentes aventures de Fitz, n'hésitez pas à vous lancer dans cette dernière trilogie, avec un paquet de mouchoirs à portée de main.
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On est repartie pour un tour, avec un héros qui arrive à la soixantaine et qui aspire au calme et à la sagesse, mais l'auteure ne lui accordera pas cette grâce et sait nous happer avec de nouveaux personnages très attachants tout en nous faisant retrouver avec plaisir ceux des cycles précédents. Mais c'est suffisamment bien fait pour que cela reste compréhensible même si on ne les a pas tous lus.
Ce que j'apprécie beaucoup chez Robin Hobb, c'est que ces personnages ne sont pas parfaits, ils ont tous leur défauts et leurs faiblesses malgré leur magie, et ils ont des préoccupations prosaïques comme nous. La description de la vie quotidienne tient une place bien venue et jamais lassante, et les femmes ont autant de place et de capacité que les hommes malgré la dureté du temps.
Une lecture au long cours dont je ne me lasse pas.
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Après avoir enfin fini la cité des anciens, j'ai pu me plonger avec joie dans cette dernière partie consacrée à Fitz et biens d'autres personnages !

Dans cette histoire, nous suivons Fitz dans sa retraite qui ne va pas être si reposante que cela aurait dû être.

Dans la catégorie nouveauté : les points de vues. Si, sur les tomes suivant Fitz, c'était toujours le sien, et sur les tomes avec le désert des pluies c'était toujours omniscient, là on alterne entre deux points de vues à la première personne et c'est très intéressant de voir les différentes émotions des personnages, sans pour autant être perdus car nous en sommes limités à deux.

Quant à l'histoire, elle met un peu de temps à s'installer mais cela permet de mettre beaucoup de contexte.

Il y a quelques personnages que je trouve excecrables mais ça rend le récit d'autant plus réaliste.

J'ai personnellement hâte de découvrir la suite.
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Citations et extraits (9) Voir plus Ajouter une citation
"PROLOGUE

Ma chère dame Fennis,

Nous sommes amies depuis trop longtemps pour que j'use de circonlocutions. Comme vous l'avez supposé avec tant de délicatesse, j'ai en effet reçu une nouvelle qui m'accable ; mon beau-fils, le prince Chevalerie, est un rustre, je le sais bien, et la confirmation publique vient d'en être donnée par la révélation de l'existence d'un petit bâtard qu'il a eu d'une putain des Montagnes.

Le scandale aurait pu être étouffé si son frère, le prince Vérité, doué de l'intelligence d'une pierre, avait pris des mesures rapides et fermes pour éliminer l'objet de la honte ; au lieu de cela, il a annoncé la chose sans aucune discrétion par un message expédié à mon époux.

Et que fait mon seigneur face à cette ignominie ? Eh bien, non seulement il exige qu'on amène le bâtard à Castelcerf, mais il accorde à Chevalerie le titre de Flétribois et l'envoie là-bas se faire oublier en compagnie de son épouse stérile et malgracieuse. Flétribois ! Une magnifique propriété que tous mes amis seraient ravis d'occuper, et il en fait cadeau à son fils pour avoir engendré un champi avec une roturière de l'étranger ! Et le roi Subtil ne voit rien de révoltant à ce que le petit Montagnard sauvage en question s'en vienne ici, au château de Castelcerf, au vu et au su de tous les membres de ma cour !

Enfin, ultime insulte faite à moi et à mon fils, il a décrété que le prince Vérité porterait désormais le titre de roi-servant et d'héritier présumé du trône. Quand Chevalerie a eu la décence, devant le scandale, de renoncer à ses prétentions à la couronne, je me suis secrètement réjouie, croyant que Royal serait aussitôt reconnu comme le prochain souverain ; certes, il est plus jeune que ses demi-frères, mais on ne peut contester qu'il est de meilleure lignée qu'eux et que son maintien est aussi noble que son nom.

En vérité, je suis anéantie, tout comme mon fils Royal. Quand j'ai sacrifié mon propre règne et tous mes titres pour devenir la reine de Subtil, il était évident pour moi que les enfants que je porterais seraient considérés comme d'un lignage bien supérieur à celui des deux gamins étourdis que sa précédente épouse lui avait donnés, et qu'ils monteraient sur le trône à sa suite. Mais reconnaît-il avoir commis une erreur en désignant Chevalerie comme son successeur ? Non : il se contente de l'écarter pour instaurer son balourd de cadet comme roi-servant. Vérité ! Vérité, avec la massivité, le mufle carré et la grâce d'un bœuf !

C'en est trop, ma chère ; je ne puis le supporter. Si ce n'était que de moi, je quitterais la cour, mais alors Royal se retrouverait sans personne pour le défendre.

Lettre de la reine Désir à dame Fennis de Labour

Enfant, je la détestais. Je me rappelle le jour où je découvris cette missive, inachevée et jamais envoyée ; à sa lecture, j'eus la confirmation que la reine, à laquelle je n'avais jamais été officiellement présenté, m'avait honni dès l'instant où elle avait appris mon existence. Je lui rendis aussitôt la pareille. Je ne demandai jamais à Umbre où il avait déniché cette lettre ; bâtard lui-même et demi-frère du roi Subtil, il avait toujours agi au mieux des intérêts du trône Loinvoyant, et ce sans la moindre hésitation. Peut-être avait-il volé ce brouillon dans le bureau de la reine Désir ; peut-être voulait-il donner l'impression que la reine refusait de répondre à dame Fennis et la dédaignait ? Est-ce important aujourd'hui ? Je l'ignore, car je ne sais pas quel résultat mon vieux mentor obtint par ce vol. Umbre servait son roi de façon implacable par l'assassinat, l'espionnage et la manipulation au château de Castelcerf, et il m'enseigna à l'imiter ; il me dit un jour qu'un bâtard royal n'est en sécurité dans une cour que tant qu'il reste utile – et, dans le cas d'Umbre, quasiment invisible. Des années, il passa le plus clair de son temps dans le dédale de couloirs et de passages secrets dissimulé dans les murs du château de Castelcerf. D'apparence, j'étais simplement un enfant né du mauvais côté des draps, à qui l'on tournait le dos ou que l'on insultait, et qui naviguait sur les eaux dangereuses de la politique du château ; mais le roi Subtil et moi-même savions que j'étais protégé par la main du souverain et de son assassin. Tant que je leur obéissais, je n'avais rien à craindre.

Pourtant, je me demande parfois si c'est par accident que j'ai trouvé la lettre de la reine Désir à dame Fennis ou si la révélation qu'elle m'a value avait été voulue par Umbre. C'était mon mentor à l'époque, et il m'enseignait les arts du métier d'assassin ; toutefois, il ne m'inculquait pas seulement la science des poisons, de la dague et du subterfuge, mais aussi ce que doit savoir un bâtard d'ascendance royale pour assurer sa survie. Cherchait-il à me mettre en garde, ou bien voulait-il m'apprendre à haïr afin d'assurer son emprise sur moi ? Même ces questions me viennent trop tard.

Au cours des années, j'ai vu la reine Désir sous bien des aspects. Elle a tout d'abord été l'horrible marâtre qui détestait mon père et me détestait plus encore, celle qui avait eu le pouvoir d'arracher la couronne à l'héritier désigné et de me condamner à une existence où même mon nom affichait ma bâtardise. Je me rappelle une époque où la seule éventualité qu'elle me vît m'emplissait de crainte.

Longtemps après mon arrivée à Castelcerf, mon père fut assassiné à Flétribois, et elle fut sans doute l'instigatrice de ce meurtre, sans qu'Umbre ni moi pussions rien y faire ni réclamer justice. Je me souviens de m'être demandé alors si le roi Subtil ne savait rien ou bien s'il se désintéressait de la question ; en tout cas, je compris avec une absolue certitude que, si la reine Désir souhaitait ma mort, elle pourrait l'obtenir ; dans ce cas, Umbre me protégerait-il ou bien s'inclinerait-il devant son devoir et laisserait-il le forfait s'accomplir ? Quelles questions pour un enfant !

Pour moi, Flétribois était une idée, un lieu âpre de bannissement et d'humiliation. Quand, enfant, je vivais à Castelcerf, on m'avait dit que c'était là que mon père était parti se cacher de la honte que j'incarnais ; il avait renoncé au trône et à la couronne, il s'était incliné devant la douleur et la colère de sa légitime épouse, Patience, il avait présenté ses excuses au roi et à la cour pour son manquement à la vertu et au discernement, et il avait fui le bâtard qu'il avait engendré.

Du coup, d'après les seules résidences que j'eusse connues jusque-là, j'imaginais la propriété comme une construction fortifiée au sommet d'une hauteur, semblable à la forteresse ceinte de palissades d'Œil-de-Lune, dans le royaume des Montagnes, ou aux murailles à pic du château de Castelcerf, perché sur ses falaises noires et sinistres qui dominaient la mer. Je voyais mon père, sombre et seul dans une salle de pierre glacée aux murs ornés d'oriflammes et d'armes anciennes ; je me représentais des champs pierreux qui donnaient sur des marais gris de brume.

Je devais découvrir plus tard que Flétribois était alors une demeure majestueuse, vaste et confortable, bâtie dans une large vallée fertile. Ses murs étaient, non de pierre, mais de chêne doré et d'érable aux teintes profondes, et, si le sol des salles était pavé de dalles plates tirées des rivières, les cloisons étaient en chaleureux panneaux de bois. Le doux soleil de la vallée agricole tombait en longues bandes sur le dallage par les hautes fenêtres étroites. L'allée qui menait à la porte d'entrée était large et bordée de grands bouleaux gracieux ; en automne, ils étendaient un tapis d'or sur la route, et, en hiver, chargés de neige, ils s'inclinaient sur elle pour former une tonnelle blanche lambrissée de trouées de ciel bleu.

Flétribois n'était pas une forteresse de bannissement ni d'exil, mais une retraite indulgente pour mon père et son épouse stérile. Je pense que mon grand-père aimait son fils autant que sa belle-mère l'abhorrait, et le roi Subtil l'avait envoyé dans cette lointaine propriété pour le protéger ; il avait échoué, mais ce n'était pas son intention. Flétribois devait être un refuge pour mon père.

Et, quand l'heure sonna pour moi de m'y rendre à mon tour avec celle que j'aimais, ses enfants pleins de vie et la femme qui avait toujours voulu être ma mère, la demeure devint pour nous pendant une période un havre de paix et de repos.

Le temps est un professeur cruel qui donne des leçons que nous apprenons beaucoup trop tard pour en avoir l'utilité ; je comprends certaines choses des années après qu'elles auraient pu me servir. Je repense aujourd'hui au « vieux » roi Subtil, et je le vois comme un homme aux prises avec une longue maladie débilitante qui le privait de son bien-être physique et de son acuité mentale ; pire encore, je vois la reine Désir telle qu'elle était : non comme une mégère acharnée à faire mon malheur, mais comme une mère pétrie d'un amour implacable pour son fils unique, résolue à n'accepter aucune offense à son encontre et prête à tout pour le mettre sur le trône.

Que n'aurais-je pas fait pour protéger ma petite fille ? Quel acte aurais-je jugé trop extrême ? Si je dis : « Je les aurais tous tués sans le moindre regret », cela fait-il de moi un monstre ?

Ou seulement un père ?

Mais ces questions, c'est rétrospectivement que je me les pose ; toutes ces leçons, je les ai apprises trop tard. Alors que j'étais encore jeune, je me sentais perclus de douleurs et de soupirs comme un vieux matelot tordu à force de manier la gaffe ; ah, quelle pitié je m'inspirais ! Comme je savais justifier les décisions irréfléchies que j'avais prises ! Et, quand vint le temps pour moi d'assumer le rôle du sage doyen de ma maisonnée, j'avais encore l'énergie d'un homme à peine mûr, j'étais encore soumis aux passions et aux instincts de mon corps, et je me reposais encore sur la vigueur de mon bras droit quand il eût été plus avisé de prendre le temps de la réflexion.

Des leçons apprises trop tard, des situations comprises a
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La neige tombait sur un couteau boisé ; j'insipirai profondément pour m'apaiser et perçus une vague odeur de cerf dans l'air vif. Je souris ; ne te ronge pas pour hier, ne t'inquiète pas de demain. Laisse ton cœur chasser, repose toi dans la neige. Je remplis lentement mes poumons et les vidai sans hâte. Je flottai, dormant mais éveillé. J'étais un loup sur un versant couvert de neige, humant le fumant d'un cerf et vivant dans l'instant.
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Que n'aurais-je pas fait pour protéger ma petite fille ? Quel acte aurais-je jugé trop extrême ? Si je dis : « Je les aurais tous tués sans le moindre regret », cela fait-il de moi un monstre ?

Ou seulement un père ?
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Il fixa sur moi son regard aveugle, la terreur et le ravissement marqués sur sa figure couturée de cicatrices. "Le loup vient, fit il comme s'il récitait. Ses crocs sont un poignard, et les gouttes de sang qui volent sont ses larmes."
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Le temps est un professeur cruel qui donne des leçons que nous apprenons beaucoup trop tard pour en avoir l'utilité ; je comprends certaines choses des années après qu'elles auraient pu me servir.
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