Voici une lecture qui ne choque, interpelle, fait froid jusque dans les tréfonds de la moelle osseuse !
Il ne s'agit pourtant pas là d'un roman écrit par un maitre de l'épouvante (hélas) mais d'une véritable monographie à caractère scientifique sur les ravages des pollutions dues aux pesticides.
Le propos est l'oeuvre d'une journaliste qui maitrise son sujet, joue le jeu de l'approche scientifique en citant systématiquement ses sources. Son engagement et sa passion ne laisse pas de place au doute, mais il est parfois difficile de la suivre tant le propos peut être (souvent) complexe. Il sera donc nécessaire de faire un effort de concentration et d'être pleinement éveillé avant d'entreprendre cette lecture. La démarche n'est par ailleurs par exempte de petit travers. Ainsi à de nombreuses reprises, l'auteur nous fait part des nombreuses difficultés qui touchent à la reconnaissance d'un (ou de plusieurs) phénomènes. Ces épisodes sont assez redondants. Ils servent à enfoncer le clou, démontrer des permanences d'autant plus incompréhensibles qu'elles concernent des humains. Ce choix (qui se justifie amplement) donne toutefois un côté revendicateur qui dessert le livre.
Le périmètre de l'enquête tel qu'il ressort de la lecture n'est au demeurant pas aussi complet et immersif que le laisse entendre la quatrième de couverture.
Marie-Monique Robin opère des choix en parlant des pesticides agricoles, des perturbateurs endocriniens, de l'aspartame et du bisphénol A. Autant dire que nous touchons là aux intrants et contenants mais pas directement aux aliments... dommage ! D'autant que le texte donne une curieuse impression de répétions à de nombreuses reprises. Les témoignages auraient sans doute gagnés à être moins nombreux ou traités de manière plus succincte, même si là aussi ils dénotent la qualité de la recherche. L'équilibre entre exhaustivité et confort de lecture est toujours difficile à trouver…
Le style de la journaliste est heureusement là pour nous réveiller à plusieurs reprises, tant les thématiques sont complexes. Assez étrangement, ces moments-là ne sont pas très fréquents. Ils démontrent également que l'ouvrage est moins le travail d'une journaliste (sinon pour les investigations qui ont demandé tant de temps et d'énergie) que celui d'une scientifique.
En résumé
Notre poison quotidien est un manuel, un ouvrage complexe mais une référence. Il amène à une prise de conscience, d'autant plus nécessaire qu'elle touche le quotidien des humains à l'échelle planétaire (ou du moins des pays industrialisés). Et oui... rien de moins. Une lecture à mettre dans toutes les mains donc... et le plus rapidement possible !