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David Camus (Traducteur)Dominique Haas (Traducteur)
EAN : 9782266147590
1014 pages
Pocket (23/10/2006)
3.73/5   166 notes
Résumé :
Quelle serait l'histoire du monde si l'Europe avait disparu au Moyen Age, ravagée par la peste ? L'Islam et la Chine seraient alors devenues les civilisations dominantes, découvrant l'Amérique, se
faisant la guerre, inventant le chemin de fer et l'atome, cherchant à l'emporter, à imposer la foi de Mahomet, Bouddha ou Confucius. A travers les destins de trois personnages, Kim Stanley Robinson dépeint de façon étonnamment réaliste sept cents ans de l'histoire d... >Voir plus
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Long et franchement rébarbatif.



A travers 10 nouvelles, l'histoire de K, B et I se réincarnant (sans souvenirs) dans une histoire alternative où la peste a emporté toute la civilisation occidentale, laissant la place à l'islam et la chine. De l'épidémie à nos jours.



Les années de Riz (la Chine) et de Sel (l'Islam) avec un peu d'Inde aussi.

Une gigantesque fresque, détaillée dans les habitudes et les coutumes de l'époque. Historiquement, sociologiquement, personnellement et scientifiquement plausible.


Mais mon Dieu  (plus celui des chrétiens du coup) que c'est long. Plausible on a dit, on pourra regretter d'ailleurs que l'auteur n'ait pas pris plus de libertés avec notre propre histoire, puisque les grands événements sont amenés à se répéter dans l'histoire alternative. ( C'est plausible, réaliste, mais du coup, c'est tristounet).
Un sens of wonder totalement absent.
Certaines nouvelles sont plus attractives que d'autres, (surtout vu mon penchant pour l'action et la science) mais pour le reste, je me suis prodigieusement ennuyé.



Je suis tombé par hasard sur le bouquin et le pitch me paraissait intéressant (et il l'est indéniablement), mais je n'avais que très moyennement apprécié la trilogie de Mars du même auteur. J'aurais du me méfier.
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C'est bien connu, tout le monde raffole des histoires à propos de ce qui aurait pu être si un événement ne s'était pas déroulé tel que L Histoire nous l'a rapporté. le fameux « et si »... Et si Alexandre le Grand n'était pas mort si jeune ? Et si l'Amérique n'avait pas été découverte au XVe siècle ? Et si les Allemands avaient gagné la Seconde Guerre mondiale ? Certains se plaisent ensuite à imaginer les conséquences immédiates de ce bouleversement inattendu, tandis que d'autres optent pour l'option du saut dans le temps afin d'observer les conséquences de leur petite expérience des années, voire des siècles plus tard. Kim Stanley Robinson, lui, est plus ambitieux... Beaucoup plus ambitieux. Non seulement le point de divergence choisi est assez spectaculaire (et si la peste noire était venue à bout de toutes les populations européennes au XIVe...), mais en plus l'auteur entreprend d'étudier les répercussions de cette tragédie sur l'ensemble du monde et pendant un laps de temps tout simplement impressionnant. le lecteur est donc invité à se plonger l'espace de plus de mille pages dans plus de sept siècles d'une histoire alternative patiemment et brillamment reconstituée. Chaque chapitre alterne entre le point de vue des deux grandes civilisations sorties gagnantes de l'extinction des royaumes chrétiens : la Chine et l'Islam (d'où d'ailleurs le titre original du roman « The Years of Rice et Salt » qui n'a rien à voir avec celui, curieusement orienté, choisi par les éditeurs français).

Difficile de ne pas être admiratif devant l'érudition dont fait preuve l'auteur qui revisite certains des moments clés de l'évolution de l'humanité avec une patience et une minutie impressionnante. Un chapitre se voit par exemple consacré à la découverte de l'Amérique par les Chinois, un autre aux expériences scientifiques révolutionnaires menées par un petit groupe d'intellectuels musulmans, un autre encore aux premières expéditions de colons venus repeupler l'Occident... L'auteur élabore de plus un habile stratagème afin de relater tous ces siècles d'histoire tout en faisant en sorte que le lecteur puisse avoir des personnages fixes auxquels se raccrocher. Ce stratagème, c'est l'éternelle réincarnation des protagonistes que l'on apprend rapidement à reconnaître au fil des siècles grâce à leur caractère et surtout à la première lettre de leur nom qui demeurera inchangée tout le long du roman (K est toujours le plus dur et le plus révolté ; B est le bon et l'optimiste ; I le sage ou le savant...). Certaines réincarnations sont évidemment plus passionnantes que d'autres, la plus captivante étant à mon sens celle se déroulant à Nsara (anciennement Nantes) et traitant des grands questionnement soulevés dans l'Islam par la lente mais inéluctable émancipation des femmes. Il faut dire aussi que la grande force de l'ouvrage tient au travail de réflexion presque philosophique entrepris par Kim Stanley Robinson concernant l'histoire, nos sociétés, ce qui fait évoluer les civilisations, mais aussi et surtout la religion.

On m'avait vanté ces « Chroniques des années noires » comme un véritable chef d'oeuvre et, malgré quelques défauts (le manque d'empathie ressenti pour les personnages et des longueurs dans certains chapitres, entre autre), il est évident que le terme s'applique ici. Kim Stanley Robinson fait preuve d'une ambition et d'une érudition tout simplement hallucinantes, et certaines de ses réflexions sur le sens de la vie m'ont semblé particulièrement justes (notamment celles influencées par le mode de pensée bouddhiste). Une lecture longue et parfois ardue mais certainement inoubliable.
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Auteur prolifique et incontournable de la science-fiction, l'américain Kim Stanley Robinson est d'abord connu pour sa trilogie Martienne et, plus récemment, pour sa trilogie climatique. Pourtant, en 2002, l'auteur publie également une autre oeuvre monumentale saluée par la critique et lauréate du Prix Locus : The Years of Rice and Salt.
En France, c'est en 2003 que l'on découvre ce roman sous le titre étrange de Chroniques des années noires (qui fait en fait référence à la Grande Peste Noire du XIVème siècle). Uchronie poids lourd (1015 pages chez Pocket !), le livre vous emmène à travers les siècles pour un « What if… » ( « Et si…») incroyablement intelligent et passionnant.

Resituons le contexte.
Tout commence par l'histoire de Bold, un cavalier de l'armée du khan Tamerlan qui découvre une citée hongroise en ruines où les habitants ne sont plus que des cadavres décrépits. Bold va alors rapporter à Tamerlan la terrible nouvelle : la Peste Noire sévit en Europe et son armée pourrait rapidement être contaminée à son tour si elle n'abandonne pas ses rêves de conquête. Échappant à une tentative d'assassinat, Bold prend la fuite et erre dans une Europe de cauchemar ravagée par la maladie. C'est précisément sur ce point que Kim Stanley Robinson fait basculer l'Histoire (avec un grand H).
Au lieu d'avoir une mortalité de 30–50%, la Peste Noire va tuer 99% de la population européenne entraînant la chute complète des civilisations occidentales… et la fin brutale de la chrétienté !
Poursuivant sa route à travers la Méditerranée, Bold est capturé par des musulmans turcs qui le vendent comme esclave à Zheng He et sa colossale flotte du Trésor qui ramènent Bold et un autre esclave noire, Kyu, jusqu'en Chine. Les deux hommes finissent par entrer au service de l'Empereur Chinois Yongle et par s'immiscer dans les affaires politiques entre eunuques et administratifs confucéens.
Durant ce premier chapitre (sur un roman qui en compte dix), Kim Stanley Robinson ébauche les premiers pans de son univers uchronique et révèle son principal angle d'attaque, à savoir une histoire revisitée et contemplée par les yeux des gens ordinaires, ni empereurs ni héros mais des gens du communs qui vont pourtant, chacun à leur façon, être témoin d'évènements importants et influer sur la course de l'Histoire.

Cet aspect est important à rappeler car le titre original — The Years of Rice and Salt — renvoie aux corvées/tâches quotidiennes assumées par les femmes malgré les combats et la politiques menés par les hommes. Ainsi, Chroniques des années noires s'intéresse à un groupe de personne — une jati, terme indien d'un sous-groupe de gens qui partagent une même occupation/une même langue — qui vont se réincarner de générations en générations en passant par le bardo — terme tibétain et bouddhiste qui décrit un état de conscience intermédiaire et que nos héros traversent après chacune de leur mort respective — afin de croquer l'ensemble des évènements qui vont découler du premier point de divergence du roman, à savoir la disparition des chrétiens et de l'Occident.
En choisissant toujours de suivre les petits plutôt que les grands, qui ne sont au final que côtoyés, Kim Stanley Robinson ramène son histoire au niveau du peuple et intègre l'importance de nos actions quotidiennes.
Durant dix chapitres de taille variable, l'américain développe sa propre chronologie qui repose désormais sur des calendriers différents puisque deux civilisations ont remplacé la chrétienté — la nature a, c'est bien connu, horreur du vide : la civilisation musulman d'une part (le Dar al-Islam) et la civilisation Chinoise d'autre part (et ses principes bouddhiques, taoïstes et confucéens). Dès lors, l'auteur va alterner les personnes musulmans et asiatiques pour réfléchir sur le monde qu'il crée au fil des pages tout en s'amusant à disséminer des échos de notre propre Histoire, comme si, malgré les divergences, certaines choses restaient immuables (comme la Chute de Constantinople, la Révolution Chinoise, la Découverte des Amériques, la Grande Guerre…).

Chroniques des années noires s'affirme donc d'emblée comme une oeuvre à l'ambition monumentale puisque l'on suit sur des siècles et des siècles des personnes qui se réincarnent (et qui en ont à peine conscience) et découvrent la science, la philosophie, le marxisme… Kim Stanley Robinson ré-imagine complètement notre propre histoire et la pense dans les moindres détails (les « chevaux-vapeurs » deviennent des « chameaux-vapeurs », le terme Moyen-Orient cède la place à Moyen-Occident puisque tout est vu par le prisme islamique) tout en gardant un fond assez semblable quant aux grandes questions que se posent l'humanité.
Dans la roman, la chrétienté disparaît et la religion monothéiste qui va dès lors dominer le monde sera celle de l'Islam. Non content de construire un nouvel échiquier mondial où la France devient la Franji et où les Berbères repeuplent l'Italie, Kim Stanley Robinson va étudier à la loupe les questionnements religieux autour du Coran ainsi que les différentes phases par lesquelles passent une religion monothéistes au cours de son histoire (et qui renvoie invariablement à ce qu'il s'est passé dans la chrétienté).
Autre aspect important, celui de la spiritualité car, comme on l'a vu, ce sont en réalité les mêmes personnages qui se réincarnent sous des noms, genres et parfois même races différentes. Identifiés par la première lettre de leur prénom (respectivement K, I et B), ces personnages vont symbolisés tous les trois un tempérament différent de l'espèce humaine. de celui qui cherche à combattre activement l'injustice à celui qui tente constamment d'améliorer l'histoire par ses actes scientifiques/philanthropiques. Trois facettes de l'humanité et autant de façon d'aborder les avancées qui la concerne.

En prenant l'Islam comme religion/civilisation pivot, Chroniques des années noires permet à Kim Stanley Robinson de triturer le Coran et les paroles du Prophète Mahomet en tentant une critique raisonnée et constructive d'une religion monothéiste. L'originalité ici reste bien entendu qu'il s'agit du monde musulman et pas de la sempiternelle analyse occidento-centrée sur la Bible.
Dans son second chapitre, l'américain imagine par exemple l'existence d'une sultane, Katima, qui interprète le Coran par des yeux féminins et donne grandement à réfléchir sur la place de la femme au sein de l'Islam allant du port du voile à l'interdiction de prêche. Cette question de l'Islam et de son rapport aux femmes — qui illustre également de façon maligne la place de la femme au sein de toutes les religions monothéistes dictées et interprétées par les hommes — reviendra de façon périodique au cours du roman traversant les différentes périodes de doutes et d'avancées qui peuvent secouer les croyants d'une religion à travers les siècles. On la retrouvera notamment dans l'avant-dernier chapitre, Nsara, par l'intermédiaire d'une enseignante algérienne progressiste, Kirana. Ce rapport au religieux amène également à une autre préoccupation majeure du récit : la place de la femme.

Si l'on suit à de nombreuses reprises des personnages féminins au cours de Chroniques des années noires, c'est aussi parce que Kim Stanley Robinson fait de la condition féminine un indispensable de la progression intellecuelle et sociale de toute civilisation. Plus malin encore, il imagine la supériorité du peuple amérindien (avec la formation de la ligue des Haudenosaunees) qui met au premier plan le pouvoir et l'influence matriarcale, imaginant une société plus égalitaire que les autres mais sans tomber toutefois dans un angélisme béat. Si la découverte des Amériques intervient dès le troisième chapitre avec l'expédition perdue de l'amiral chinois Kheim, c'est pour donner une autre vision de ce qu'aurait pu devenir le continent américain s'il avait à la fois pu conserver son monde de vie ET s'il avait bénéficié d'une aide extérieur bienveillante — en l'occurrence le samouraï-puis-ronin Delouest. La place des femmes dans le roman semble donc aussi majeure que primordiale, renvoyant dos à dos la misogynie ordinaire de la société musulmane et de la société chinoise où les pieds deviennent le symbole discret de l'asservissement. Tout aussi puissant que le rapport à la richesse, la condition féminine s'affirme comme un marqueur de l'évolution sociale.

L'uchronie sert donc ici à explorer de multiples sujets de société et d'anthropologie. Grâce aux échos de notre propre ligne temporelle, de la contamination du Nouveau Monde par la Variole en passant par la boue des tranchées de la Longue Guerre, Kim Stanley Robinson tente de réfléchir sur notre propre histoire de façon ludique en changeant la forme de ses témoignages, des contes des Milles et Une Nuit à la naissance de la méthode scientifique. La science prend d'ailleurs une place centrale dans le roman car nombre des personnages de Chroniques des années noires s'intéressent aux faits scientifiques et à leur apport au monde. Que ce soit l'ex-alchimiste Khalid découvrant la vitesse de la lumière et le vide ou le Dr Ismail ibn Mani al-Dir qui dissèque les principes de l'anatomie et de la physiologie humaine. L'américain illustre de façon magistrale le rôle prépondérant de la science sur la progression des civilisations et la porte de sortie qu'elle incarne vis-à-vis de l'obscurantisme et de la violence… tout en pointant sa propension à devenir l'instrument du mal lorsqu'elle tombe entre de mauvaises mains (les obus aux gaz du grand Khan ou encore l'atome découvert Idelba). Fait notable, et fascinant, la science ici ne devient pas l'ennemi mortel de la religion. Kim Stanley Robinson n'arbitre pas entre les deux opposés mais cherchent à les réconcilier.

Car Chroniques des années noires, même à travers ses injustices et ses drames, se veut une grande réconciliation. Une réconciliation entre la science et le spirituel d'abord puisque Kim Stanley Robinson explique par le menu l'apport de l'amour et de la dimension religieuse débarrassée du dogme à l'humanité. Loin de rejeter en bloc la religion au profit de la science, l'américain prouve que les deux se complètent, délaissant les démons des deux camps au profit d'une fusion bienveillante et méliorative. C'est par exemple l'obsession de Kang et de son époux Ibrahim qui veulent prendre le meilleur des religions musulmanes et asiatiques pour en faire une réconciliation planétaire. C'est aussi l'objet de l'ultime chapitre, Les Premières années, où politique, religion, révolution s'effacent au profit de l'harmonie d'un vieil homme qui comprend l'absolue perfection d'un moment ordinaire et le besoin de tempérer les ardeurs de ses élèves les plus bouillants. Réconcilier les hommes et les femmes, la religion et la science, la vie et la mort, le grand et le petit, l'ordinaire et l'extraordinaire, c'est un peu le but fondamental de l'uchronie de Kim Stanley Robinson qui, pour autant, ne livre pas une utopie totale mais bien une proposition d'un monde autre, peut-être plus juste et plus conscient de lui-même mais assurément passionnant de bout en bout.

Chroniques des années noires incarne le meilleur de l'uchronie et consacre son auteur, Kim Stanley Robinson, comme un géant de l'écriture. Bien davantage qu'une expérience historique totale, le roman brasse des thèmes essentiels et traités avec une intelligence hors du commun. Son titre si maladroitement traduit devient donc le premier jalon d'un message primordial, un premier pas hors des années noires, vers les Lumières d'une humanité renouvelée et réconciliée.
Lien : https://justaword.fr/chroniq..
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Attention, chef d'oeuvre. Kim Stanley Robinson imagine la disparition de l'Europe – de sa culture, de ses populations –, anéantie par une épidémie de peste noire au Moyen-Âge. Dés lors, il nous conte 700 ans d'évolution d'un monde qui voient s'affronter les trois grandes civilisations de la Chine, de l'Inde et de l'Islam (avec une apparition des Haudenosaunee (Iroquois) d'Amérique en cours de route).

Ce nouveau monde est décrit avec un soucis des détails bluffant. Ainsi, pour ne prendre que des exemples évidents, le calendrier est le plus souvent musulman (l'an 0 correspond à l'an 622 de l'ère chrétienne), les distances sont mesurées en lis et l'énergie, y compris dans les considérations des physiciens du roman, est souvent nommée ki.

Pour éviter une prolifération des personnages qui nuiraient au récit, l'auteur a une idée originale : raconter les destins de trois personnages au grès de leur suite de réincarnations successives dans des corps d'hommes, de femmes, et parfois même, d'animaux. Ces trois personnages empruntent différents noms en fonction des époques, mais ils sont identifiables grâce à leur première lettre : K le révolté, I le savant et B le sage/naïf. Je trouve cette idée d'autant plus géniale qu'elle illustre à la perfection les pensées bouddhistes, religion et philosophie qui prend – logiquement – de la place dans l'univers du livre.

Ainsi, le livre est à la fois une chronique du monde qui court sur plusieurs siècles, et le conte de destinées individuelles. Beaucoup de thématiques sont abordées, du choc des civilisations à la place de la science, sans oublier la condition des femmes. Bravo spécial à l'auteur pour ce dernier point, car ce n'est pas si courant que ça de trouver de l'uchronie avec un parti-pris directement féministe, et ici Robinson le fait à la perfection. Il pointe très bien les contradictions de l'Islam notamment, entre possible levier de libération féminine et poutre du système patriarcal.

Malgré ce « pavé », le nombre de pages impressionnant, voilà donc un livre que j'ai fermé presque à regret tant la lecture m'avait enchanté. Je le répète : attention, chef d'oeuvre.
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Et si l'Europe ne s'était pas relevée de l'épidémie de peste noire dans les années 1347-1349 ? le monde aurait alors été dominé par les civilisations musulmane et chinoise, chacune cherchant à imposer ses vues dans tous les domaines, notamment religieux.
Chroniques des années noires est donc une uchronie qui, sur pas moins de 700 ans, reconstruit l'histoire du monde à travers dix incarnations de trois personnages. Reconnaissables par leur comportement et l'initiale de leur nom (il y a "B." le sage, "K." le révolté et "I." le savant), chaque destin individuel se répond à lui-même, et aux autres, montrant tout en finesse que le monde est en évolution permanente, que ce soit le fait d'un révolutionnaire ou d'une jeune femme naïve.
Ces 700 ans d'Histoire revisitée sont en outre complets. Tous les aspects de la vie en société sont analysés point par point, qu'ils soient politiques, économiques, scientifiques, religieux ou tout simplement humains. D'ailleurs les préoccupations de ce monde uchronique ne sont guère éloignées des nôtres, ce qui nous fait arriver à la conclusion qu'il importe peu que l'Amérique ait été découverte par la Chine, que le chemin de fer ait été inventé par l'Inde, ou que l'atome ait été isolé par les musulmans.
On en arrive ainsi au seul point négatif de ce roman : la traduction de son titre. Traduire "The Years of Rice and Salt" par "Chroniques des années noires" fait non seulement perdre le caractère évocateur du titre original (l'Islam est la civilisation du sel, la Chine celle du riz), mais fait aussi penser à un parti pris idéologique dans lequel il n'y aurait pas de salut possible dans une civilisation autre que judéo-chrétienne, ce qui est pour le moins douteux.
Mais ceci ne retire rien à l'impressionnant travail de Kim Stanley ROBINSON. Son érudition est au service d'une prose de grande qualité, volontairement axée sur la psychologie des personnages. Certains lecteurs se plairont à identifier les nombreuses références aux littératures orientales qui parsèment son roman (Ibn Khaldûn, Wu Cheng'en…), les autres apprécieront de participer à la réflexion sur le monde et la nature humaine à laquelle l'auteur nous invite. Un grand moment de lecture !
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Citations et extraits (43) Voir plus Ajouter une citation
On peut donc voir émerger des religions et des systèmes de pensée différentes selon le type de société où ils ont vu le jour. La façon dont les gens se nourrissent détermine leur façon de penser et leur type de croyance. Les sociétés agricoles croient aux dieux des pluies, aux dieux des semences, et généralement à tous les dieux affectant d'une manière ou d'une autre le travail des récoltes. Les peuples qui élèvent du bétail croient en un dieu berger, unique. Dans chacune de ces deux cultures transparaît la notion primitive de dieux aidant, tels des géants qui observeraient les hommes du haut des nuages, ou des parents choisissant au gré de leurs caprices qui récompenser, qui punir. Ce n'est que dans les sociétés les plus sûres et les plus avancées que l'on trouve des religions susceptibles d'affronter la réalité de l'univers, et de reconnaître qu'il n'y a pas de manifestations évidentes de dieu, sinon l'existence du cosmos même, ce qui veut dire que tout est sacré, qu'il y ait un dieu ou non pour nous regarder.
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Ce que je trouve intéressant, dans toutes ces religions des temps anciens, c'est que seul le Bouddha ne s'est pas proclamé Dieu. Les autres ont tous prétendu être Dieu ou le fils de Dieu, ou parler au nom de Dieu. Alors que le Bouddha s'est contenté de dire : il n'y a pas de Dieu. L'univers lui-même est sacré, les êtres humains sont sacrés, tous les êtres conscients sont sacrés et peuvent tendre vers l'illumination. Tout ce qu'il faut, c'est faire un peu plus attention au quotidien, aux petits riens de la vie, remercier et rendre grâce à chaque chose qu'on fait dans la journée. C'est la moins contraignante des religions. Ce n'est même pas une religion en fait, plutôt un mode de vie.
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Un jour, elle rentra à la maison en racontant l’histoire de nombreuses personnes qui étaient revenues à la vie peu après leur mort, parce que au ciel des scribes peu scrupuleux avaient mal écrit leur nom. Bold sourit. les chinois imaginaient qu'un ciel régnait une bureaucratie tout aussi compliquée et incompétente que la leur.
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Je ne vois aucun peuple sur Terre qui vive de bons sentiments. C'est d'ailleurs ce que devait voir Mahomet quand il regardait autour de lui : de la sauvagerie, partout, des hommes comme des bêtes. C'est pourquoi chaque sourate commence par un appel à la compassion.
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(...) Ceux qu'Hasan appelait les "on aurait gagné s'il n'y avait pas eu ces Arméniens, ces Sikhs, ces Juifs, ces Zott, bref toute cette racaille que nous vomissons!", en fait la foule des "on aurait gagné si le reste du monde ne nous avait pas flanqué la pâtée".
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Vidéo de Kim Stanley Robinson
RENCONTRE AVEC KIM STANLEY ROBINSON

Romancier et nouvelliste, Kim Stanley Robinson est peut-être le plus jeune de nos Grands Anciens. Son oeuvre magistrale dessine pour l'humanité à venir une carte indispensable des chemins de l'espace Rencontre avec celui qui est allé sur Mars.

Avec Kim Stanley Robinson Modération : Ugo Bellagamba
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