J'ai passé presque un mois avec ce troisième volet de la trilogie. J'avais adoré les deux premiers tome et là aussi je me suis régalé.
Je ne me suis jamais ennuyé, mais il vaut mieux savoir cela avant de s'y attaquer : les personnages s'éloignent progressivement de l'action, le véritable héros de l'histoire, c'est la science, et dans ce domaine, les tergiversations sont parfois poussée très loin.
J'avoue avoir été parfois perdu, comme dans le chapitre sur la neuro-chimie. En gros, si les revues scientifiques vous rebutent, Science & Vie, Science et Avenir, Pour la Science… ce livre ne sera pas pour vous. Mais pour autant, le romanesque n'est pas absent,
Kim Stanley Robinson dépeint des personnages complexes, riches, qui évoluent dans le temps, on passe d'un personnage central à un autre au cours de ces 750 pages.
Les décors sont décrits avec un précision chirurgicale, les couleurs, la roche, chaque moment est scientifiquement observé, sans pour autant oublier le lyrisme. L'écriture de Kim Stanley Robinson est un pur régal. Rien n'est oublié dans les détails, les mots sont choisi avec délectation, même les mots scientifiques compliqués ou issu du jargon spécialisé participent à la grandeur de l'aventure. le passage ou Nirgal, un natif de Mars découvre la terre raconte ses impressions, est racontée avec un réalisme très élaboré, en tenant compte des différences de couleurs, de sons, d'odeurs en fonction des atmosphères différentes, de la gravité différente. Chaque moment d'aventure est basé sur une base de connaissances empiriques, à chaque instant, Kims Stanley Robinson tient compte de la pression atmosphérique, de la vitesse du vent, de la nature du sol, de l'altitude, de l'ensoleillement. le réalisme est poussé au plus haut point, le terraforming semble absolument réel. de plus,
Kim Stanley Robinson ne se cantonne pas aux sciences dures, c'est aussi un livre politique, social et c'est peut-être là qu'il m'a le plus étonné. Là aussi, l'évolution politique est imaginée avec réalisme et précision, on est loin des histoires de Vizir qui veut prendre la place du Calife. C'est la structure de la société, son organisation, en tenant compte des tensions internationales (ou je devrais dire interplanétaires, mais ça serait trop schématiser, mais le terme de nation ne colle pas non plus), des phénomènes migratoires, de surpopulation, de rapport de force, d'économie qui sont ici décrits, observés, imaginés et proposés.
Kim Stanley Robinson revient aux origines de la science fiction qui proposait des modèles de société utopique, ou la présentation d'une nouvelle société servait à lancer de nouvelles idées pour modifier la nôtre, Micromégas de
Voltaire,
L'Utopie de
Thomas More, Les Voyages de Gulliver (Laputa)... J'ai d'ailleurs adoré le discours anticapitaliste de Vlad.
Politique, science, histoire romanesque,
Kim Stanley Robinson ratisse très large, immensément large, la trilogie dans son ensemble est sans doute le roman le plus ambitieux qu'il m'est été donné de lire, l'auteur a dû emmagasiner une somme considérable de connaissances, d'informations, dans tous les domaines, et jamais il n'a faibli, c'est du moins mon ressenti. Il s'est même permis quelques petites fantaisies : La romance amoureuse sous fond de physique quantique est un moment d'anthologie littéraire, et il y en a d'autres. le plus étonnant avec tout ça, c'est qu'en plus il nous aiguille vers une philosophie de la vie qui va en porte à faux avec tout ça, s'attachant aux petits riens qui font du bien, le vent sur la peau, la beauté d'une pierre, où les petits bonheurs simples sont tout aussi importants que les grandes avancées de l'humanité. Enfin la dernière partie du roman tourne autour de la mémoire, laissant l'oeuvre ouverte sur encore d'autres questionnements, ce qu'on laisse derrière nous, les regrets et les satisfactions, les émotions, les bonheurs, la notoriété...
Cette lecture m'a pris beaucoup de temps, mais j'ai eu l'impression de lire un dizaine de romans au moins, plus quelques articles scientifiques et politiques, et d'en ressortir plus grand, plus riche, avec, au passage, beaucoup d'émotions. Je comprends que le manque d'action et les longueurs aient pu décevoir certains lecteurs, mieux vaut s'attaquer à cette lecture en connaissance de cause et se préparer à l'apnée littéraire de longue durée. C'est une “oeuvre somme” qui traite de tout sous fond de terraforming de Mars.
J'avais comparé les deux premiers tomes aux deux premiers livres de la Bible (la Genèse et l'Exode), ici le lien est moins évident, mais il est toujours question de la naissance d'un Monde, sans mysticisme ridicule, sans mégalomanie mal placée, seulement du génie.
Bref, c'est énorme !