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EAN : 9782867467080
144 pages
Liana Lévi (06/02/2014)
3.77/5   15 notes
Résumé :
"Je savais que nous étions en guerre", ainsi commence Petits Combattants, monologue intérieur d'une fillette d'une dizaine d'années qui retrace ce qu'il est advenu d'elle et de son petit frère après que leurs parents, militants de gauche, ont été "emmenés" au début de la dictature militaire argentine, tandis qu'eux dormaient. Après que "le Pire" a eu lieu, ils sont recueillis par un oncle et une tante, fervents communistes, à Buenos Aires.
Avec eux vivent le... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (10) Voir plus Ajouter une critique
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Quand je suis arrivée en Argentine en 1984, la démocratie avait à peine six mois. La littérature argentine, à l'époque, c'était surtout Borges et Cortazar, et juste en dessous en termes de notoriété, Bioy Casares, Manuel Mujica Lainez et Horacio Quiroga. Ce qu'ils écrivaient était magnifique mais se démarquait du reste de la littérature latinoémaricaine de l'époque par son côté jeux intellectuels. Qui les a lus sait que les références littéraires sont nombreuses, alors qu'on pouvait lire Garcia Marquez, Isabel Allende ou Vargas Llosa sans être un spécialiste de la bible, d'Edgar Poe ou de tout ce qui sous tend les contes de ces écrivains argentins. Trente ans plus tard, la littérature argentine est sortie de l'ombre immense de Borges et Cortazar, et on y trouve aussi bien du polar, du roman historique, du roman d'amour, que du roman sur cette époque très particulière qu'est la dictature de Videla.
"Petits combattants" s'inscrit dans cette dernière frange, comme "Manèges" de Laura Alcoba, ou "Kamchatka" de Marcelo Figueras. Voilà trois romans qui traitent de ces sujets extrèmement difficles à mettre en mots que sont les enlèvements d'opposants au régime, les disparitions, et comment certains enfants de ces opposants ont été élevés par les bourrreaux de leurs parents sans connaître leurs origines. Dans ce roman, la narratrice et son petit frère dormaient quand les militaires sont venus enlever leurs parents. "Comment ai-je pu continuer à dormir dans tout ce vacarme"? ne cessera-t-elle de se demander plus tard. On apprendra que son père avait une arme mais qu'il a sans doute choisi de ne pas déclencher un échanges de tirs pour que les enfants survivent.
Ils vont survivre, oui, élevés par leur oncle, leur tante, et leurs deux grand-mères, dont une, juive, qui est une rescapée du ghetto de Varsovie. Ils vont aller à l'école, s'amuser, rire et nous faire rire, mais nous serrer la gorge aussi, quand ils posent soudainement des questions aux adultes qui font que d'un seul coup les plats tombent, l'oncle sort, la grand-mère se met à lancer des imprécations en yiddish, sous l'oeil clinique de cette petite fille qui se dit que décidément, on les a confiés à des adultes qui ne sont pas très raisonnables. On pourrait être dans le Petit Nicolas, où le héros de Sempé et Goscinny et ses copains provoquaient eux aussi ce genre de réactions chez les adultes, avec la maman qui éclatait en sanglots ou le Bouillon qui levait les bras au ciel. Là on a un pauvre sourire et la gorge serrée.
Le roman est court et suit le parcours d'une réalisation terrible. Non, ces deux enfants ne sont pas les héros d'un conte de fées. Non, leurs parents ne sont pas perdus dans une forêt, et incapables de revenir vers eux parce que les coups et la peur les auraient rendus amnésiques. Non, il ne suffira pas pour les retrouver que la narratrice garde sa tignasse, cette tignasse qui lui vaut tant de moqueries, mais qu'elle tient de sa mère, et dont elle est sure que n'importe où dans le monde, il suffira que sa mère la voit pour retrouver la mémoire et donc ses enfants.
Le mot "morts" mettra très longtemps à être prononcé, puis à être accepté. Entre temps, la narratrice aura eu le temps de tomber amoureuse d'un garçon "au niveau de conscience vraiment pas élevé" (traduction : qui n'est pas communiste -un des meilleurs chapitres du livre-), elle aura passé des vacances dans les Andes dans la partie de sa famille où tous ses oncles sont policiers et militaires (la fameuse grand-mère juive l'empêchera in extremis d'aller leur demander s'ils ne savent pas où sont ses parents, vu qu'ils sont forcément bien informés), puis à la mer, où elle et son petit frère, ébahis, verront arriver dans le port un énorme bateau de marchandise avec la faucille et le marteau de l'URSS. Alors la lutte continue quelque part, se diront-ils, dans ce qui est là aussi un des plus beaux passages du livre.
La lutte continue en effet pour Raquel Robles, à la fois avec l'association HIJOS, qui se bat pour retrouver tous les disparus et tous les enfants kidnappés à l'époque, et dans ce livre, où elle a réussi à faire de son vécu et du vécu d'autres enfants dans son cas non pas une liste de moments poignants mais une oeuvre littéraire.

Lien : http://www.lexpress.fr/cultu..
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Un matin, en se réveillant, une petite fille et son jeune frère découvrent que leurs parents ont disparu. "Ils les ont emmenés", pour le Pire. Communistes au temps de Peron (ou Videla ?) au Chili, c'est vivre avec ce risque. Les enfants iront chez leur oncle et tante, entourés de deux grands-mères un peu fofolles, l'une rescapée de Varsovie, l'autre rongée par la tristesse. Avec le souvenir de leurs parents et l'espoir de la Révolution, les enfants tiennent, face à la peur et aux difficultés.
Les enfants sont forts, droits. La fille, la narratrice (nous ne connaîtrons leurs prénoms), pense être investie d'une mission qu'elle ne connaît pas encore. Elle attend un signe des camarades. En attendant, elle s'entraîne, avec son frère, pour en être digne, pour ne pas les trahir, pour ne pas se trahir aux yeux de l'Ennemi. Elle sait ce qu'ils risquent. Puis au fil du roman, un changement subtil : cette volonté se craquelle et réapparaît la petite fille de 10ans, qui peut avoir du chagrin, tomber amoureuse... Sans abandonner ce qu'elle nomme sa conscience, elle accepte petit à petit l'inéluctable.
Un roman court et poignant. Merci à Babelio et aux éditions Liana Lévi.
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On ne saura jamais son prénom. Ni son âge. Mais comme l'auteure, la narratrice de Petits combattants a grandi dans l'Argentine de Perón. Elle a connu le "Pire" : une nuit, ses parents, communistes, ont été enlevés. Elle tente de continuer à vivre en suivant leur modèle, d'être fidèle à la Révolution, d'être forte pour son petit frère. Tenaillée par l'espoir de retrouver un jour son papa et sa maman.

C'est un roman bref mais très émouvant que nous propose Raquel Robles avec Petits combattants. Elle décrit avec beaucoup de justesse l'enfance d'une fillette qui essaie de rester digne et courageuse après l'impensable. Une enfant qui ne peut accepter la disparition de ses parents et qui tient absolument à continuer malgré tout à se battre avec son frère, son complice. L'auteure parvient à lui donner une voix et des expressions d'enfant révoltée, qui s'accroche à ce qu'elle sait, sans jamais verser dans le pathos. Jamais elle ne cherche à s'apitoyer sur elle-même. Au contraire. Raquel Robles évite ainsi avec talent les clichés et le ridicule pour nous proposer un récit très vivant, bouleversant et paradoxalement drôle.

C'est une véritable pépite (repérée grâce à l'opération Masse Critique de Babelio, que je remercie chaleureusement) que nous proposent les éditions Liana Levi avec ce roman extrêmement fort. Une très belle découverte.
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Entre 1976 et 1983, Raquel Robles, comme beaucoup d'enfants argentins a vécu l'horreur : la disparition de ses parents, enlevés par la dictature argentine.
La petite fille dont on ne connaitra pas le prénom, a 6 ans lorsque ses parents sont brutalement enlevés à leur domicile en pleine nuit, alors que leurs enfants dorment : à la tristesse d'avoir perdu ses parents, s'ajoute la culpabilité de ne pas s'être réveillée. Confiés avec leur grand-mère à des oncles et tantes, les enfants vivent dans le non-dit et la tristesse des adultes, espérant le retour de leurs parents.
Très consciente de l'engagement politique de ses parents, la petite fille décide d'entrer en résistance et de former son petit frère au combat contre l'Ennemi.
Sans aucune mièvrerie, avec beaucoup de délicatesse et d'humour, Raquel Robles aborde le thème de l'enfance confrontée à l'adversité, une enfance grave et extrêmement consciente du danger, mais cependant pleine d'espoir. Bien écrit et très touchant.
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« Petits combattants » de Raquel Robles
En 1976, la dictature militaire s'installe en Argentine, avec ses innombrables « disparus », ses fusillés, ses prisonniers politiques et ses nombreux exilés. « le Pire » est une fable dans laquelle longtemps la narratrice se réfugiera : « j'ai pensé qu'on m'avait frappée et que je m'étais évanouie ». En fait ses parents, des combattants simples citoyens, étaient hissés dans une voiture vert olive et disparaissaient en pleine nuit. Aurait-elle pu ne rien voir ?!? Avec leur grand-mère juive, survivante du ghetto de Varsovie, dont la douleur « occupe toute la tête », ils sont recueillis par leur oncle et tante. Cela se passe comme s'il y avait eu un incendie et qu'ils avaient tout juste sauvé leurs vies, sans rien emporter avec eux. Désormais ils appartiennent à une famille à qui le « Pire » est arrivé. La Petite est à l'école primaire et son frère en maternelle. Ils avaient reçu la meilleure éducation politique et ont l'étoffe de leaders. Ils vont savoir se dominer, ne pas pleurer, dissimuler, résister et dans ce camouflage tous vont trouver leur compte. Ils vont aussi s'efforcer à ne pas se laisser surprendre par le moindre souvenir, sans toutefois toujours y parvenir. Ce roman se situe dans la tête et dans le corps d'une enfant d'une dizaine d'années, très volontaire et courageuse, dotée d'une grande maturité, déjà investie par une forte conscience politique. Ces Petits sont des combattants portés par l'espoir de retrouver un jour leurs parents. La fin inéluctable, longtemps repoussée, se dessine au fil des dernières pages. Ce roman porte un regard puissant et sensible sur une enfance volée. A cette même époque les paroles de Françoise Dolto envahissaient les ondes de la radio française, et à n'en pas douter, ces enfants auront accompli un acte de résilience si cher à l'un de nos autres psychiatres, Boris Cyrulnik.

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critiques presse (1)
Actualitte
26 mars 2014
Il y a de la gravité dans ce récit mais la tonalité, à hauteur d'enfant, l'apaise et la contient, réduit l'intensité dramatique et, de ce fait, plus subtilement sans doute et sans manœuvre affectée interpelle le lecteur avec justesse et en profondeur.
Lire la critique sur le site : Actualitte
Citations et extraits (7) Voir plus Ajouter une citation
« Petits combattants » de Raquel Robles
En 1976, la dictature militaire s’installe en Argentine, avec ses innombrables « disparus », ses fusillés, ses prisonniers politiques et ses nombreux exilés. « Le Pire » est une fable dans laquelle longtemps la narratrice se réfugiera : « j’ai pensé qu’on m’avait frappée et que je m’étais évanouie ». En fait ses parents, des combattants simples citoyens, étaient hissés dans une voiture vert olive et disparaissaient en pleine nuit. Aurait-elle pu ne rien voir ?!? Avec leur grand-mère juive, survivante du ghetto de Varsovie, dont la douleur « occupe toute la tête », ils sont recueillis par leur oncle et tante. Cela se passe comme s’il y avait eu un incendie et qu’ils avaient tout juste sauvé leurs vies, sans rien emporter avec eux. Désormais ils appartiennent à une famille à qui le « Pire » est arrivé. La Petite est à l’école primaire et son frère en maternelle. Ils avaient reçu la meilleure éducation politique et ont l’étoffe de leaders. Ils vont savoir se dominer, ne pas pleurer, dissimuler, résister et dans ce camouflage tous vont trouver leur compte. Ils vont aussi s’efforcer à ne pas se laisser surprendre par le moindre souvenir, sans toutefois toujours y parvenir. Ce roman se situe dans la tête et dans le corps d’une enfant d’une dizaine d’années, très volontaire et courageuse, dotée d’une grande maturité, déjà investie par une forte conscience politique. Ces Petits sont des combattants portés par l’espoir de retrouver un jour leurs parents. La fin inéluctable, longtemps repoussée, se dessine au fil des dernières pages. Ce roman porte un regard puissant et sensible sur une enfance volée. A cette même époque les paroles de Françoise Dolto envahissaient les ondes de la radio française, et à n’en pas douter, ces enfants auront accompli un acte de résilience si cher à l’un de nos autres psychiatres, Boris Cyrulnik.

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Je savais parfaitement que la religion était l’opium du peuple. Je n’étais pas bien sûre de ce qu’était l’opium, sans doute quelque chose de très mauvais, qui une fois avalé par le peuple retardait irrémédiablement le Processus révolutionnaire. Non seulement dieu n’existait pas, mais croire en son existence nous causait du tort à tous. Je savais aussi que nous étions en train de traverser une période de Résistance et qu’il fallait dissimuler. Il était évident que le Peuple avait l’opium sur l’estomac parce que le Processus révolutionnaire était très en retard. Et personne ne semblait se rendre compte que la Révolution était au bout du chemin. Il se pouvait que les activités de simulation soient en train de porter leurs fruits, mais c’est justement là le problème de la clandestinité : il n’y a personne à qui poser la question. (p. 27)
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Les souvenirs sont facétieux, ils n’en font qu’à leur tête. Quand tu veux te souvenir de quelque chose, tu peux t’y appliquer toute la nuit et il ne se passe rien ; quand tu es occupée à autre chose, pan ! il en apparaît un et c’est comme si un inconnu te collait une gifle en pleine rue sans raison. On a beau s’être entraîné tous les jours pendant longtemps, c’est peine perdue. (p. 65-66)
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Le cerveau a la dimension de l'usage qu'on en fait. Si on l'utilise peu, les neurones inemployés meurent petit à petit; et si on l'utilise beaucoup, ceux qui sont endormis peuvent même se désengourdir. (p39)
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Avec l'Ennemi, on perd quand on ne gagne pas, c'est pour ça que ma grand-mère n'a pas voulu prendre de risque. Quand on a presque tout perdu, ce qui nous reste est très important : c'est ce qui fait qu'on n'a pas tout perdu.
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