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EAN : 9782832111352
262 pages
Slatkine (19/08/2022)
4.12/5   4 notes
Résumé :
À l’âge de 15 ans, avec les encouragements de sa mère, Chiara passe un casting et décroche un rôle important au cinéma. Dès lors, un monde nouveau s’ouvre à elle. Un monde envoûtant qui répare certaines blessures, mais en ravive d’autres. Comment parvenir à un équilibre quand on a soif de reconnaissance et qu’on place son bien-être dans le regard d’autrui ? Sur les conseils de son agent, Chiara Mastrini deviendra Aure Carmin afin d’éviter la confusion avec une autre... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (3) Ajouter une critique
«Elle voulait devenir quelqu'un»

Poursuivant en parallèle sa carrière d'autrice et de comédienne, Anne-Frédérique Rochat a choisi de raconter le parcours d'une actrice qui découvre le monde du cinéma à quinze ans dans son nouveau roman. Avant de la retrouver plus tard, à l'heure du bilan.

Le grand jour est arrivé. Chiara s'est préparée avec sa mère pour être parfaite lors de l'audition organisée pour trouver l'actrice qui jouera le premier rôle du nouveau film de Baldewski, un réalisateur désormais très en vue. Et après quelques sueurs froides, elle décroche le rôle. Maggy peut offrir le champagne à ses filles, elle qui voit Chiara réaliser son rêve et se dit que ce premier succès pourra peut-être sortir Line de son obsession, elle qui qui se prend pour Mylène Farmer et ne vit que pour son idole.
Mais pour l'adolescente, ce premier rôle est aussi l'occasion de constater combien ses copines de classe la jalousent désormais. Car elle n'était pas seule à participer au casting et se retrouve bien malgré elle dans la position de celle qui les a privées de leur rêve. Pour Claire, qui sera elle aussi évincée, c'est la fin d'un rêve. Insupportable. Quelques jours plus tard, elle mettra fin à ses jours.
Une fin tragique qui coïncide avec la distance que vont prendre ses amies et que Chiara va particulièrement ressentir lors d'une fête d'anniversaire chez Raphaëlle. Son malaise grandissant s'atténuera à peine lorsqu'elle testera avec François, le grand frère de Raphaëlle, ce que cela fait de se donner un baiser. Avant le tournage, elle avait envie de savoir ce qui l'attendait. Les semaines et les mois qui vont suivre seront marquées par un travail intense, des tournages réguliers et un fossé qui va s'élargir toujours davantage avec sa «vie d'avant», celles de l'enfance et des copines. «Elle devait y croire, sinon qui le ferait pour elle? Elle travaillerait dur pour ça, accepterait de courir les castings, de vivre chichement, elle donnerait TOUT, toute sa vie, son temps, son énergie, ses espoirs, oui, elle se consacrerait entièrement à son art. Rien d'autre n'aurait d'importance. Elle voulait devenir quelqu'un.»
Dans la seconde partie du roman Chiara Mastrini, «dont le nom ressemblait trop à une autre actrice», est désormais Aude Carmin. L'actrice partage sa vie avec un acteur bankable Tom Barlier chez qui elle a élu domicile. S'il est régulièrement à l'affiche de grosses productions, elle ne décroche plus guère de contrats. Et ses rôles se limitent à des oeuvres confidentielles. Une période difficile dont elle ne voit pas l'issue et qu'elle essaie de noyer dans l'alcool. «Par moments, elle avait l'impression de vivre à côté de sa vie ou au bord d'une immense piscine dans laquelle elle voyait les autres plonger, tandis qu'elle restait en retrait à les observer.»
À moins que Tom ne puisse parvenir à convaincre un réalisateur de la faire tourner avec lui. Après tout, c'est peut-être une bonne idée de les réunir sur un film…
Comme dans Longues nuits et petits jours, son précédent roman qui racontait comment Edwige tentait de surmonter une difficile rupture en partant s'isoler dans un chalet de montagne, Chiara va chercher comment s'en sortir. C'est le registre dans lequel excelle Anne-Frédérique Rochat. Avec ces détails, ces annotations toujours très justes qui disent le désarroi et la souffrance, on voit Chiara se débattre, à la fois tenter de se délester d'un passé traumatisant et espérer le retrouver, quand tout était encore possible, quand les rêves berçaient la vie de sa mère Maggy et de sa soeur Line. Roman de la désillusion et de la fragilité, Quand meurent les éblouissements est aussi le roman de la maturité d'une romancière dont Luce Wilquin, sa première éditrice qui vient de disparaître, avait senti dès 2012 tout le potentiel.


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L'éblouissement pour l'écriture de cette autrice est loin d'être mort ! J'avais adoré le livre précédent de cette autrice (« Longues nuits et petits jours ») et je remercie une fois encore les Editions Slatkine grâce à qui je continue de découvrir cette autrice.
Je suis à nouveau tombée sous le charme de cette écriture pleine de sensibilité et de finesse, qui véhicule des doutes et des émotions.
J'ai ressenti ce livre comme un roman d'apprentissage ; pas seulement d'un métier – celui d'actrice – mais surtout de la vie, avec ses espoirs, ses rêves , ses difficultés, ses doutes, ses envies, ses amitiés de jeunesse, ses trahisons.
Et surtout la confrontation avec ses doubles… Une meilleure amie qui est tellement proche qu'elle porte un prénom miroir ( Chiara-Claire) jusqu'au moment où le miroir va se briser en milles morceaux , une soeur qui imite à tel point son idole, la chanteuse Mylène Farmer, qu'elle va se perde dans un monde irréel où tout tourne autour de sa fascination, une vie dans laquelle elle n'est plus elle-même … au point de ne plus être appelée par son nom et prénom mais par son pseudo… et quel pseudo… Aure Carmin … Or et rouge… Alliance de la lumière et du pouvoir… Aure, un prénom qui signifie « en or » semble bien lourd à porter. Tout ce qui brille n'est pas en or… la réalité et les apparences sont souvent deux choses bien différentes… Comment une jeune fille qui vient d'un milieu peu stable, poussée vers la lumière par une mère quittée par son mari, qui fabrique des poupées de chiffon à l'image des célébrités et rêve de voir sa fille en haut de l'affiche, alors qu'elle-même a raté sa vie pourra-t-elle survivre sous le feu des projecteurs, dans un monde qui n'est pas le sien si elle n'arrive pas à se sentir bien dans sa peau…
Vivre dans la peau des autres, vivre dans un environnement qui ne lui correspond pas, ne jamais se sentir chez elle, se glisser dans la vie de personnages, c'est une chose…Mais comment réattérir dans la vraie vie, dans sa peau à soi, et non pas dans les chaussures d'une autre ? Même le sujet de la gémellité – être soi et une autre – est évoqué ici (deux fillettes)
Chiara arrivera-t-elle à se décoller de Claire ? Parviendra-t-elle à être Chiara et à se séparer de Aure ? Parviendra-t-elle à survivre dans ce monde de faux-semblants, et vivre sa vie au lieu de sombrer dans l'alcool et la désespérance ?
Une réflexion sur le succès, sur le regard que les autres portent sur vous et que vous portez sur vous et sur les autres, sur la difficulté de percer dans le monde du cinéma, sur l'importance de l'image, sur la peur de vivre aussi.
Un magnifique moment de lecture, entre soleil et obscurité, entre éblouissement et passage dans l'ombre…
J'ai énormément aimé ce roman.
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Chiara Mastrini a 15 ans. Elle vit sa vie d'adolescente avec ses amies, Claire, Raphaëlle et Cynthia. Entre une mère qui confectionne des poupées de chiffon peut-être pour combler le vide depuis le départ de son mari et sa soeur, Lise, qui ne jure que par Mylène Farmer, au point d'en prendre l'apparence.

Le cinéaste "Charles Baldewski" recherche celle qui incarnera le rôle de "Lina" dans son prochain film d'auteur "Le carousel".

C'est l'occasion pour Maggy, la mère de Chiara de vivre enfin son rêve par procuration ! Elle prépare sa fille à l'audition... Chiara ignore que son amie Claire, elle aussi auditionne. C'est Chiara qui est choisie pour le rôle. Claire mettra fin à ses jours de désespoir... C'est difficile pour Chiara de vivre cela, tout devient compliqué avec ses amies.

Qu'à cela tienne, Chiara a décidé d'embrasser la vie d'actrice quoi qu'il en coûte, elle changera même de nom à la demande de son imprésario, elle perd son identité devenant "Aure Carmin". Être une autre continuellement, c'est ce qu'elle veut non ! c'est ça la vie d'actrice, être prête à tout pour devenir célèbre.

On va suivre son parcours avec ses hauts et ses bas !

Apprentissage, initiation, à la vie, au métier d'actrice mais : comment faire pour rester soi-même ?
La vie n'est pas simple, elle joue aux montagnes russes, la gloire, le succès, l'ivresse pour toucher le fond, essayer de survivre avec soi-même et retrouver la force de rebondir.

Double personnalité ? Comme pour Lise, sa soeur qui s'enlise dans le personnage de Mylène Farmer son idole pour ne pas voir la réalité, comme Maggy sa mère qui vit sa vie par procuration.

C'est une plume magnifique comme toujours, pleine de tendresse et de profondeur, qui par touches délicates nous fait rentrer dans la complexité de l'âme humaine, entre ce monde réel et imaginaire.

Une jolie plume à découvrir !

Ma note : 9/10

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Citations et extraits (42) Voir plus Ajouter une citation
(Les premières pages du livre)
– Mets ta plus belle robe, lui avait dit sa mère.
Chiara avait hésité un moment. Quelle était sa plus belle robe ? Elle en avait essayé plusieurs, s’était observée dans le miroir avec attention, avant d’opter pour la bleu marine. Mais, lorsqu’elle était redescendue à la salle à manger, Maggy avait déclaré froidement que ça n’allait pas du tout, du tout, que cette robe était trop austère, qu’elle pensait plutôt à la verte avec les boutons en nacre.
– Tu es sûre ? avait demandé Chiara.
– Certaine. Fais-moi confiance.
Elle était remontée dans sa chambre et s’était changée. La verte faisait ressortir sa poitrine et dévoilait ses cuisses, ce qui l’embarrassait. Elle avait du mal à s’habituer aux regards de plus en plus insistants qui glissaient le long de son corps.
– Tu es prête ? cria sa mère depuis le bas de l’escalier.
Chiara voulut répondre que oui, mais ce qui sortit de sa bouche ressembla plus à une sorte de râle rauque. Une angoisse la saisit. S’était-elle enrouée en allant dans le jardin après le petit-déjeuner ? Doucement et avec inquiétude, elle commença à réciter le début de son texte, le texte qu’elle allait devoir recracher (au pis), interpréter (au mieux) l’après-midi même devant le réalisateur qui organisait l’audition. C’est toi qui as fait de moi ce que je suis aujourd’hui. Mes yeux, mes cheveux, mes choix, mes peurs, mes pleurs, c’est à toi que je les dois. Personne d’autre. Par chance, les répliques jaillirent de sa bouche avec une clarté et une fluidité qui l’émerveillèrent. Sa voix était là, elle ne l’avait pas perdue, et ses cordes vocales vibraient avec sincérité et émotion sous l’impulsion des mots que sa mémoire faisait affluer sans effort. Elle avait beaucoup travaillé pour en arriver là. Elles avaient beaucoup travaillé, sa mère et elle, pour atteindre cette dextérité, cette liberté du verbe et de la pensée. Tu as transformé mon visage, mes rêves, mes goûts, tu es entré dans ma vie et tu as tout chamboulé, tu ne peux pas me laisser, c’est toi l’adulte, toi le grand, je ne suis qu’une fichue gamine, tu te rappelles…
– Qu’est-ce que tu fabriques ? On va être en retard, si tu continues de lambiner !
Maggy était dans l’encadrement de la porte, plus maquillée qu’à l’accoutumée. Elle avait quitté l’éternel training dans lequel elle faisait toutes ses activités. Conduire, jardiner, cuisiner, bricoler, laver, nettoyer, éduquer, écouter, aller en courses, dessiner et coudre ses poupées. Ah ! ses poupées ! Il y en avait partout, de la cave au grenier, des poupées, des poupées, des poupées. La mère de Chiara avait pour passion de donner vie à de vieux bouts de draps ou de tissus en les remplissant d’ouate, en y cousant des cheveux en laine, des yeux en boutons et en les habillant de petits vêtements confectionnés spécialement pour eux. Maggy avait même un site internet où elle essayait de les vendre, mais, hélas, ses poupées qui avaient l’air de sortir d’une autre époque n’intéressaient pas grand monde et continuaient d’envahir toute la maison. Les voisins chuchotaient en ricanant que le mari était parti quelques années auparavant à cause de l’invasion, dans son foyer, des poupées. Depuis, M. Mastrini payait à son ex-femme une pension généreuse qui lui permettait de se consacrer entièrement à l’éducation des filles et à la création de ses fameux poupons de chiffon. En dehors de cette somme d’argent qui tombait chaque mois sur le compte en banque de la mère, le père ne donnait plus grand-chose. Une nouvelle femme et des jumelles, nées de cette union, accaparaient toute son attention.
– Cette robe est parfaite, mais redonne-toi un coup de brosse, et puis mets une pince, qu’on voie tes yeux. C’est très important, les yeux, au cinéma. Oh ! je vais t’appliquer du mascara volumateur sur les cils, ça t’ouvrira le regard !
– Maman, je peux le faire.
– Non, je m’en occupe, il faut absolument éviter les paquets.
Dans le miroir de la salle de bains, Chiara eut du mal à se reconnaître : en plus des cils, sa mère avait coloré ses lèvres, ses paupières et ses joues avec insistance.
– Ce n’est pas un peu trop voyant ? demanda-t-elle.
– Mais non, c’est exactement ce qu’il faut ! Allez, on devrait déjà être parties ! Coiffe-toi et rejoins-moi dans la voiture, je t’attends devant la maison !
Ses cheveux ne se laissèrent pas dompter facilement, elle les avait lavés et il y avait toujours une bosse inesthétique sur le devant. Elle s’agaça un moment, avant d’accepter cette imperfection capillaire contre laquelle elle n’avait plus le temps de lutter. Lorsqu’elle descendit l’escalier – en se tenant à la rambarde pour ne pas trébucher avec ses chaussures à talon qu’elle portait rarement, préférant les baskets –, elle imagina des flashs, une foule criant son nom, réclamant un regard, un sourire. Peut-être bien que ça lui plairait de faire du cinéma, de devenir célèbre et d’être admirée, aimée par des gens qu’elle ne connaissait pas. C’était sa mère qui avait vu l’annonce dans le journal, quelques lignes qui disaient qu’on cherchait une jeune fille de quinze ans pour jouer un rôle important dans un long-métrage qui se tournerait dans la région l’automne suivant. Elle n’avait jamais joué la comédie, mais lorsque Maggy lui avait proposé de se présenter à l’audition, au casting, elle avait accepté sans hésitation. « Oh ! tu sais, moi, ça aurait été mon rêve, de faire du cinéma, lui avait-elle dit, mais je suis tombée enceinte de toi si rapidement, j’ai épousé ton père et il a fallu vite, vite trouver du travail. À l’époque, il ne gagnait pas ce qu’il gagne aujourd’hui. » Oui, c’était son rêve à elle aussi, maintenant ça lui apparaissait comme une évidence, c’était ce qu’elle souhaitait faire de sa vie : du cinéma. Dire des répliques qui ne lui appartenaient pas et tenter, à travers elles, de faire passer des sentiments pour émouvoir les gens.
– Dépêche-toi, c’est pas possible d’être aussi lente, c’est la chance de ta vie, ce casting (Maggy prononçait toujours ce mot avec une espèce de mauvais accent américain qui disait son rêve et sa méconnaissance de ce monde-là), tu t’en rends compte ?
Chiara acquiesça, entra dans la voiture, attacha sa ceinture de sécurité et plaça ses mains à plat sur sa robe verte. Elles étaient moites, elle les essuya discrètement sur le tissu.
Dehors, il faisait froid, et ce qu’elle portait sous son manteau d’hiver était une simple robe d’été. Elle essayait de se réchauffer en sautillant sur le trottoir.
– Tu sais, mon cœur, dans le cinéma c’est souvent comme ça, on joue qu’on a très chaud alors qu’en réalité il fait très froid, il faut savoir tricher, déclara sa mère en sortant de son sac le papier sur lequel elle avait noté l’adresse. On a rendez-vous au numéro 35, ce doit être là-bas, juste après la boulangerie.
Elles s’approchèrent de l’immeuble. C’était une vieille bâtisse qui aurait mérité un rafraîchissement. Chiara avait imaginé quelque chose de plus clinquant.
– Tu es sûre ?
– Oui, oui, c’est là! s’exclama Maggy.
Et elle poussa une lourde porte qui grinça. Mère et fille montèrent un escalier en marbre ébréché, il n’y avait pas d’ascenseur dans cette construction de 1900.
– C’est à quel étage ? demanda Chiara, craignant d’arriver transpirante à son audition.
Elle préférait le mot « audition » au mot « casting », sans savoir pourquoi.
– Au deuxième.
Elles continuèrent de grimper, au même rythme, avec solennité.
Dans un long couloir aux murs défraîchis, meublé de chaises en bois branlantes, des dizaines de jeunes filles attendaient – maquillées pour la plupart –, accompagnées ou non, que quelqu’un vienne les chercher.
– Tu crois qu’elles sont toutes ici pour le film? murmura Chiara à l’oreille de sa mère, oreille à l’intérieur de laquelle elle se serait volontiers réfugiée si elle avait été suffisamment petite, pour retrouver la chaleur rassurante qui l’avait enveloppée durant sa période in utero.
– J’imagine.
– Je ne savais pas qu’il y avait autant de filles de mon âge qui rêvaient de faire du cinéma.
Et toutes lui ressemblaient, alors comment faire la différence ? Comment se faire repérer (c’était un mot de Maggy, depuis qu’elle l’avait inscrite à l’audition, elle n’arrêtait pas de lui répéter que l’important était qu’elle se fasse repérer. Ce mot engendrait chez Chiara de drôles d’angoisses et donnait lieu à des rêves curieux où une sorte de laser rouge parcourait la ville à sa recherche). Son téléphone portable sonna, deux notes aiguës annonçant l’arrivée d’un message. Elle ouvrit la poche intérieure de son sac, sortit l’appareil et passa un doigt fébrile sur l’écran. Merde, comme on dit, pour ton casting, je t’aime grande sœur.
– C’est Lise, pour l’audition.
– Le casting, rectifia sa mère. Ah ! c’est bien, j’avais peur qu’elle oublie, elle a un gros test de math en fin de matinée.
Chiara renvoya un gentil message à sa sœur pour son test, puis mit son téléphone sous silence et le rangea.
Plus d’une heure s’écoula au milieu des odeurs de parfum mêlées à celles de transpiration, une transpiration âcre produite par la peur. Le front habituellement lisse des jeunes filles était marqué du sceau de l’inquiétude, ce qui les vieillissait de quelques années. Chiara sentait ses joues brûler. À croire qu’un feu consumait ses pommettes. Je dois être affreuse, toutes les autres filles doivent se rassurer en me regardant, songeant avec fierté qu’elles ont l’air mille fois plus fraîches et décontractées que moi.
– Il faut que j’aille au petit coin, dit-elle à voix basse.
– Profites-en pour te repoudrer, ordonna sa mère.
Ce qui donna à Chiara le désir de partir en courant et de se retrouver dans le parc d’à côté pour écouter les oiseaux, juste les oiseaux, parce qu’après tout qu’est-ce qu’elle en avait à fiche de faire du cinéma ? Oui, elle était rouge, écarlate même probablement, plus écarlate que personne ne l’avait jamais été, et alors ? Elle était assez grande pour s’en rendre compte, n’avait pas besoin des remarques aigrelettes
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Elle devait y croire, sinon qui le ferait pour elle? Elle travaillerait dur pour ça, accepterait de courir les castings, de vivre chichement, elle donnerait TOUT, toute sa vie, son temps, son énergie, ses espoirs, oui, elle se consacrerait entièrement à son art. Rien d’autre n'aurait d'importance. Elle voulait devenir quelqu'un. Et si elle n’y arrivait pas? Son reflet ricana.
— Chiara, tout va bien? demanda Raphaëlle de derrière la porte.
— Oui, oui, je te rejoins tout de suite. p. 108
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Elle continuait d’avancer, s’enfonçant dans la pénombre. Elle ne se souvenait pas que le corridor était si profond. Était-elle sur le bon chemin ou s’était-elle perdue en cours de route ? Elle se réjouissait déjà d’être dans son lit, vêtue de son vieux t-shirt mauve, détendue, au bord des rêves.
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Que n’aurait-elle pas donné pour rentrer chez elle, ret rouver sa chambre, ses posters d’animaux, sa mère et sa sœur avec ses faux airs de Mylène Farmer. Elle aimait ces deux êtres, et ces deux êtres l’aimaient, parfois avec des maladresses, des brusqueries, des étouffements, mais elle avait le sentiment, avec sa petite famille, de pouvoir être elle-même. Ça n’avait pas de prix. – Tu as peur quelquefois ? demanda subitement Raphaëlle. – Peur ? De quoi ? – De tout. De ce que la vie nous réserve, de l’amour, la sexualité, la mort.
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Cela faisait des semaines que Chiara ne mangeait plus de sucreries, et cette crème glacée fut comme un baume, une caresse qu’elle se faisait à l’intérieur. Quand elle eut fini, elle ressentit un vide, une tristesse qui la poussa à aller recommander trois boules. – Tu veux quelque chose ? demanda-t-elle à Lise. – Non, merci, j’ai déjà du mal à terminer celle-ci. Cette fois-ci, elle opta pour chocolat blanc/ stracciatella / calisson. Elle avait besoin de ce qu’il y avait de plus doux, de plus écœurant.
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