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Critique de erwancamus20


Ouf ! Ce ne sont pas des poèmes. Angle de lecture possible : la poésie est suffisamment phagocytée par les chroniqueurs de poésie (plus poètes-poètes qu'eux, tu meurs) pour qu'elle n'opte pas, encore et toujours, pour une méfiance joueuse quant à son nom, en investissant le sens d'une forme parfaitement improbable : des « éléments pour poèmes d'une chronique fictive ». Or, il se trouve que les prolégomènes font bien formellement quelque chose dans la poésie : ils lui retouchent au moins son sens critique (son portrait), lequel est souvent confondu avec la poétisation niaisement littéraire des « réflexions » autour d'elle, ou la surenchère. La question est de savoir en quel sens on peut dire qu'un livre est "vivant", en évitant, autant que faire se peut, les discours impressionnistes. Pour y répondre, rien de tel qu'un livre qui n'existe pas : celui qu'on a entre les mains n'a d'ailleurs pas de titre, n'étant qu'un avis de parution. Avis de parution de quoi ? D'un livre écrit par "le Performeur", qui n'existe pas non plus... mais dont est fait une "chronique" (prétexte à la création théorique), citations à l'appui. On ne peut guère faire mieux en matière de respiration et d'aération ! La poésie s'y mène une vie dure, irrésistiblement juste et drôle, tout à la fois. Critique au sens rigoureusement kantien ou pas, il y a, en guise de contrepied, cette nonchalance en règle dans l'utilisation des mots qu'affectionne une certaine poésie dite "radicale" - quoique conventionnelle : à commencer par le mot « performance », qui renvoie autant au jargon de l'entreprise ou du sport, ici, et sans aucun complexe, qu'à un espace de la poésie contemporaine. Plutôt que des claques ou des remontrances : des sourires piquants, une affection spéciale, du genre caustique, pour ce qui fait l'ennui de la poésie (ses poncifs et ses recettes, ses "doudous", comme dans tout petit milieu) mais aussi, donc, ses possibilités d'échappées et de contradiction. Quelle forme d'échappée, mise à part celle-ci ? Avec un peu de curiosité, on pourra lire, du même auteur, Tubes Apostilles (Le Quartanier, 2007), Odes du Studio Maida Vale (ibid, 2009) et le merveilleux Mattel (ibid, 2013). Ce livre, en attendant, se donne à penser comme un sas bienvenu de décompression et d'oxygénation de la littérature, où se posent les questions pertinentes, sans modération. Elles n'empêchent pas de convoquer autant Artaud (doudou number one) que la littérature mainstream. Mention spéciale pour les dessins de Christophe Boursault, dont le glissement opère, en fin de livre, comme un dernier tour de vis, accordant la forme en train de se faire à son fil narratif extérieur (celui de notre lecture en train de se faire, cette fois), où il nous est proposé, « en attendant que cuisent nos recettes de poésie », de colorier des supers-héros. Un livre se lit avec toutes les mains performeuses imaginables.
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