«Ce texte charrie une contradiction insoluble, qui consiste à parler d'un secret à des inconnus, à rendre public ce qui devrait rester caché, à dévoiler ce qui ne se goûte que dans la solitude ou l'intimité.
(...) Ceci n'est donc pas un guide, à moins que ce ne soit un guide pour se perdre, un guide pour ne pas y aller -- ou pour y aller seul, ou avec quelques amis, subrepticement, sur la pointe des pieds, lentement, sans quoi l'enchantement de ces terres vous échappera, et certainement vous seriez mieux ailleurs.» p 15
Jean Rodier nous fait partager son amour pour la pêche et les ruisseaux mais la pêche n'occupe pas la plus grande partie d'un récit qui nous fait découvrir «au sud-est du Massif Central, deux promontoires de granit, affleurant pour la Margeride, partiellement recouvert de basalte pour l'Aubrac.» C'est aussi un bonheur que de renouer avec tous ces noms de lieux qui sont liés à la géographie intime de ces régions, noms qui sont aussi souvent devenus des noms de famille, géographie à laquelle se mêlent poésie et rêve (« Les rivières sont le fond de l'esprit où nagent les rêves».p 59).
«A l'inverse du fleuve qui modifie le paysage, le tamise, change sa lumière, le brouille, le reflète, le ruisseau --- à peine s'il a de la masse, de l'étendue, de la profondeur --- s'insère dans les terres, qui font un effort pour ne pas l'absorber, fraie sa voie hésitante et tenace, inclusion transparente et musicale, riche elle-même d'une multitude d'inclusions vivantes, dissimulées dans sa transparence.
(...) Les meneurs de moutons et de vaches ont tourné la difficulté en nommant celui-ci Grandrieu, c'est-à-dire Grand Ruisseau, comme le Malrieu est un mauvais (ou petit) ruisseau, et Rieutort-de-Randon un village où le ruisseau abuse de méandres...» p 36
L'auteur cite des textes anciens (
Plutarque, de
l'intelligence des animaux ou Lucrèce, de la nature des choses) qui n'ont rien perdu de leur vie. Il nous dit, par exemple, alors qu' il fait allusion à la pollution industrielle actuelle, qu'«au XIVème siècle les ouvriers qui déchargeaient les bateaux sur les quais de Paris se mettaient en grève pour exiger une autre pitance que du saumon de Seine à tous les repas...
Les anecdotes, l'abondance de vie, couleurs, faune, flore, leurs variations infinies, la beauté de leur rencontre font de ce livre une véritable fête.