Les politiques de l'immigration font l'objet d'un discours si idéologique et électoraliste (entraînant toute une série de passions et de phobies irraisonnées) que la plupart des idées courantes ne sont que "fausses évidences, de celles qui ne s'imposent que parce qu'elles sont sans cesse assenées" (p. 119). Cet ouvrage collectif est un recueil de très courts rapports de femmes et hommes "de terrain" qui essaient, par l'épreuve des données, des informations généralement opaques de la littérature grise, par des recherches impopulaires et non médiatisées (de résistance, pourrait-on presque dire) de torpiller l'hypocrisie de ces politiques publiques. Très peu d'espace est accordé à la réflexion abstraite, à un recul plus académique, à des considérations éthiques ou politologiques de plus large envergure : certains lecteurs pragmatiques apprécieront cela, alors que pour ma part je reste sur ma faim. Mais tous, avant même de se demander si la conclusion que "Il faut en finir avec la fermeture des frontières" ne repose pas sur autre chose que de l'irénisme et ne relève pas de que l'utopie, sentiront s'ébranler toutes les pseudo-certitudes auxquelles ils ont adhéré jusqu'à la lecture, parmi lesquelles :
- la mutation des politiques migratoires françaises depuis 1974 avec l'alternance des gouvernements de droite et de gauche,
- la dichotomie entre immigration "choisie" et "subie",
- le lien entre misère et migration ou entre développement et non-migration,
- les coûts et bénéfices réels des migrations et de la "maîtrise des flux migratoires",
- la défense des valeurs occidentales par rapport au droit d'asile et aux conventions internationales en vigueur,
- l'opportunité de l'harmonisation européenne et de la coopération avec les pays de transit (notamment nord-africains),
- la véridicité de la lutte contre les passeurs et autres réseaux mafieux de trafics...
J'ai enfin particulièrement apprécié l'épilogue, quelques pages tirées de le Monde d'hier de
Stefan Zweig, dans lesquelles le grand auteur manifestait sa stupéfaction face aux restrictions apportées à la liberté de mouvement des hommes et, de façon générale, à leurs droits, après la Première guerre mondiale. Que ne dirait-il aujourd'hui !
C'est dans les années 1930 qu'il écrit encore : "[...] le premier phénomène visible par lequel se manifesta cette épidémie morale de notre siècle fut la xénophobie : la haine ou, tout au moins, la crainte de l'autre".