L'oeil du cyclope

C’est comme un clin d’oeil qui gomme un univers, le souvenir d’un rêve oublié au matin, un soupir dans un lieu vide.
C’est comme une horloge arrêtée une minute avant minuit, un orage qui retient son souffle, un naufrage en cale sèche, des désirs éparpillés qui se dispersent dans la foule.
C’est comme le prix d’un silence, d’une liberté superflue, d’un désir sans objet, sans firmament.
C’est comme si rien n’avait changé ; comme si le réveil continuait à sonner une heure trop tôt, la lumière à s’éteindre une heure trop tard.
C’est comme si rien ne changeait plus.
Une heure trop tôt.
Une heure trop tard.
Nathanaël, tu n’attends ni n’espères aucune clémence, aucune pitié. Tu as trouvé refuge chez ces fous déguisés en hommes. Les règles du jeu n’ont pas changé, ne changeront plus. Laisse à d’autres la charge des combats millénaires, mille fois gagnés, mille fois perdus

J'aurais aimé mourir autrement, d'une mort qui me ressemblait, me laisser submerger par la mélancolie et la béatitude, les sentir envahir mon corps et mon âme tout entiers, les gonfler jusqu'à ce que j'explose, oui, explose en des milliards d'infimes particules emportées par le soleil couchant, ne laissant pour toute trace de mon passage ici-bas qu'une épitaphe invisible qui dirait : J'étais ici, intensément, et puis je n'étais plus.

Donne-moi juste une branche où me poser, le mirage d'un nid tiède, puis une balance et une plume, que mon âme passe en jugement.

N’aie pas peur du temps qui passe ; l’aiguille des horloges est plus douce que la guillotine, tu verras.

J'aurais tant aimé te rendre ce que je te devais mais n'ai jamais su tenir des registres.