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Critique de enjie77


Lors de la dernière masse critique littérature, j'ai choisi les yeux fermés « Un millionnaire à Lisbonne » ayant déjà lu du même auteur deux de ses thrillers ésotériques ; « La Formule de Dieu » et « L'ultime Secret du Christ ». Et ce fut une belle surprise ! Je remercie vivement Les Editions Hervé Chopin et Babelio de m'avoir permis de passer un excellent et enrichissant moment de lecture.

« Un millionnaire à Lisbonne » fait suite à « L'homme de Constantinople », ouvrage que je n'ai pas lu. José Rodrigues Dos Santos change totalement de registre. Il nous conte une fiction-biographie qui s'inspire de la vie de l'homme qui règne sur l'empire du pétrole en Europe et dans l'Empire Ottoman au début du 20ème siècle et que l'on nomme « l'Homme le plus riche du monde » : Calouste Sarkis Gulbenkian, dénommé dans le livre Kalouste Sarkisian.

Cet homme très peu connu, au destin exceptionnel, diplomate, financier, redoutable en affaires, aimant et amant de jeunes femmes, grand amateur d'art, « ses enfants » comme il appelle ses oeuvres d'art, a fait cadeau à la ville de Lisbonne de toute sa collection d'oeuvres d'Art qui est une des plus riches d'Europe.

L'auteur possède un indéniable talent de conteur, doublé d'une belle érudition et c'est avec grand intérêt que l'on plonge dans cette atmosphère de la première moitié du XXème siècle ; ambiance à la fois dramatique, instable, inhumaine, et pourtant romantique, féconde en découvertes techniques comme en progrès sanitaires, en un mot, une époque à nulle autre pareille.

Le premier tome retrace l'ascension, dans l'empire Ottoman, de cet homme, né dans une famille Arménienne qui a prospéré dans diverses activités d'import-export.

Le second tome retrace la deuxième partie de la vie de Kalouste Sarkisian et met en scène toute la première partie du XXème siècle.

Le récit s'ouvre sur l'année 1955 à Lisbonne où se meurt Kalouste Sarkisian. Son fils, Krikor, assiste à ses derniers instants. Ce dernier se retire au calme afin de feuilleter les carnets écrits par son père.

La lecture de ces carnets se veut le prétexte choisi à la remonter dans le temps avec Krikor. Nous sommes à la veille de la Première Guerre Mondiale. Kalouste règne déjà sur l'Empire du Pétrole et la famille demeure à Londres. Quant à Krikor, il est tombé amoureux de la belle Marjan, Arménienne, contrainte de retourner avec sa famille en Turquie, à Kayserie.

Le récit se décompose en trois parties. La première partie s'intitule « Horreurs » et relate les conditions et les atrocités du génocide des Arméniens dans lequel Krikor va se retrouver plongé à la recherche de sa bien-aimée.

Ce récit est particulièrement douloureux. La narration est assez efficace pour nous immerger dans les affres de la détresse des Arméniens. Il suffit de connaitre les chiffres pour mesurer l'étendue du premier génocide de ce XXème siècle. On estime entre 800 000 et 1 000 000 victimes : des femmes, des enfants, des vieillards déportés jusque dans le désert de Syrie et de Mésopotamie (Irak), les hommes ayant été assassinés dès le départ et tout cela avec l'aide des milices Kurdes !

Petite parenthèse : Je me suis posée la question de savoir si ce n'était pas indécent de se servir d'un génocide pour alimenter une fiction même si elle se veut biographique. Ne maîtrisant pas très bien ce pan de l'Histoire, je me suis régulièrement reportée aux sources de l'information et j'ai pu constater une parfaite maîtrise de l'auteur quant à son sujet ; les faits relatés sont exacts. Notamment, il fait référence à la construction de la ligne des chemins de fer d'Anatolie à Constantinople par la société Holzmann qui emploie quelques arméniens et dont le Chef de Chantier tente de les préserver des gendarmes turcs, les faits sont avérés. Ce qui m'a amenée à revoir mon à priori.

La deuxième partie s'intitule « Beauté » et s'intéresse à la période de la seconde guerre mondiale. A l'entrée des allemands dans Paris, Kalouste possède un magnifique hôtel particulier avenue d'Iéna à Paris où sont entreposées certaines de ses oeuvres d'art. Il est obsédé par La Beauté et conseillé par Sir Kenneth Bark, conservateur de la National Gallery. Il y a des échanges sur la subjectivité du Beau assez passionnants. Les caisses de l'Union Soviétique étant vides, il parvient par l'entremise d'un intermédiaire perse qui deviendra illustre ainsi que le fils de ce dernier, à négocier avec le Musée de l'Ermitage pour l'achat de pièces exceptionnelles : Rembrandt, Rubens, Watteau, Vigée-Lebrun et la Diane de marbre de Houdon…..

Mais l'Histoire se rappelle à lui. Bénéficiant de la qualité de diplomate iranien, résidant auprès du gouvernement à Vichy, il va se voir forcé par les événements et les retournements de situation de trouver une nouvelle terre d'accueil. Ce sera Lisbonne.

La troisième partie « Exil » concerne son installation à Lisbonne et sa rencontre avec Salazar.

Il y a des êtres comme Kalouste qui vive plusieurs vies dans une seule vie. Cet homme, impitoyable en affaires, retors, calculateur, plus qu'infidèle, sera toute sa vie assoiffé de Beauté absolue ! Il dira « Seul le meilleur est assez bon pour moi ».

Je finis sur cette réflexion de Krikor : « Qu'est-ce alors que la beauté ? »

« Tu as passé ta vie entière, père, à chercher la réponse à cette éternelle question. Tu t'es entouré de tableaux et de sculptures, de tapis et de palais, de forêts. Tu l'as cherchée dans les pinceaux de Rembrandt et dans les bois de Sintra, dans les tapis d'Ispahan et dans l'hôtel particulier de l'avenue d'Iéna. Et c'est moi qui ai fini par la trouver, dans ce croisement poussiéreux, perdu quelque part au pied d'une colline aride du désert de Syrie, balayé par le sable que le vent s'était obstiné à projeter contre moi. Aussi incroyable que cela puisse paraître, j'ai fini par trouver la réponse sous un voile.
La beauté est la couleur avec laquelle on peint la vérité ».



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